La nouvelle définition de l’obésité pourrait changer le diagnostic et le traitement de l’obésité chez les enfants.
5 mars 2025 | L’obésité est une maladie. C’est la conclusion d’une cinquantaine d’experts internationaux qui ont pris position récemment sur un sujet qui fait débat depuis des années. Quel impact cela pourrait-il avoir sur le diagnostic et le traitement de l’obésité chez les enfants de même que sur les courbes de croissance?
Le groupe d’experts qui a publié une nouvelle définition de l’obésité dans la revue The Lancet Diabetes & Endocrinology déplore entre autres que le diagnostic repose depuis longtemps sur l’indice de masse corporelle (IMC).
Ces experts souhaitent notamment que d’autres mesures soient prises en compte pour diagnostiquer l’obésité puisque l’IMC, qui est basé sur le poids et la taille, a ses limites. En effet, l’IMC ne tient pas compte de la répartition du gras corporel. Cet indice ne fait pas non plus la distinction entre un poids élevé en raison d’une forte masse musculaire, et un poids élevé causé par un excès de gras corporel.
Deux formes d’obésité
En encourageant l’utilisation d’autres mesures comme le tour de taille et le pourcentage de graisses corporelles, le groupe d’experts souhaite offrir une définition plus précise de l’obésité et favoriser sa reconnaissance en tant que condition médicale.
Dans la nouvelle définition, les experts distinguent maintenant deux formes d’obésité :
- L’obésité préclinique qui correspond à un excès de graisse corporelle sans impact significatif sur la santé.
- L’obésité clinique qui est une maladie chronique directement causée par un excès de graisse corporelle.
L’IMC et les courbes de croissances
Au Canada, les professionnels de la santé utilisent les courbes de croissance de l’Organisation mondiale de la santé pour évaluer le poids et la croissance d’un enfant. À partir de 2 ans, ils tiennent compte de l’IMC de l’enfant dans le calcul des courbes de croissance.
Les limites de l’IMC peuvent-elles affecter les courbes de croissance et l’évaluation que peut faire un professionnel de la santé d’un surplus de poids chez un enfant? « L’IMC peut continuer à être utilisé, mais en complément avec d’autres mesures, comme le tour de taille, le ratio taille/hanche ou encore une mesure directe du gras corporel », explique Patricia Blackburn, professeure au Département des sciences de la santé et directrice de l’Unité d’enseignement en kinésiologie à l’Université du Québec à Chicoutimi.
Un meilleur accès à des traitements pour les enfants?
« Faciliter le diagnostic de l’obésité, c’est aussi faciliter la prise de décision et potentiellement, mieux orienter les enfants qui présentent une obésité clinique », ajoute Patricia Blackburn qui voit le travail du groupe d’experts d’un très bon oeil. Selon elle, cela pourrait encourager le système de santé à rendre plus accessibles les traitements de l’obésité clinique. « Pour le moment, les équipes multidisciplinaires - pédiatre, nutritionniste, psychologue, kinésiologue… - qui offrent ce type de soins sont peu nombreuses au Québec. Donc, si cette nouvelle définition peut permettre d’y accéder gratuitement, ce serait une grande avancée. »
Cécile Quynh-Trang Nguyen, diététiste-nutritionniste au CHU Sainte-Justine de Montréal, estime pour sa part que le contexte actuel pourrait être une occasion pour l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) d’examiner les directives entourant le diagnostic de l’obésité clinique et la couverture des médicaments prescrits pour la traiter. Cette démarche permettrait de mieux adapter les services aux besoins des patients et de favoriser une amélioration continue.
« Mettre moins d’attention sur le poids pourrait aussi permettre de mieux identifier les causes sous-jacentes liées à la prise de poids et de débuter son traitement plus tôt », affirme Claire Tugault-Lafleur, diététiste et professeure adjointe à l’École des sciences de la nutrition de l’Université d’Ottawa. Elle espère d’ailleurs que les professionnels de la santé prendront désormais le temps de considérer d’autres paramètres que le poids et la taille pour identifier l’obésité.
Défaire les préjugés liés au poids
Par ailleurs, le groupe d’experts insiste dans ses conclusions sur la nécessité d’aborder l’obésité avec compassion et sans jugement, en offrant des soins personnalisés. Selon Patricia Blackburn, beaucoup de travail reste à faire pour parler des problèmes de poids des enfants avec les bons mots et pour ne pas culpabiliser les parents.
Les préjugés liés au poids sont encore très présents dans la société, mais aussi dans le milieu médical. Leurs conséquences sont néfastes pour la santé mentale des enfants et pour la prise en charge des problématiques reliées au poids. « Les personnes qui se sentent stigmatisées par rapport à leur poids ont besoin de ressources et de soins, pas de discours moralisateur », rappelle Patricia Blackurn.
Des réactions au QuébecIl est encore trop tôt pour savoir s’il y a consensus autour de cette nouvelle définition de l’obésité dans le milieu de la santé. Toutefois, le gouvernement du Québec a dit récemment qu’il n’a pas l’intention, pour l’instant, de reconnaître l’obésité comme une maladie. De son côté, Corinne Voyer, la directrice du Collectif Vital, auparavant la Coalition Poids, a fait remarquer dans un texte d’opinion que 47 des auteurs et autrices de cette nouvelle définition ont déclaré des liens avec l’industrie pharmaceutique dont notamment une compagnie qui commercialise des médicaments de perte de poids. « Bref, le débat n’est pas clos et une réflexion éthique s’impose dans cette reconnaissance de la maladie », soutient-elle. |
RESSOURCES ET RÉFÉRENCES
Charleyne Bachraty – Équipe Naître et grandir
Photo : GettyImages/FatCamera