Les écrans doivent être utilisés avec modération afin de profiter de leurs bons côtés et de diminuer les risques qui y sont associés.
Par Nathalie Vallerand
Même si les tout-petits les aiment, les écrans devraient être utilisés avec modération afin de profiter de leurs bons côtés et de diminuer les risques qui y sont associés. Il est donc important d’établir des limites en bas âge, et d’apprendre à votre enfant à bien les utiliser.
À 2 ans, un tout-petit passe en moyenne 2,4 heures par jour devant un écran et, à 3 ans, 3,6 heures, selon une étude canadienne. Et selon un rapport de l’Institut de la statistique du Québec datant de 2022, 16 % des enfants de maternelle 5 ans passent en moyenne 2 heures et plus par jour devant les écrans.
Pas étonnant : les écrans sont amusants et de nombreux parents les trouvent pratiques pour occuper leur enfant. Toutefois, pour bien se développer, votre enfant a besoin d’avoir des contacts avec les autres et de faire toutes sortes d’activités : des casse-têtes, de la pâte à modeler, du bricolage, des culbutes, lancer un ballon, regarder des livres, etc. Les écrans ne devraient donc pas prendre trop de place dans sa vie.
« On me rapporte que des enfants commencent l’école avec une motricité moins avancée que les autres parce qu’ils n’ont probablement pas assez couru, sauté, lancé, dessiné ou découpé, se désole Cathy Tétreault, fondatrice du Centre Cyber-aide et directrice de la Maison des jeunes de Duberger. Et certains manquent d’habiletés sociales parce qu’ils ont passé plus de temps à utiliser les écrans qu’à vivre dans la réalité auprès de leurs pairs. »
Les enfants ont besoin d’avoir des contacts avec les autres, de bouger, de se faire lire des histoires et de jouer librement pour bien se développer.
De plus, les tout-petits qui passent beaucoup de temps devant la télé ou la tablette ne bougent pas assez ; ce qui peut entraîner, à long terme, un surplus de poids. Des études ont en effet établi un lien entre les écrans et le surpoids chez les enfants.
« L’écoute prolongée de la télévision nuit au développement cognitif, à l’utilisation et à l’acquisition du langage ainsi qu’aux bases de la fonction exécutive (contrôle des émotions, attention, mémoire de travail) », indique la Dre Stacey Bélanger, pédiatre au CHU Sainte-Justine, membre du groupe de travail sur la santé numérique de la Société canadienne de pédiatrie et membre du comité scientifique sur la présence des écrans à l’école à l’Institut national de santé publique du Québec.
Les écrans peuvent également nuire à la capacité de votre enfant à contrôler ses émotions et ses comportements. Ils peuvent aussi nuire à son sommeil. Il est d’ailleurs recommandé de n’utiliser aucun écran au moins une heure avant le coucher.
Les parents de Charlotte, 16 mois, essaient de ne pas exposer leur petite fille aux écrans. C’est la recommandation de la Société canadienne de pédiatrie (SCP) : pas d’écran avant 2 ans, sauf pour communiquer avec des proches à l’aide d’une application vidéo. « On n’est pas contre les écrans, dit Kevin Galarneau, le papa de Charlotte. On va sûrement initier notre fille à des jeux éducatifs sur la tablette dans quelques mois. Mais pour le moment, elle a plein de choses à découvrir dans son environnement. »
De 2 à 5 ans, les pédiatres canadiens recommandent de limiter le temps d’écran des tout-petits à 1 heure par jour, quel que soit l’appareil utilisé (téléphone intelligent, tablette, télévision, ordinateur ou console de jeu). Après 5 ans, la SCP ne suggère pas de temps maximal, mais mise plutôt sur une saine utilisation des écrans.
Le gouvernement du Québec recommande lui aussi de limiter le temps d’écran à 1 heure par jour pour les enfants de 2 à 5 ans et à 2 heures par jour pour les enfants de 6 à 12 ans.
Les bons côtés des écrans
Bien sûr, les écrans n’ont pas que de mauvais côtés. Ils procurent du plaisir et ils peuvent aider votre enfant à renforcer des apprentissages. Par exemple, Rafael, 4 ans, regarde souvent des dessins animés en portugais, la langue de son père. « C’est une façon pour lui d’entendre plus de portugais », explique sa maman, Andrée-Anne Lalancette.
« Les émissions de télévision de qualité dont le contenu est adapté à l’âge de l’enfant peuvent être un moyen supplémentaire de favoriser des aspects du développement cognitif, y compris les attitudes prosociales et le jeu imaginaire des enfants de 2 à 4 ans, affirme la Dre Stacey Bélanger. Les applications interactives d’apprentissage de la lecture peuvent aussi les aider à reconnaître des sons et à apprendre de nouveaux mots. »
Même les jeux vidéo peuvent avoir des avantages éducatifs quand ils sont bien choisis et adaptés à l’âge de l’enfant. Par exemple, ils peuvent contribuer au développement de la logique, des habiletés visuelles et spatiales, et de la capacité à résoudre des problèmes.
Toutefois, les enfants apprennent davantage si un adulte est avec eux lorsqu’ils utilisent les écrans. Il est donc préférable d’être aux côtés de votre enfant quand il joue avec une tablette ou qu’il regarde la télévision. Vous pourrez ainsi commenter ses efforts pour réussir un niveau ou discuter avec lui de ce qui se passe à l’écran.
Même si votre enfant trouve les écrans amusants, il faut lui apprendre à bien s’en servir et lui imposer des limites.
Enfin, sachez qu’il est quand même difficile pour votre tout-petit d’utiliser les apprentissages faits avec un écran dans la vraie vie. « Les jeunes enfants apprennent beaucoup mieux en trois dimensions, grâce à des échanges directs avec leurs parents et avec les personnes qui s’occupent d’eux », affirme la Dre Stacey Bélanger.
Du temps pour autre chose
Vous voulez éloigner votre enfant des écrans, mais vous ne trouvez pas ça simple? Vous n’êtes pas seul! Plus de 25 % des parents qui ont au moins un enfant de 0 à 5 ans trouvent difficile d’encadrer l’usage que fait leur enfant des écrans, selon l’Enquête québécoise sur la parentalité parue en 2022.
« Je dois toujours faire un décompte pour que mes garçons arrêtent de jouer avec leur console ou d’écouter des vidéos, dit Ariane Foisy, maman de Zack Émyl, 4 ans, et de Nathan, 6 ans. Si je ne limite pas le temps d’écran, ils exagèrent. »
Les parents d’Aydann, 2 ans, et de Malaïka, 7 ans, ne veulent pas que leurs enfants utilisent les écrans en semaine. Mais, ce n’est pas toujours facile. « Le matin, Aydann arrive souvent dans notre chambre avant qu’on cache le téléphone qui nous sert de réveille-matin, raconte la maman, Aurore Robert-Mavounia. Dès qu’il le voit, il veut regarder des dessins animés sur YouTube. On essaie de détourner son attention, mais parfois on cède et on le lui laisse cinq minutes. »
Un tout-petit peut-il être dépendant aux écrans? En bas âge, une réelle dépendance aux écrans ou aux jeux vidéo est extrêmement rare. Cependant, plusieurs jeunes enfants passent beaucoup trop de temps devant les appareils électroniques. Cela les empêche de développer un rapport sain avec les écrans et augmente le risque qu’ils les utilisent aussi de façon excessive plus tard. La psychologue Marie-Anne Sergerie suggère aux parents de porter attention aux comportements de leur enfant pouvant indiquer un problème avec les écrans : faire des crises lorsqu’on lui demande d’éteindre les appareils électroniques ; mentir sur son utilisation des écrans ou les utiliser en cachette ; se servir des écrans pour se calmer ou se sentir mieux ; préférer les écrans aux amis et avoir peu d’intérêt pour d’autres types d’activités. |
L’organisme Pause ton écran suggère d’établir une routine dans laquelle vous déterminez un moment précis pour utiliser les écrans dans la journée (ex. : 15 minutes au retour de la garderie) et d’opter pour de courtes séances (pas plus de 30 minutes). L’organisme recommande aussi de garder en tête que même si la recommandation est de ne pas dépasser une heure d’écran par jour, il s’agit d’une possibilité seulement, pas d’un besoin. Si votre tout-petit est occupé à autre chose et ne s’en sert pas du tout durant la journée, c’est encore mieux.
Faudrait-il aller jusqu’à interdire les écrans pour les tout-petits? « C’est aux parents de décider, selon leurs valeurs, mais les écrans font partie de nos vies et sont là pour rester. On a donc avantage à montrer aux enfants comment les utiliser de façon responsable », dit Normand Landry, professeur à l’Université TÉLUQ et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains.
Il faut dire aussi que les bonnes habitudes sont plus faciles à mettre en place en bas âge. Et qu’il est plus facile de donner des limites à un jeune enfant que d’enlever du temps d’écran à un enfant plus âgé!