Être parent quand on a été maltraité

Près du tiers des futurs parents qui attendent un bébé ont vécu de la maltraitance quand ils étaient enfants. Souvent, ces parents qui ont eu une enfance difficile ont peur de reproduire ce qu’ils ont vécu. Qu’en est-il au juste?

Les parents maltraités peuvent-ils s’adapter à leur rôle parental?

Les parents qui ont été maltraités lorsqu’ils étaient enfants rencontrent souvent des défis qui peuvent les rendre plus fragiles. Il peut être plus difficile pour eux de s’adapter à la vie de parent, mais la plupart s’en sortiraient bien.

En effet, il est tout à fait possible de s’épanouir et de bien agir comme parent après avoir vécu de la négligence, de la violence (ex. : physique, sexuelle, psychologique) ou toute autre expérience difficile, comme être témoin de violence conjugale, avoir eu un parent présentant une consommation abusive de drogues ou d’alcool ou souffrant de problèmes de santé mentale.

Plusieurs études récentes démontrent que la majorité des parents qui ont vécu de la maltraitance ne reproduiront pas les comportements dont ils ont été victimes. Cependant, un traumatisme vécu dans l’enfance peut avoir un effet sur la relation d’un parent avec son enfant. Par exemple, un parent maltraité durant l’enfance peut :

• être souvent sur ses gardes ou, au contraire, avoir du mal à reconnaître les situations risquées pour lui ou pour son enfant;
• se sentir déstabilisé par des émotions souvent expérimentées par les parents, comme l’impuissance, la colère ou la culpabilité parce que ces émotions rappellent des souvenirs douloureux;
• se sentir démuni par rapport aux manifestations d’insécurité de son enfant puisque celles-ci ravivent des blessures;
• avoir peur que de « mauvaises choses » arrivent à son enfant;
• avoir du mal à comprendre certaines réactions de son enfant, comme la colère ou les crises, et penser à tort que ce dernier agit ainsi pour le provoquer ou le rejeter.

Les effets possibles de la maltraitance

Les traumatismes vécus durant l’enfance peuvent également laisser des traces dans la vie adulte et avoir un effet sur la santé mentale et physique d’un parent. Par exemple, le risque de souffrir de dépression et d’anxiété, ou d’abuser de drogues et d’alcool est plus élevé quand on a été maltraité.

La grossesse est une période particulièrement sensible puisqu’elle peut faire remonter des souvenirs difficiles et augmenter certains symptômes chez la femme qui a vécu un traumatisme durant l’enfance (ex. : cauchemars, méfiance, colère, irritabilité, isolement).

Des études ont aussi montré qu’un parent qui a vécu plusieurs formes de maltraitance risque plus de développer des problèmes de santé à l’âge adulte. Par exemple, une femme enceinte qui a subi plusieurs traumatismes durant son enfance risque plus de souffrir de diabète de grossesse et de mettre au monde un bébé prématuré ou qui présente des problèmes de développement.

Certains événements stressants ou violents vécus durant l’enfance modifient aussi la façon dont le corps réagit. Par exemple, de fréquents abus durant l’enfance forcent le cerveau à demeurer constamment vigilant et à anticiper le prochain épisode de violence. L’organisme d’une personne maltraitée s’adapte donc pour survivre dans un environnement potentiellement dangereux. La personne peut ainsi être constamment sur ses gardes, être méfiante, réagir fortement lorsqu’elle se sent menacée et éviter des endroits ou des gens qui lui rappellent un traumatisme vécu.

Ces modifications dans la façon dont le corps et le cerveau réagissent au stress ont aussi été associées à un risque de problèmes concernant le développement du foetus et, plus tard, le comportement de l’enfant, même si celui-ci ne vit pas de violence ou de négligence. Ainsi, certains enfants nés de parents maltraités durant l’enfance peuvent être plus anxieux et avoir des troubles de comportement ou un tempérament difficile.

Comment limiter les effets de la maltraitance dans son rôle de parent

Prendre conscience des conséquences des traumatismes vécus durant l’enfance peut aider un parent qui a vécu de la maltraitance. Cela permet de mieux comprendre ses émotions et, surtout, de trouver des moyens pour réduire les impacts de la maltraitance.

Ce travail de réflexion, surtout s’il est fait avec un intervenant, comme un psychologue ou un travailleur social, diminue grandement le risque que les traumatismes de l’enfance nuisent à la parentalité et aient des répercussions sur le développement de l’enfant. Le soutien aimant de l’entourage, qu’il s’agisse de membres de la famille ou d’amis, aide aussi à sortir du cycle de la violence.

Voici des conseils pour vous aider à limiter les effets de la maltraitance dans votre rôle de parent :

• Rappelez-vous qu’il est normal d’avoir encore à l’âge adulte des réactions liées à la maltraitance vécue durant l’enfance.
• Parlez de vos pensées, de vos émotions et de vos réactions avec des personnes de votre entourage en qui vous avez confiance de même qu’avec des intervenants ou des professionnels de la santé.
• Prenez conscience des situations qui vous rappellent des événements traumatiques et apprenez des stratégies pour retrouver votre calme et vous sentir plus en sécurité (ex. : techniques de relaxation, gestion du stress, méditation en pleine conscience).
• Cherchez des ressources de votre communauté qui offrent des groupes de soutien pour discuter avec des personnes qui ont vécu des expériences semblables à la vôtre (ex. : maisons de la famille, maisons d’hébergement pour femmes, CLSC).
• Faites preuve de patience, car arriver à surmonter les difficultés causées par un traumatisme est un processus qui prend du temps.
• Faites aussi preuve de patience et de bienveillance avec votre enfant et essayez de comprendre ses réactions et ce qui se cache derrière ses comportements.
• N’hésitez pas à aller chercher de l’aide professionnelle. Par exemple, une psychothérapie avec un professionnel qui a une bonne connaissance des traumatismes est une bonne façon de comprendre ce qui vous est arrivé, ce qui vous touche et comment vous en sortir.

À retenir

• Bien s’adapter à son rôle de parent est possible même lorsqu’on a été maltraité durant l’enfance.
• Un parent maltraité peut parfois se sentir déstabilisé par des émotions ou des réactions de son enfant qui lui rappellent des choses douloureuses du passé.
• Comprendre son expérience, mettre des mots sur ses émotions et obtenir le soutien de son entourage et de professionnels aide à limiter les effets de la maltraitance sur son rôle de parent.

Révision scientifique : Nicolas Berthelot, psychologue et professeur au Département des sciences infirmières de l’Université du Québec à Trois-Rivières Recherche et rédaction : Équipe Naître et grandir Mise à jour : Novembre 2025

Photos : GettyImages/fotostorm et CAP53