Le syndrome de la couvade

Le syndrome de la couvade
Plusieurs futurs pères éprouvent des symptômes d’empathie en réaction à la grossesse de leur partenaire.


Le syndrome de la couvade

Alors que leur partenaire est enceinte, certains pères éprouvent eux-mêmes des symptômes associés à la grossesse. Par exemple, ils ont des envies alimentaires particulières ou prennent du poids. Ces futurs papas éprouvent ce genre de symptômes d’empathie en réaction à la grossesse de leur partenaire. C’est ce qu’on appelle la « couvade ».

Certains parlent d’une « grossesse nerveuse », ce qui peut refléter l’état d’anxiété de certains futurs pères à l’idée d’eux-mêmes devenir pères, ou d’une « grossesse sympathique » ou « grossesse compatissante » reflétant l’état d’esprit de certains hommes.

Ce syndrome, qui n’est pas une maladie, est plus répandu que l’on croit. Aux États-Unis, le phénomène toucherait de 25 à 52 % des pères, et plus particulièrement ceux qui attendent un premier bébé. Les hommes auraient toutefois tendance à ne pas parler de ces symptômes. En effet, ils auraient plus de difficultés à admettre que leurs symptômes sont en lien avec la grossesse de leur partenaire et chercheraient plutôt une autre explication. Les mères, elles, feraient plus facilement le lien.

Qu’en est-il des couples lesbiens?
La couvade est un concept qui date de plusieurs décennies et qui a été étudié seulement chez les pères. On dispose donc de peu d’information pour savoir comment cela pourrait être vécu chez les couples constitués de deux mères.

Cela dit, on sait que la couvade permet de canaliser l’anxiété chez le père, car même si celui-ci ne porte pas l’enfant, il est soumis à un stress important devant ce changement de vie. Elle le prépare à la fonction parentale et l’aide à éprouver de l’empathie pour la mère qui porte l’enfant en partageant avec elle certains symptômes. Il est donc possible de croire que cette situation se retrouverait également dans un couple constitué de deux mères.

Toutefois, selon un autre point de vue, les couples de femmes ont tendance à considérer les deux membres comme des mères à parts égales, sans distinction à celle qui porte et celle qui ne porte pas l’enfant. Elles semblent en effet mettre moins d’accent sur l’aspect physiologique de la parentalité que les couples hétérosexuels. Cette vision différente pourrait peut-être diminuer la fréquence de la couvade.

Il serait donc intéressant, dans les années à venir, d’étudier plus en profondeur ce phénomène chez les couples constitués de deux mères.

Les symptômes

Le syndrome de la couvade consiste en une large variété de symptômes physiques et psychologiques ressentis par l’homme durant la grossesse de sa partenaire. Généralement, les symptômes apparaissent au 1er trimestre, disparaissent en grande partie au 2e trimestre et reviennent plus intensément au 3e trimestre, pour disparaître souvent à la naissance du bébé ou peu de temps après.

La couvade fait partie de la famille de troubles psychosomatiques, c’est-à-dire que les symptômes anxieux et dépressifs se manifestent de façon corporelle. Les symptômes physiques les plus fréquents sont des nausées, des vomissements, des brûlures d’estomac, un changement d’appétit, des maux de dents, une prise de poids, des envies alimentaires, de la diarrhée, et même des douleurs abdominales. Les douleurs abdominales et la diarrhée ne sont toutefois pas nécessairement des symptômes de couvade.

Certains futurs pères peuvent aussi éprouver des symptômes qui nuisent à leur bien-être psychologique. Par exemple, ils peuvent connaître des sautes d’humeur, de la nervosité, de l’irritabilité et des problèmes de concentration.

Pourquoi?

Plusieurs théories tentent d’expliquer le phénomène de la couvade.

  • La couvade pourrait être une réaction hormonale. Selon certaines études, ce syndrome serait lié à une baisse de testostérone. De plus, les hommes qui produisent soudainement plus de prolactine, une hormone importante pendant la grossesse et l’allaitement, sont plus nombreux à connaître de tels symptômes. Après la naissance de l’enfant, ces pères ont aussi une réaction émotionnelle plus forte aux signaux de leur bébé.
  • La couvade pourrait exprimer une volonté du père de s’impliquer physiquement dans la grossesse de sa partenaire. D’ailleurs, dans certaines sociétés traditionnelles, le passage du statut de jeune homme à celui de père est marqué symboliquement par un rituel de couvade.
  • Pour certains hommes, ce serait une manière d’exprimer leur anxiété et leurs craintes quant à la santé du bébé, leur angoisse de devoir gérer un nouveau membre dans la famille ou la peur de ne pas savoir s’occuper de l’enfant à sa naissance. Par ailleurs, les hommes qui ressentent plus facilement de la détresse devant les émotions négatives des autres seraient plus susceptibles d’être touchés par la couvade.
  • La couvade serait une réaction à la transition vers le rôle de père. Elle permettrait au père de s’adapter aux émotions associées à son nouveau rôle. D’une part, il peut s’adapter en s’identifiant à sa conjointe pour mieux comprendre ce qu’elle vit et ainsi se sentir plus empathique envers elle et plus à même de répondre à ses besoins. D’autre part, la couvade permettrait aux hommes de canaliser leur anxiété à l’idée de la transition de devenir père. Les hommes qui ont eu des cours prénataux sont d’ailleurs plus souvent touchés par la couvade. Ce syndrome pourrait donc se manifester en raison de l’engagement du père pendant la grossesse de sa conjointe et de sa préparation à son rôle de père.
  • La couvade pourrait être une façon socialement admissible d’adopter un rôle plus maternant lorsqu’on est un homme. Il s’agirait donc d’un phénomène d’identification à une part féminine à l’intérieur de l’homme.
  • Les symptômes physiques désagréables pourraient être une façon pour le père de se soulager de sa culpabilité à l’égard de sentiments parfois d’envie et de jalousie envers l’enfant à naître qui occupera le temps et l’attention de la mère.
  • La couvade pourrait également s’expliquer par l’impression d’être mis à l’écart dans une période où l’attention est principalement portée vers la mère. Les hommes qui connaissent des symptômes de couvade envieraient l’habileté de leur conjointe à porter un enfant. Ils pourraient aussi craindre de perdre leur place auprès de leur partenaire.
  • Si la mère s’occupe de la cuisine, ses envies et ses besoins alimentaires croissants pourraient causer une modification de l’alimentation de la famille. Cela pourrait contribuer à la prise de poids du futur papa et à ses malaises gastro-intestinaux.

Quoi faire?

Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour aider le futur père à mieux vivre ce passage.

  • Favoriser de bonnes habitudes de vie. Par exemple, limitez les aliments trop gras ou trop sucrés, évitez le grignotage, ayez une alimentation diversifiée, buvez suffisamment d’eau, faites de l’activité physique et prenez du temps pour vous reposer.
  • Parler de ses émotions à sa conjointe et consulter diverses ressources pour se rassurer dans ses inquiétudes. Partager son vécu de futur papa avec d’autres pères peut aussi aider.
  • Consulter un professionnel si le futur père en ressent le besoin, car les symptômes de couvade peuvent cacher de l’anxiété, un état dépressif ou encore une difficulté d’adaptation au futur rôle de père.
  • S’impliquer au maximum dans la grossesse pour éviter de se sentir exclu. Le futur père peut participer aux cours prénataux, accompagner sa conjointe aux rendez-vous médicaux et aux échographies, s’occuper des démarches administratives pour l’accouchement, préparer la chambre de bébé, etc.
  • Caresser le ventre de sa conjointe et parler au bébé régulièrement. Cet exercice permettra de prendre contact et de renforcer son lien avec le bébé.

Si vous présentez des symptômes de couvade, discutez-en aussi avec votre médecin. Ce phénomène peut soulever des questions au sein de votre couple qui méritent qu’on cherche à y répondre. Chaque personne réagit différemment au stress, et ces symptômes peuvent indiquer que vous avez besoin de l’aide d’un professionnel de la santé afin que la grossesse de votre conjointe se déroule dans le meilleur bien-être possible.

À retenir

  • Plusieurs futurs pères peuvent éprouver eux-mêmes des symptômes de grossesse.
  • Les symptômes peuvent être aussi bien physiques que psychologiques.
  • La couvade pourrait être due à des modifications hormonales, mais aussi à la transition de l’homme vers son nouveau rôle de père.
  • Le père qui vit des symptômes de couvade devrait en discuter avec sa conjointe ou son médecin, au besoin.
Naître et grandir

Révision scientifique : Geneviève Parent, sexologue et psychothérapeute
Recherche et rédaction :Équipe Naître et grandir
Mise à jour : Août 2022

Photo : GettyImages/eyecrave productions

Références

  • BOLZINGER, E. « Sur le chemin de la paternité, les premiers pas du père : la parole donnée aux hommes », Médecine humaine et pathologie, 2012.
  • BRENNAN, Arthur. « Couvade syndrome: Why some men develop signs of pregnancy », The Conversation, 2014. theconversation.com
  • BRENNAN, A. et autres. « A critical review of the couvade syndrome: The pregnant male », Journal of Reproductive and Infant Psychology, vol. 25, no 3, 2007. www.tandfonline.com
  • BYDLOWSKI, M. « La crise parentale de la première naissance : l’apport de la psychopathologie », Informations sociales, vol. 4, no 132, 2006.
  • CLINTON, J.T. « Psychological and physical symptoms throughout pregnancy and the early postpartum period », International Journal of Nursing Studies, vol. 24, 1987.
  • KAZMIERCZAK, Maria et autres. « Couvade Syndrome among Polish expectant fathers », Medical Science Monitor, vol. 19, 2013, p. 132-138.
  • WYNNE-EDWARDS, Katherine E. « Why do some men experience pregnancy symptoms such as vomiting and nausea when their wives are pregnant? », Scientific American.www.scientificamerican.com

Partager

À lire aussi