Le pouvoir infini... des écrans

Le pouvoir infini... des écrans
Par Julie Fortier, Rédactrice en chef, Naître et grandir
Une publicité montrant un tout-petit avec un écran dans un siège d’auto a suscité des réactions dans notre équipe. Julie Fortier, responsable éditoriale, s’exprime sur le sujet.

Récemment, en arrivant au bureau, une collègue a ouvert devant moi le journal gratuit qu’elle a pris dans le métro pour me montrer une publicité déployée sur deux pages. Un « Oh! » de découragement est rapidement sorti de ma bouche. De même que de celle d’autres collègues par la suite.

Que montrait la fameuse publicité? Une tablette électronique - sur laquelle défile un dessin animé - accrochée sur le dos du siège avant du passager et les petites jambes d’un très jeune enfant assis dans un siège d’auto. Et dans le coin droit, on pouvait lire : « Même le calme en voiture ».

Peut-être rien de bien choquant pour la plupart des gens, même que cela peut décrocher un petit sourire en coin. Toutefois, quand on sait tous les problèmes associés aux écrans, on ne peut que se questionner.

Chuuut!

Je ne saurais dire ce qui est le plus dérangeant dans cette publicité : l’image qui démontre comment les écrans s’infiltrent partout ou le texte qui envoie le message que « pour avoir la paix, pourquoi ne pas mettre votre enfant devant un écran? » Qui a dit, d’ailleurs, que les enfants – surtout les bébés! – devaient être calmes (lire silencieux) - « même en voiture »?

Je pense que c’est surtout l’association naturelle que les publicitaires et les fabricants de jouets, et bien d’autres, font maintenant entre « écran et jeune enfant » qui est préoccupante. Comme si les appareils mobiles étaient devenus un indispensable dès la petite enfance. C’est aussi une banalisation des écrans que l’on prétend être inoffensifs alors qu’ils sont loin de l’être. Mal et trop utilisés, ils peuvent en effet nuire au développement d’un enfant.

On ne le dira jamais assez, un tout-petit a besoin d’interactions avec les autres et, bien entendu, particulièrement avec ses parents pour bien se développer. Avec nos journées bien chargées, les périodes d’échanges avec nos enfants sont limitées. Tous les petits moments à table, en voiture, avant le coucher sont donc précieux (même avec un enfant de 1 an…).

Accrocher les bébés

Bien sûr, les écrans font maintenant partie du quotidien des familles et peuvent être utiles dans certaines circonstances (comme lors de longs trajets en auto, me direz-vous). Les experts s’entendent toutefois pour dire que les bonnes habitudes en lien avec les écrans doivent commencer en bas âge. D’où le défi comme parent d’y avoir recours de façon responsable. Les sollicitations sont d’ailleurs nombreuses, et ce, dès la petite enfance : les chaînes télé pour bébé, les applis annoncées à la fin d’émission pour les tout-petits, les vidéos conçues pour les jeunes enfants sur YouTube, les tablettes ou téléphones intelligents pour bébé…

L’accumulation de ces produits fait augmenter le temps d’écran des tout-petits dans une journée, souligne l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) dans un rapport. « De plus, ils contribuent à créer l’illusion qu’il est normal pour l’enfant de passer plusieurs heures de sa journée devant un écran », peut-on aussi lire.

S’assoir devant un écran est tellement devenu « normal » que le nombre d’heures que les enfants y passent inquiète grandement plusieurs experts qui parlent même d’un problème de santé publique. Il serait donc grand temps que tout le monde s’en préoccupe, et pas seulement les parents.

Quelques chiffres 

  • À 2 ans, un tout-petit canadien passerait en moyenne 2,4 heures par jour devant les écrans.
  • À 3 ans, ce chiffre s’élèverait à 3,6 heures.
  • À 5 ans, alors que l’enfant commence l’école, le temps-écran passerait à 1,6 heures par jour.
  • De 2 ans à 5 ans, un enfant ne devrait pas passer plus d’une heure devant les écrans, selon les recommandations de la Société canadienne de pédiatrie (SCP).
  • Avant 2 ans, un bébé ne devrait pas être exposé aux écrans, selon la SCP.

Source : Madigan S et al. Association Between Screen Time and Children’s Performance on a Developmental Screening Test, JAMA Pediatrics, janvier 2019.

 

17 octobre 2019

Naître et grandir

Photos : GettyImages/lisegagne

Julie Fortier, Rédactrice en chef, Naître et grandir Toutes les chroniques de l'auteur

Chroniques sur le même sujet