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La pandémie et le confinement ont amené de nombreux couples à se séparer. Des experts dressent un portrait de la situation au Québec.
8 décembre 2020 | Stress, anxiété, insécurité financière, conciliation famille-travail difficile, confinement… La pandémie ajoute de la pression sur les couples : le nombre de séparations a fortement augmenté au Québec, selon plusieurs experts.
« Depuis le moment où on a commencé à déconfiner, en mai, c’est vertigineux, confirme Me Sylvie Malenfant, avocate en droit de la famille. J’ai parlé à plusieurs de mes collègues et on a deux fois plus de demandes. On pourrait dormir au bureau! »
Même si aucune statistique officielle n’a encore été publiée à ce sujet, plusieurs juristes et médiateurs familiaux ont témoigné ces derniers mois dans les médias de la hausse significative des demandes d’aide pour se séparer ou divorcer. « On note une hausse marquée pour les demandes d’informations », dit Me Claudine Cusson, avocate, médiatrice familiale et vice-présidente de l’Association des médiateurs familiaux du Québec.
L’effet pandémie
Me Claudine Cusson ajoute du même souffle qu’il y a une hausse marquée des couples qui sont forcés de cohabiter même si la décision de se séparer est prise. « Ça arrive toujours, mais il y en a plus en ce moment, et ils doivent le faire plus longtemps », précise-t-elle. La crise du logement, le ralentissement des activités immobilières (pour les visites, par exemple), le délai pour obtenir les services d’un médiateur ou d’un avocat ainsi que la crainte liée à la COVID-19 expliqueraient cette situation.
L’experte note aussi qu’il y a actuellement plus de couples à la tête de familles nombreuses de trois enfants et plus et plus de couples qui ont des enfants à besoins particuliers qui se séparent. Pourquoi? Comme ils sont forcés de cohabiter plus qu’en temps normal, le stress et les conflits augmentent à la maison, explique Me Claudine Cusson. Cette montée de tension combinée au fait que les familles sont isolées, sans aide de la famille extérieure et avec moins d’accès aux services de spécialistes, mène à un trop-plein. « La gestion est difficile à la maison », note-t-elle.
La médiation offerte à tous les parentsAvant de parler de séparation aux enfants, les parents devraient prendre le temps de définir ensemble comment les choses vont se passer concernant, par exemple, la garde des enfants et les dépenses. Il peut alors être utile d’avoir recours à un médiateur pour prendre des décisions éclairées. Les parents ont d’ailleurs droit à cinq heures de médiation familiale gratuite. Une séance d’information sur la parentalité après la rupture est aussi offerte gratuitement par le ministère de la Justice. Depuis 2016, celle-ci est obligatoire pour les parents qui veulent régler leur séparation ou leur divorce en cour. |
La pandémie a aussi fait ressortir tous les facteurs à la source des conflits et des séparations, croit Valérie Montreuil, psychoéducatrice et directrice du Regroupement des familles monoparentales et recomposées de Laval. « Nous avons reçu beaucoup d’appels de détresse, souligne-t-elle. Les cas de conflits qui perdurent au-delà de la séparation ont eux aussi explosé. »
Elle croit également que le niveau de détresse chez certains parents est si élevé que cela a des répercussions sur les enfants : « Au plus fort de la crise, les enfants n’avaient plus l’espace tampon de la garderie, de l’école ou de la famille élargie… Aucun répit possible ni pour les enfants ni pour les parents en processus de séparation, et ce, sur une longue période de temps. »
Valérie Montreuil observe d’ailleurs une hausse de certaines problématiques chez les enfants dont les parents se sont séparés en temps de pandémie : augmentation du stress, des signes d’anxiété et des symptômes dépressifs. « Les parents se sentent impuissants, dit-elle. Ils sont à bout de ressources devant une situation inconnue dont ils ne connaissent pas l’échéance. »
Pour Evelyne, qui est la mère d’un garçon de 1 an et qui s’est séparée il y a quelques mois, la pandémie a sans aucun doute « accéléré les choses ». Privée de ses amis et de sa famille, la jeune mère de famille s’est retrouvée isolée socialement. Déjà exigeant, son boulot dans le milieu de la santé est devenu encore plus stressant. « Ça faisait onze ans que nous étions ensemble, dit la maman de 28 ans. Pendant la pandémie, la communication entre nous deux a chuté, comme si à force d’essayer de garder notre tête hors de l’eau, on a oublié de se parler pour de vrai. On n’avait zéro moment pour nous deux. »
L’intérêt de l’enfant avant tout
Selon elle, la pandémie ne peut pas tout excuser. « Le respect, c’est important. On ne peut pas rester auprès de quelqu’un juste à cause du contexte particulier dans lequel nous sommes. » Malgré la séparation survenue dans un contexte difficile, Evelyne entretient des rapports harmonieux avec son ex « pour le bien de son enfant », confie-t-elle.
C’est en effet la bonne chose à faire puisque, comme le rappelle la psychoéducatrice Valérie Montreuil, l’essentiel est de préserver les enfants. « Leurs besoins et leur intérêt doivent être mis de l’avant, indique-t-elle. On peut parfois être envahi par l’émotion et les enfants sont pris à partie… mais alors, on n’est pas centré sur leurs besoins. »
En tant que parent, il est aussi important de bien connaître ses droits, indique Me Sylvie Malenfant. S’informer, prendre un premier rendez-vous, poser des questions, ce sont les premières étapes pour les parents qui décident de se séparer ou de divorcer. Me Sylvie Malenfant souligne que pour un couple marié, un dossier de divorce prend en moyenne un an à préparer. « Il faut produire des documents, des annexes, aborder la garde des enfants, le partage des biens », énumère-t-elle. Elle précise que « tout est plus long, plus lourd et plus compliqué » actuellement entre autres à cause des rencontres en visioconférence et des retards dans le système de justice.
Besoin d’aide?
Vous songez à vous séparer et vous avez besoin de conseils et de soutien? Voici des ressources fiables et crédibles.
- JuridiQC
Créé par la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) et soutenu par le ministère de la Justice du Québec, le portail JuridiQC vient tout juste de voir le jour. Il vise à donner des outils et des ressources pour rendre la justice plus accessible. Le premier volet mis en ligne concerne les séparations et les divorces.
- Justice Québec
Sur le site du ministère de la Justice du Québec, une section mise à jour aborde toutes les questions liées à la médiation. On y propose un moteur de recherche pour trouver un médiateur familial.
- Association des médiateurs familiaux du Québec
Il s’agit du regroupement des professionnels accrédités au Québec. Le site propose un répertoire afin de trouver un médiateur familial selon plusieurs critères (champs d’expertise, proximité, profession, etc.).
- Educaloi
Le site d’Educaloi, un organisme qui vise à améliorer l’accès à la justice, fournit plusieurs articles explicatifs sur la séparation, la garde des enfants et les pensions alimentaires.
- Porte 33
Il s’agit d’un projet de l’organisme Justice Pro Bono qui permet d’offrir aux parents des rencontres gratuites avec un(e) avocat(e) ou notaire bénévole, accompagné(e) d’un(e) intervenant(e) d’un organisme communautaire Famille.
Maude Goyer – Naître et grandir
Photo : GettyImages/PeopleImages