Le jeu du calmar: l'importance d'encadrer ce que les enfants regardent

Le jeu du calmar: l'importance d'encadrer ce que les enfants regardent
Le jeu du calmar: l'importance d'encadrer ce que les enfants regardent

Cette nouvelle fait partie de nos archives. Il se peut que son contenu ne soit pas à jour.


La série Le jeu du calmar rappelle l’importance d’encadrer l’usage des écrans par les enfants et d’être attentifs à ce qu’ils écoutent.

20 octobre 2021 | Destinée à un public de 18 ans et plus, la série Le jeu du calmar est à ce point un phénomène que bien des enfants du primaire la connaissent, en discutent ou… l’ont visionnée. Cette tendance rappelle, une fois de plus, l’importance d’encadrer ce que les enfants écoutent et d’en discuter avec eux.

Diffusée sur Netflix, la série Le jeu du calmar (Squid Game) raconte le parcours de joueurs dans une compétition qui présente six épreuves, semblables à des jeux d’enfants connus (1-2-3 Soleil, jeu de billes, etc.). Un seul des participants sortira du jeu gagnant et… vivant. Tous les autres seront « éliminés », c’est-à-dire tués.

Le vainqueur mettra la main sur un gros lot de près de 50 millions de dollars. L’histoire se déroule en Corée du Sud et elle met en scène les plus démunis de la société, prêts à mourir plutôt que de retourner dans leur quotidien difficile.

18 ans et plus, mais connue des enfants

Classé par le diffuseur « TV-MA », soit 18 ans et plus, à cause de ses scènes violentes, très graphiques, Le jeu du calmar a fracassé tous les records de Netflix depuis sa sortie, mi-septembre. « Il est évident que beaucoup d’enfants en entendent parler, que ce soit via leurs amis ou dans la cour d’école », dit Marc Alexandre Ladouceur, spécialiste en éducation aux médias chez HabiloMédias.

« J’ai appris l’existence de Squid Game parce que mon fils de 7 ans voulait le costume des ‘méchants’ de la série, avec la combinaison rouge et le masque, raconte Maryse, mère de deux enfants. Heureusement, il n’a pas regardé cette émission. Il est super sensible, il n’aurait pas bien géré ça! »

L’issue a été différente pour Gabriel, 8 ans : il a visionné la moitié de la série alors qu’il était chez un ami. « Son anxiété a grimpé, confie son père Daniel. Il a du mal à s’endormir le soir, il a peur du noir et il ne veut plus changer d’étage, dans la maison, à moins que quelqu’un y soit déjà. »

Daniel a fait une mise au point avec les parents des amis de son garçon, qui eux aussi perçoivent les répercussions néfastes du visionnement chez leurs enfants. Un exemple? Dans plusieurs cours d’écoles primaires du Québec, ces dernières semaines, des enfants se sont mis à reproduire certaines scènes du film. Une école de la Rive-Sud de Montréal a même pris la décision de retirer les cordes à danser des bacs de jeux dehors pour éviter que les perdants à un jeu se fassent fouetter.

En Beauce, une école des Bois-Francs a envoyé aujourd’hui une lettre aux parents pour les sensibiliser au phénomène. On peut y lire : « Certains élèves ont reproduit les jeux d’enfants en simulant le port d’arme et les actes de violence véhiculés dans cette série. »

Du contenu facile d’accès

L’accessibilité au contenu, grâce aux appareils mobiles, est l’un des enjeux soulevés par le visionnement de masse de la série Le jeu du calmar. « Chaque famille a plusieurs appareils portables à sa disposition, ils sont abordables, explique Caroline Fitzpatrick, professeure au département d’enseignement préscolaire et primaire de l’Université de Sherbrooke. Le contenu, diffusé en flux, est facile d’accès, et il est accessible en tout temps ».

Depuis le début de la pandémie, les familles passent d’ailleurs plus de temps devant l’écran – et cela inclut les enfants, ajoute l’experte qui a dirigé une étude internationale sur l’usage des écrans chez les jeunes.

Des impacts différents selon les enfants

Elle indique que le contenu violent aura davantage un impact chez les enfants qui ont un tempérament plus impulsif ou qui ont un comportement plus agressif. « Aussi, on sait que si les héros ont des traits de personnalité enviables, qu’ils résolvent des problèmes avec la violence ou qu’ils sont récompensés après avoir posé des gestes violents, ou encore que la violence est montrée de façon divertissante, les enfants seront plus prompts à être influencés et à répliquer certains gestes ou comportements », note-t-elle.

Caroline Fitzpatrick souligne que les enfants plus empathiques, plus anxieux, seront plus sensibles à certaines répercussions liées à l’exposition à la violence, comme une augmentation du sentiment de peur et de la détresse. « Si un enfant consomme des médias au contenu violent, à long terme, cela peut mener à une désensibilisation, une perte d’empathie et la croyance qu’avec la violence, l’agressivité, la force, on peut régler ses problèmes. »

Instaurer des règles sur les écrans

Même si la fameuse série est interdite aux enfants, et qu’on tente, comme parents, d’en limiter l’exposition à nos enfants, il n’en demeure pas moins qu’elle est partout : certains segments circulent sur les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, YouTube, etc.) et un jeu a été créé sur la plate-forme Roblox, populaire principalement chez les 7 à 12 ans.

Selon Marc Alexandre Ladouceur, d’HabiloMédias, le phénomène met en lumière l’importance d’instaurer, en famille, des règles sur l’utilisation des écrans. « On peut par exemple décider que le visionnement d’un média se fait toujours dans la salle familiale, durant certaines heures de la journée, propose-t-il. Et on essaie d’avoir une participation active : on demande aux enfants ce qu’ils regardent, pourquoi, ce qu’ils aiment de ce contenu, qui sont les personnages, bref, on entre en discussion. »

Des conséquences peuvent être liées au non-respect des règles. « On peut changer les mots de passe pour ajouter une restriction sur le service de diffusion, par exemple, dit-il, ou interdire l’accès à l’appareil pour une période de temps, déterminée au préalable. »

Comment réagir si notre enfant a vu la série?

Si notre enfant a du mal à se remettre du visionnement de la série, la psychologue Nadia Gagnier suggère de le soutenir et de le rassurer, quitte à faire quelques accommodements dans la routine. « On peut prolonger la routine du dodo ou laisser la porte de sa chambre ouverte, glisse-t-elle. Il faut aussi lui donner l’occasion de ventiler, de parler de ce qui le hante ou le rend inconfortable. On lui demande de nous expliquer ce qui l’a dérangé dans ce qu’il a vu, ce qui l’a marqué. »

Et si notre enfant ne nous a pas soufflé mot du Jeu du calmar, doit-on ouvrir le sujet? Oui, croit Nadia Gagnier. « Règle générale, il est préférable d’attendre qu’un enfant parle d’un sujet délicat ou anxiogène de lui-même, admet-elle. Mais dans ce cas-ci, puisque plusieurs écoles ont envoyé des mots aux parents à ce sujet, je recommande aux parents de l’aborder, sans être trop émotifs ni affolés. »

Elle conseille d’avoir une discussion rationnelle sur ce qu’il sait du phénomène, et si cela le touche. « Si notre enfant nous répond ne pas être au courant, on n’insiste pas et on passe à autre chose, expose-t-elle. Et si au contraire, il connaît la série ou qu’il est curieux, on entame une conversation franche avec lui, en lui demandant par exemple, ce qu’il sait, ce qu’il en pense, s’il a des questions. »

Nadia Gagnier rappelle aussi aux parents qu’il ne faut « ni banaliser ni dramatiser » toute l’affaire. « C’est notre rôle de parent de superviser la gestion du temps d’écran et d’interdire le visionnement de la série qui n’est pas destinée aux enfants, affirme-t-elle, et si c’est déjà fait, c’est aussi notre rôle de l’aider à développer un regard critique en lui rappelant, par exemple, que c’est de la fiction. »

 

À lire aussi :

 

Maude Goyer – Naître et grandir

Naître et grandir

 

Photo : GettyImages/tataks

Partager