Une étude québécoise montre que la violence familiale est en baisse depuis 25 ans.
21 octobre 2025 | Les paroles et les gestes violents des parents envers leurs enfants ont considérablement diminué depuis 25 ans, selon une enquête de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Malgré cette baisse, la violence demeure toutefois présente et les efforts pour la prévenir doivent se poursuivre.
Le rapport qui vient d’être publié par l’ISQ présente des données recueillies en 2024 auprès de 6 248 parents d’enfants de 6 mois à 17 ans, soit 4 302 mères et 1 946 pères. Voici les principaux résultats.
Moins de violence physique et psychologique
Les résultats encourageants de l’enquête de l’ISQ révèlent que les parents sont de moins en moins favorables à la punition corporelle et que les enfants subissent moins de violence en 2024. Par exemple :
- Entre 1999 et 2024, la violence psychologique répétée envers les enfants (ex. : crier après un enfant, l’insulter, menacer de lui donner la fessée) est passée de 48 % à 28 %. La violence physique mineure (ex. : donner une tape sur la main d’un enfant, le pincer ou lui donner une fessée) est passée de 48 % à 13 %.
Secouer ou brasser un enfant de moins de 2 ans représente de la violence physique sévère.
- Depuis 25 ans, la violence physique sévère a diminué, mais de manière moins importante. Ce type de violence, qui inclut donner un coup de poing ou de pied à un enfant, le saisir par le cou ou le frapper avec un objet, est passée de 7 % à 3,1 % de 1999 à 2024.
- Entre 1999 et 2024, la proportion de mères qui pensent que certains enfants ont besoin de se faire taper pour apprendre à bien se conduire a baissé, passant 29,2 % à 4,5 %. Chez les pères, cette proportion a également baissé, passant de 33,8 % à 7,1 % entre 2004 et 2024.
- De 2004 à 2024, la proportion de mères qui considèrent que la fessée est une méthode efficace pour éduquer un enfant a aussi diminué, passant de 11,8 % à 2,3 %. Chez les pères, cette proportion a également baissé de 16,3 % à 3,5 %.
L’enquête n’a pas étudié les raisons qui peuvent expliquer ces diminutions de la violence, mais Marie-Ève Clément, la chercheure principale de l’étude, émet l’hypothèse que certaines mesures sociales présentes au Québec permettent de soutenir les parents. Elle cite en exemple les congés parentaux, l’accès à des services de garde publics et les programmes de prévention pour favoriser le développement des compétences parentales.
« On parle aussi de plus en plus de violence envers les enfants dans les médias, ajoute celle qui est professeure titulaire au département de psychoéducation et de psychologie de l’Université du Québec en Outaouais. La Commission Laurent sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse a aussi été très suivie. Tout ça contribue à mon avis à changer tranquillement les mœurs des parents, leur perception de la punition corporelle et le fait de voir que la violence n’est pas une bonne pratique. »
Encore des progrès à faire pour moins de violence parentale
Même si de manière en générale, la violence parentale est en baisse, plusieurs enfants sont toujours victimes de violence. L’enquête de l’ISQ estime qu’en 2024 :
- 454 180 enfants ont subi de l’agression psychologique répétée (3 fois ou plus au cours de l’année);
- 217 490 enfants ont subi de la violence physique mineure (au moins une fois);
- 50 660 enfants ont été victimes de violence physique sévère (au moins une fois);
- 122 400 enfants ont fait l’objet de négligence, c’est-à-dire que leur famille ne répondait pas adéquatement à leurs besoins physiques et psychologiques (ex. : supervision, affection, nourriture, sommeil, etc.).
Selon les données de l’ISQ, les garçons ont subi un peu plus de violence que les filles. Les enfants ayant des besoins spécifiques élevés sont aussi en proportion plus nombreux que les autres à avoir fait l’objet de gestes violents de la part d’au moins un parent.
Ces données font dire à la chercheure Marie-Ève Clément qu’il y a encore du travail à faire. « Il ne faut pas se dire tout va bien, on ne fait plus rien, dit-elle. Au contraire, ça ne va pas bien dans nos services. On coupe partout à l’école comme dans les centres de services de santé et de services sociaux. Les familles ont de la difficulté à avoir des services. Il faut consolider les services, surtout ceux de première ligne pour agir en prévention. »
Elle note que sans service, les situations ne peuvent que se détériorer. « Par exemple, un enfant qui a des difficultés à l’école et qui n’a pas accès à un orthophoniste peut voir ces problèmes augmenter. L’augmentation de ces difficultés peut aussi faire augmenter la violence à la maison », illustre-t-elle.
Exposition à la violence conjugaleL’enquête de 2024 a aussi évalué l’exposition des enfants à la violence entre partenaires intimes. Le rapport indique qu’en 2024, environ 20 % des enfants ont été exposés à de la violence physique ou psychologique entre partenaires intimes, soit environ 323 880 enfants. Ce type de violence, aussi appelée violence conjugale,était présent avant la naissance de l’enfant. En effet, la mère de 12 % des enfants de 6 mois à 5 ans a rapporté avoir subi cette forme de violence entre le début de la grossesse et le 2 e anniversaire de l’enfant. Cet aspect de la violence familiale n’avait pas été mesuré ainsi dans les enquêtes précédentes. Il sera étudié dans les prochaines éditions pour évaluer sa prévalence et son évolution dans le temps. « L’exposition des enfants à la violence entre partenaires intimes est maintenant considérée comme une forme de maltraitance à part entière, mentionne Marie-Ève Clément. On veut étudier l’ampleur du problème. » |
L’édition 2024 de L’Enquête sur la violence et la négligence familiales dans la vie des enfants du Québec représente la 5e édition de cette étude depuis 1999. Elle permet d’estimer la prévalence de la violence envers les enfants et de suivre l’évolution du phénomène depuis 25 ans. Cette enquête de l’ISQ est réalisée pour le compte du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Vous pouvez consulter l’étude ici : ISQ.
Toute forme de violence envers les enfants est mauvaise et nuit à leur développement. Pour en savoir plus sur le sujet, consultez notre dossier : Reconnaître et prévenir la violence familiale.
Julie Leduc – Équipe Naître et grandir
Photo : GettyImages/tatyana_tomsickova