Grossesse: les conséquences graves de la violence conjugale

Grossesse: les conséquences graves de la violence conjugale
Grossesse: les conséquences graves de la violence conjugale
La violence conjugale touche une femme sur 10 au Québec pendant la période périnatale.

1er décembre 2022 | Au Québec, une femme sur 10 serait victime de violence conjugale pendant la grossesse et dans les mois suivants l’arrivée du bébé. Une situation qui peut avoir des conséquences graves autant sur la mère que sur son enfant, s’inquiètent des chercheuses québécoises.

La sexologue Sylvie Lévesque de l’UQAM et la chercheuse en travail social Chantal Lavergne de l’Institut universitaire Jeunes en difficulté (IUJD) ont fait le point sur la situation des femmes victimes de violence conjugale pendant la période périnatale dans le cadre des Conférences midi de l’IUJD.

« Les données de 2018-2019 confirment qu’une mère sur 10 au Québec est victime de violence conjugale pendant la période périnatale, remarque Sylvie Lévesque. Sachant qu’il y a environ 85 000 naissances chaque année, cela représente beaucoup de familles touchées. »

Des conséquences inquiétantes

Cette situation est préoccupante en raison des conséquences sur la santé physique et psychologique de ces femmes. La violence peut d’ailleurs affecter le déroulement de leur grossesse. « Ces mères ont un recours plus tardif au suivi de grossesse, explique Sylvie Lévesque. De plus, la croissance du foetus dans l’utérus peut être compromise. » Le risque de naissance prématurée et de petits poids à la naissance est aussi plus élevé.

« Vivre dans un contexte de violence conjugale a également des conséquences sur l’enfant et son développement », ajoute la sexologue. Ces enfants sont en effet plus anxieux, ont des problèmes de sommeil et ont parfois des retards cognitifs.

Une grossesse sous le signe de l’anxiété

Les chercheuses se sont entretenues avec 17 mères victimes de violence conjugale pour mieux comprendre leur réalité. Elles les ont recrutées dans des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale ou dans des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Ces mères ont pu raconter comment la violence conjugale avait affecté le déroulement de leur grossesse.

Pour la majorité d’entre elles, la violence s’est intensifiée pendant la grossesse et après l’accouchement. De plus, les violences augmentaient avec chacune des grossesses.

« Ces femmes ont vu des changements dans la façon dont la violence était commise, ajoute Sylvie Lévesque. Par exemple, leur conjoint exerçait un plus grand contrôle sur leur corps. Il contrôlait aussi ce qu’elles mangeaient ou quand elles dormaient. » Il pouvait également décider des gens qu’elles avaient le droit de fréquenter ou si elles pouvaient se présenter chez le médecin.

De plus, certaines femmes ont vécu de la violence au moment de l’accouchement. « On parle d’insultes, de photos publiées sur les réseaux sociaux sans leur consentement, de refus de les conduire à l’hôpital pour accoucher et parfois même de violence physique », raconte Sylvie Lévesque. Dans certains cas, le personnel soignant a dû intervenir pour interdire l’accès à la salle d’accouchement au partenaire violent.

Dans la majorité des cas, la violence s’est poursuivie après l’accouchement. « Ces femmes ont vu leur charge mentale et physique augmenter, explique la sexologue. Elles devenaient alors la principale responsable des soins aux enfants et de l’organisation domestique. » En effet, le conjoint violent s’impliquait peu et culpabilisait la mère si elle voulait prendre du temps pour elle. Si la femme souhaitait reprendre le travail ou les études, elle était également punie par le partenaire.

« Cette situation cause une hypervigilance et beaucoup d’anxiété chez les mères, surtout en ce qui concerne leur sécurité et celle de leur enfant », ajoute Sylvie Lévesque. Par ailleurs, ces femmes étaient préoccupées pour le développement de leur enfant et s’assuraient que ses pleurs ne déclencheraient pas des comportements violents chez le conjoint. Ce dernier utilisait aussi l’enfant pour exercer son contrôle sur la mère et la dissuader de rompre.

Reconnaître les femmes victimes

La période de la grossesse est un bon moment pour venir en aide aux femmes victimes de violence conjugale. « C’est une période où les femmes ont des contacts répétés avec des professionnels de la santé et des services sociaux ou des organismes communautaires », remarque Sylvie Lévesque. Les professionnels ont alors l’occasion d’établir un lien de confiance et d’offrir le soutien nécessaire à ces femmes.

Les intervenantes rencontrées par les chercheuses mentionnent toutefois qu’identifier les victimes de violence conjugale est un défi. « Cela demande du temps, de la confiance et des occasions d’échanger avec les familles », souligne Chantal Lavergne. Les visites à domicile offrent d’ailleurs cette possibilité d’entrer en contact.

Enfin, les résultats des chercheuses indiquent que les femmes victimes de violence conjugale ont souvent des conditions de vie plus difficiles. Elles sont plus jeunes et plus souvent sans emploi. Elles ont aussi peu de soutien social et vivent dans des milieux défavorisés. « Au-delà de la nécessité d’intervenir sur la situation de violence conjugale, il faut également agir sur leur contexte de vie qui est plus difficile », conclut Sylvie Lévesque.

Si vous êtes victime de violence conjugale

Il est important de dénoncer les actes dont vous êtes victime. Pour ce faire, vous pouvez :
  • parler de ce que vous vivez à une personne en qui vous avez confiance;
  • trouver des personnes qui peuvent vous aider.
Si vous sentez que votre vie ou celle de votre enfant est menacée, appelez la police, au 911.
Des ressources pour vous aider :

 

Kathleen Couillard – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

Photo : GettyImages/fizkes

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