Zoom sur la réalité des pères immigrants au Québec

Zoom sur la réalité des pères immigrants au Québec
Zoom sur la réalité des pères immigrants au Québec
Une analyse met en lumière la réalité des pères immigrants.

9 juin 2025 | Même si les pères immigrants font face à plusieurs défis économiques, ils se disent majoritairement heureux comme parents, proches de leurs enfants et unis dans leur couple. C’est ce que révèle une analyse présentée dans le cadre de la Semaine québécoise de la paternité qui se déroule jusqu’au 15 juin.

Le Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP) a décidé de profiter de la Semaine québécoise de la paternité pour donner la voix aux pères immigrants. Le but? Mieux comprendre leur réalité pour mieux les accompagner.

Pour ce faire, le RVP vient de publier un portrait de la situation des pères immigrants réalisé à partir d’une analyse des données de l’Enquête québécoise sur la parentalité 2022, produite par l’Institut de la statistique du Québec, et d’autres études scientifiques sur le sujet. Voici les principaux résultats qui permettent d’en savoir plus sur ce que vivent les papas venus d’ailleurs.

Plus scolarisés, mais plus pauvres

« Payer le loyer, l’épicerie et toutes les factures : il y a beaucoup d’enjeux de survie pour les pères immigrants qui veulent faire leur place dans un nouveau pays », note le directeur général du RVP, Raymond Villeneuve en entrevue. Sans surprise, les données du portrait montrent que leur condition socioéconomique est plus difficile que celles des pères québécois nés au Canada. « Les pères immigrants sont plus scolarisés, mais plus pauvres », résume-t-il.

En effet, le portrait présenté par le RVP indique que 63 % des pères immigrants détiennent un diplôme universitaire, comparativement à 34 % des pères nés au Canada. La grande majorité a un emploi et travaille à temps plein (94 %). Malgré cela, plus du tiers des pères immigrants estiment leurs revenus insuffisants pour répondre aux besoins de leur famille, comparativement à 20 % des pères nés ici.

La non-reconnaissance de leur diplôme et de leur expertise professionnelle explique notamment cette situation. « C’est malheureusement trop répandu de voir des professionnels dans leur pays qui doivent combiner ici deux ou trois métiers pour arriver à joindre les deux bouts. Il faut travailler sur ces enjeux, estime Raymond Villeneuve. Personne n’est gagnant quand on se prive d’expertise de diplômés comme celle d’un médecin, d’un infirmier ou d’un ingénieur prêt à contribuer. »

Des pères fiers de leurs enfants

Malgré leur précarité économique, les pères immigrants sont nombreux à se dire satisfaits de leur rôle de parents. « Il y a une grande fierté des enfants chez les pères immigrants, mentionne Raymond Villeneuve. C’est important pour eux que leurs enfants trouvent leur place et qu’ils aient une bonne éducation. » Bien sûr, cela vient avec un stress en raison des défis auxquels ils font face. « Mais l’immigration donne à ces pères l’occasion d’améliorer la qualité de vie de leurs enfants et de leur famille et ça leur donne du courage », observe le directeur général du RVP.

Voici ce que révèle à ce sujet l’analyse des données de l’Enquête québécoise sur la parentalité 2022.

  • 42 % des pères immigrants se disent grandement satisfaits de leur rôle de parents, comparativement à 21 % des pères québécois nés au Canada.
  • 83 % d’entre eux sont heureux dans leur rôle de père, comparativement à 72 % des papas nés au Canada.
  • 75 % se sentent proches de leurs enfants, comparativement à 63 % des pères nés au Canada.
  • 80 % aiment passer du temps avec leurs enfants, comparativement à 72 % des papas nés au Canada.
  • 77 % des pères immigrants trouvent leurs enfants agréables, cette proportion est de 62 % chez les pères nés au Canada.
  • Les pères immigrants sont légèrement plus nombreux (24 %) que les pères nés au Canada (20 %) à indiquer un degré de stress parental élevé.

Des parents qui se redéfinissent ici

Papa immigrant change la couche de son bébé

Les pères qui immigrent au Québec doivent s’adapter à plusieurs changements, notamment à une société différente. Et pour plusieurs, cela se traduit par une plus grande implication dans la vie de famille. « En immigrant, les pères vivent certains deuils, mais on voit qu’il y a aussi des gains, souligne Raymond Villeneuve. Des papas disent par exemple que, dans leur pays d’origine, ils n’auraient jamais changé de couches ni donné le bain à leur bébé, mais qu’ici, ils le font parce que c’est possible dans la nouvelle société. »

Les parents venus d’ailleurs ont aussi tendance à former une équipe forte. En effet, l’analyse des données de l’Enquête québécoise sur la parentalité 2022 sur la relation coparentale montre que :

  • 66 % des pères immigrants rapportent se sentir souvent ou toujours soutenus par leur conjointe ou conjoint, comparativement à 51 % des pères québécois nés au Canada.
  • Cette proportion est encore plus forte chez les papas arrivés ici depuis moins 5 ans : 76 % d’entre eux disent se sentir souvent ou toujours soutenus par leur partenaire.
  • 57 % des pères immigrants affirment recevoir rarement ou jamais de critique de la part de leur conjointe ou conjoint. Cette proportion est de 52 % pour les pères nés au Canada.

« Comme leur entourage immédiat n’est pas présent ici, les parents immigrants se retrouvent seuls pour traverser les épreuves. Ils se rapprochent et se serrent les coudes pour s’aider, explique Raymond Villeneuve. Cette situation renforce la coparentalité. » Les données analysées pour le RVP montrent que cela peut également amener une division moins genrée des rôles pour les tâches ménagères.

Ce qu’en pensent les enfants

Comment les enfants qui immigrent ici perçoivent-ils le rôle de leur père auprès d’eux pendant les changements qui découlent de cette transition? C’est la question creusée par la chercheuse Christine Gervais, professeure à l’Université du Québec en Outaouais et directrice scientifique de l’Institut universitaire SHERPA. « Mes travaux ont montré que les enfants observent une différence dans la manière dont leur père interagit avec eux avant et après l’immigration, a-t-elle dit lors du lancement de la Semaine québécoise de la paternité. Et ils apprécient ce changement. Plusieurs enfants disent que leur père passe plus de temps avec eux. » Les enfants ne sont pas marqués par une activité extraordinaire comme une sortie coûteuse à La Ronde. « Ils apprécient plutôt les interactions du quotidien comme lire une histoire avec leur père, marcher jusqu’à l’école avec lui ou avoir son aide pour apprendre le français. » La chercheuse ajoute que les enfants lui ont beaucoup parlé du sentiment de sécurité apporté par leur père : une sécurité matérielle pour être logés et nourris, une sécurité physique pour les défendre et une sécurité émotionnelle « parce qu’ils sentent que leur papa va être présent auprès d’eux durant toute leur vie. »

Pour en savoir plus sur la réalité des parents immigrants, consultez :

Ressources :

Julie Leduc – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

Photos : GettyImages/kate_sept2004 et Pollyana Ventura

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