Faim de loup ou d’oiseau? Réponses à vos questions

Faim de loup ou d’oiseau? Réponses à vos questions
Par Stéphanie Côté, Nutritionniste
Votre enfant touche à peine à son assiette et cela vous inquiète ou, au contraire, il a toujours faim? Voici de quoi vous rassurer et vous guider.


Mon enfant refuse de manger aux repas ou alors il ne prend que quelques bouchées. Dois-je m’en inquiéter?

Non, pas nécessairement. L’appétit d’un enfant varie d’un jour à l’autre et parfois dans la même journée. Selon les périodes, il peut manger seulement quelques bouchées dans la journée ou, au contraire, sembler ne plus avoir de fond. C’est normal!

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette variabilité. En période de croissance, l’appétit de l’enfant augmente. À l’inverse, d’autres événements lui coupent l’appétit. Cela peut être le cas d’une maladie, comme un gros rhume, d’une situation difficile à la maison ou encore d’un grand changement dans la vie de l’enfant. Le simple fait de faire son entrée à la garderie peut couper l’appétit de votre enfant les premiers temps. Par ailleurs, tout comme les adultes, certains enfants ont moins d’intérêt pour les repas et la nourriture.

Durant la petite enfance, les enfants ont un rythme de croissance très rapide. Cela dit, chaque enfant grandit à son rythme. Il peut être plus petit, plus lourd ou plus léger que d’autres enfants de son âge et c’est tout à fait normal. Généralement, sa courbe de croissance respecte un profil régulier, c’est-à-dire qu’il demeure sensiblement dans le même percentile des courbes de croissance. Tant que votre enfant ne décroche pas de ses courbes, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Seuls un médecin ou une nutritionniste sont habilités à déceler un problème dans la croissance de votre enfant.

Y a-t-il une quantité minimale de nourriture que mon enfant devrait manger dans la journée?

Non. Il n’y a pas de quantité minimale précise de nourriture qu’un enfant devrait manger dans la journée pour bien grandir. Il se peut que votre enfant ait en tout temps un petit appétit et que cela lui suffise à combler ses besoins pour assurer une bonne croissance et un bon développement. Offrez-lui des aliments variés de chaque groupe de l’assiette équilibrée représentée dans le Guide alimentaire canadien pour lui apporter des éléments nutritifs différents.

Mon enfant a toujours eu un petit appétit. Doit-on couper ses collations pour qu’il mange davantage aux repas?

Il ne faut pas couper ses collations, mais plutôt se questionner sur leur horaire et leur composition. Sont-elles offertes trop proches du repas? Sont-elles soutenantes au point de couper la faim de votre enfant?

Les enfants ont de grands besoins en énergie et de petits estomacs. Ils ne sont donc pas portés à manger de grandes quantités de nourriture au même repas. C’est pourquoi il est indispensable de leur offrir plusieurs occasions de manger dans la journée, soit trois repas et deux ou trois collations, pour leur permettre de combler leurs besoins nutritifs. Les collations sont nécessaires, car elles complètent les repas en ayant une bonne valeur nutritive. Elles permettent aussi à l’enfant de tenir jusqu’au repas suivant, car avoir très faim nuit à son énergie et sa bonne humeur.

Pour que l’enfant garde tout son appétit au moment de passer à table, il est essentiel d’offrir la collation au moins de 1h30 à 2h avant le repas. La collation ne doit pas être trop copieuse si le prochain repas suit de 1h30. Elle peut être plus soutenante si le prochain repas vient dans deux ou trois heures. Les meilleures collations sont composées de deux aliments issus de deux catégories du Guide alimentaire canadien. Un fruit et un morceau de fromage, un muffin maison et un verre de lait ou des légumes et du houmous sont de bons exemples.

Par ailleurs, si votre enfant a un appétit d’oiseau au repas, mieux vaut éviter de lui donner un grand verre d’eau ou de lait avant le repas afin que cela ne prenne pas trop de place dans son estomac.

L’enfant est le seul à savoir quelle quantité il va manger et s’il a faim ou non. Ne vous inquiétez pas, un enfant en santé ne se laissera pas mourir de faim!

Un enfant peut ne pas avoir faim et votre attitude avec lui ne doit pas changer pour autant. Autrement dit, vous devez lui offrir les aliments prévus au repas, mais en petite quantité. Avant de commencer le repas, demandez à votre enfant s’il a une grande ou une petite faim. Il est essentiel d’adapter la quantité offerte en fonction de l’appétit de l’enfant.

Le médecin a diagnostiqué une carence en fer chez mon enfant de 18 mois qui ne veut pas manger de viande au repas. Dois-je le forcer à finir son assiette?

Non. Aucune raison n’est valable pour forcer un enfant à manger. L’obliger ou montrer votre mécontentement quand il ne mange pas peut faire plus de tort que de bien. Même si votre intention est bonne, car vous voulez que votre enfant grandisse bien, cela risque de lui envoyer un mauvais message. L’obliger l’amène à manger pour obéir et non pour répondre à ses besoins. Il faut éviter d’interférer, que ce soit en « négociant » ou en récompensant. Le mieux est que l’enfant écoute son corps. Ses signaux de faim et de satiété sont son meilleur guide.

Pour encourager votre enfant à manger tel ou tel aliment, vous pouvez donner l’exemple. Vous pouvez, par exemple, dire à quelques reprises lors du repas que vous aimez l’aliment tout en le démontrant physiquement, soit par un sourire, par l’intonation de la voix ou par des gestes (ex. : frotter son ventre avec ses mains). Votre enfant pourrait être tenté de vous imiter.

Bien que la viande soit une excellente source de fer, il y a d’autres aliments qui en contiennent : le poisson, les légumineuses (lentilles, haricots noirs, etc.), le tofu, les noix et les graines, comme les graines (ex : de citrouille), les pâtes et autres aliments faits de farine de blé (car ils sont enrichis en fer) et les œufs, notamment. Servez un fruit ou un légume en même temps que les légumineuses, le tofu et les produits céréaliers, car la vitamine C aide le corps à absorber le fer d’origine végétale. Continuez aussi à offrir des céréales enrichies en fer pour bébé jusqu’à l’âge de 2 ans. Celles-ci peuvent être incorporées dans des crêpes ou une recette de biscuits ou de muffins maison.

Depuis que j’ai introduit les aliments dans l’alimentation de mon bébé de 6 mois, il boit moins de lait. Dois-je m’inquiéter?

L’introduction des aliments dans l’alimentation de votre poupon permet de combler ses besoins nutritionnels plus importants à partir de 6 mois. Lorsque vous commencez à servir les aliments à votre bébé, vous devez quand même continuer à l’allaiter ou lui offrir un biberon de préparation pour nourrissons autant de fois qu’il le désire. Cependant, ce n’est pas dit qu’il boira toute la quantité de lait offerte! Le lait demeure important, et pour en favoriser sa consommation, offrez le sein ou le biberon avant les aliments. À partir de l’âge de 9 mois, vous pouvez l’offrir avant ou après les aliments, car à partir de cet âge, il est normal que votre bébé diminue la quantité de lait qu’il boit.

Tout comme celui d’un adulte, l’appétit d’un bébé varie d’un jour à l’autre. Il est normal qu’un bébé mange ou boive parfois moins. En observant certains signaux chez votre bébé, vous apprendrez à connaître son appétit. S’il s’intéresse à la nourriture que vous lui offrez, c’est qu’il a encore faim et vous pouvez continuer à le nourrir sans hésitation. Par contre, s’il ferme la bouche, boude, repousse la cuillère, tourne la tête, pleure ou joue avec sa nourriture, il vous montre qu’il a assez mangé. Il peut aussi ne pas aimer certains aliments ou certaines textures. N’insistez pas et tentez de réintroduire ces aliments quelques jours ou semaines plus tard.

Mon enfant ne veut pas manger aux repas, mais mange quand ça lui plaît. Dois-je le laisser faire?

Non. Établissez un horaire régulier de repas et de collations. Une routine dans la fréquence des repas et des collations est essentielle, car elle rassure les enfants et leur offre des repères leur permettant d’anticiper leur moment. Les enfants apprennent ainsi que des aliments leur sont offerts régulièrement et qu’ils n’ont pas à se gaver par crainte d’en manquer.

Pour inciter l’enfant à manger de façon positive aux repas, vous pouvez lui faire comprendre qu’il n’est pas obligé de manger, mais que la prochaine occasion de le faire sera à la prochaine collation. Il est important de maintenir la structure et l’heure des repas pour que l’enfant comprenne qu’il ne peut pas manger quand bon lui semble. Les repas et les collations sont aussi des moments que les membres de la famille ont du plaisir à partager, bien plus que si chacun mange de son côté selon des horaires différents.

Mon enfant de 20 mois a peu d’appétit, mais il boirait 2 litres de lait si je le laissais faire. Dois-je limiter la quantité de lait que je lui donne?

Oui. Boire beaucoup de lait peut en effet nuire, car ça coupe son appétit pour des aliments variés. Les autres aliments apportent de nombreux nutriments que le lait ne contient pas et qui sont indispensables au bon développement de l’enfant. Essayez de limiter le lait qu’il boit à 750 ml par jour.

Mon enfant de 2 ans a bon appétit, mais refuse de manger les nouveaux mets que je lui prépare. Est-ce normal?

Ce refus de goûter les nouveaux aliments est tout à fait normal et se manifeste généralement vers 2 ans à 5 ans. Ce comportement a même un nom : la néophobie alimentaire, c’est-à-dire la peur de tout nouvel aliment. Les enfants présentent alors une grande réticence à goûter les aliments inconnus et ont tendance à trouver mauvais tout nouvel aliment qu’ils acceptent de goûter.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. Autour de 2 ans, les enfants passent souvent par une phase du « non » et il en est de même lorsque vient le temps de passer à table. L’enfant peut également rechercher la sécurité en période de changement et les aliments les plus connus le sécurisent.

Si vous faites face à un enfant néophobe, faites votre possible pour rester zen. En effet, il est possible d’atténuer progressivement la néophobie de l’enfant grâce à certains trucs d’apprentissage et à un environnement facilitant.

  • La familiarisation : plus un enfant apprend à connaître un aliment, plus il l’appréciera. N’hésitez pas à présenter plusieurs fois un aliment, même s’il n’a pas très bien été reçu la première fois. Faites preuve de patience, car il est très rare qu’un enfant apprécie un nouvel aliment après la première consommation. Cela peut prendre 5, 10, 20 expositions, et même plus, avant qu’il accepte de goûter.
  • Donner l’exemple : l’enfant acceptera plus facilement de goûter de nouveaux mets si son entourage apprécie cet aliment. Les nouveaux produits sont en effet plus facilement acceptés lorsqu’une personne de son entourage, parent, ami, éducatrice ou autre mange l’aliment avec plaisir.
  • Faire participer les enfants à la préparation du repas : il se familiarise ainsi avec l’aliment avant de le voir dans son assiette, et peut l’accepter plus facilement.

Mon enfant de 2 ans ne mange souvent que quelques bouchées de son plat principal, mais pourrait manger trois desserts. Dois-je le laisser faire?

Les enfants ont naturellement une préférence pour le goût sucré. Il est donc normal qu’ils aiment davantage les desserts! Il ne faut pas pour autant qu’ils ne se nourrissent que de dessert.

Ce qui fonctionne souvent avec les enfants obnubilés par le dessert, c’est de l’offrir en même temps que le plat principal. En mettant ainsi tous les aliments sur la table, l’enfant peut manger sa part de dessert et « passer à autre chose ».

Si vous préférez offrir le dessert à la fin du repas, votre enfant a droit à sa part même s’il n’a pas touché à son assiette. Cependant, il est important de limiter le dessert à une portion, et ceci est valable pour tous, pour éviter qu’il ne se nourrisse que de dessert. Si votre enfant a encore faim après son dessert, vous pouvez lui proposer de nouveau son assiette de plat principal. S’il n’en veut vraiment pas, faites-lui savoir que la prochaine occasion qu’il aura de manger sera à la prochaine collation.

Mon enfant de 3 ans a un appétit sans fin! J’ai peur qu’il grossisse trop. Dois-je contrôler sa consommation de nourriture?

Oui et non. Vous pouvez contrôler l’horaire et le contenu des repas et collations, mais pas la quantité que votre enfant mange.

S’il respecte ses signaux de faim et de satiété, votre enfant va grandir en santé et développer le corps qui est fait pour lui. C’est important qu’il ait confiance en sa capacité à écouter son corps et qu’il ne développe pas une relation malsaine avec les aliments. Voilà pourquoi le mieux que vous puissiez faire pour lui est de lui offrir des repas et collations sains et variés, et lui faire confiance pour qu’il mange à sa faim.

Au cours de ses premières années de vie, un enfant grandit et prend du poids. Souvent, pendant 1 an ou 2, il prend proportionnellement plus de poids qu’il grandit, ce qui fait apparaître des petites « rondeurs de bébé ». Son corps s’allonge et s’affine ensuite progressivement jusque vers l’âge de 4 à 6 ans. Quelques mois ou années plus tard, selon chaque enfant, il se remet à accumuler un peu de réserves adipeuses (de gras). C’est ce qu’on appelle le « rebond d’adiposité ». Il s’agit d’un phénomène normal, comme si le corps se préparait à la poussée de croissance qui l’attend à l’adolescence.

Même si un problème de poids est présent, on n’impose surtout pas un régime à un jeune enfant. Vouloir le faire maigrir avant qu’il ait fini de grandir peut avoir de lourdes conséquences. Ça peut perturber sa croissance, fragiliser ses os, causer de la fatigue, etc. Sans oublier les troubles alimentaires qu’il pourrait développer et l’isolement dont il serait victime. Bref, un régime amaigrissant ou un contrôle des quantités de nourriture consommées risque d’amplifier le problème plutôt que de le régler.

Si votre enfant a faim tout le temps, proposez-lui des repas et des collations plus nourrissants, riches en protéines, en fibres et en bons gras. Établissez un horaire régulier de trois repas et deux ou trois collations. Proposez-lui également de se resservir aux repas s’il a encore faim. S’il a très faim, c’est peut-être qu’il a de plus grands besoins!

Mon enfant de 4 ans a beaucoup d’appétit et voudrait manger tout en continuant son activité. Que faire?

Quand c’est le moment de manger, c’est le moment de manger, point. Sans faire autre chose. C’est prouvé, prendre ses repas devant une source de distraction, comme la télévision ou l’ordinateur, incite à manger plus. Pourquoi? Parce que l’écran ou le jeu empêche l’enfant d’écouter ses signaux de faim et de satiété. Il mange par automatisme, sans se demander s’il a encore faim.

Pour se concentrer sur son repas et son corps, installez votre enfant dans un lieu propre, sécuritaire, convivial et sans source de distractions (télévision, jouets, etc.). Le repas et les collations devraient être pris à la table, dans le calme et dans une atmosphère positive. Cela aide les enfants à se concentrer sur leurs signaux de faim et de satiété, c’est-à-dire qu’ils peuvent ainsi mieux savoir s’ils ont encore faim ou non.

À partir de 2 ans, les enfants peuvent suivre le Guide alimentaire canadien, mais doit-on leur donner les mêmes portions que pour les adultes?

Non! L’assiette du Guide alimentaire canadien propose des proportions d’aliments. On y voit que les fruits et légumes occupent la moitié de l’assiette, alors que les grains entiers et les aliments protéinés y occupent chacun un quart. Pour les jeunes enfants en pleine croissance, les experts recommandent plutôt de reproduire une assiette divisée en 3 parties égales. Cela fait des repas un peu plus rassasiants et concentrés en calories. Pour ce qui est des quantités à y mettre, ça varie pour chaque enfant. Commencez par des petites portions, en utilisant par exemple la taille de sa main pour vous guider : la taille de son poing ou de sa paume pour chaque catégorie d’aliments. Encore mieux : demandez-lui combien il en veut.

Les études démontrent que plus les assiettes sont généreuses, plus nous mangeons. Pour répondre à nos besoins, sans plus, mieux vaut débuter par des portions modestes et se resservir au besoin.

Source : Extenso, Centre de référence en nutrition de l’Université de Montréal

 

Mise à jour le 30 novembre 2022
Publiée originalement le 12 novembre 2012

Naître et grandir

 

Photo : GettyImages/KeremYucel

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