Attention aux biais cognitifs qui influencent votre parentalité

Attention aux biais cognitifs qui influencent votre parentalité
Attention aux biais cognitifs qui influencent votre parentalité
Voici les raccourcis mentaux, appelés biais cognitifs, qui peuvent influencer votre façon d’agir avec votre enfant.

1er mai 2025 | Le cerveau utilise souvent des raccourcis mentaux, appelés biais cognitifs, pour simplifier la réalité. Ces raccourcis peuvent influencer votre façon de comprendre le monde, de prendre des décisions, d’interagir avec les autres et d’intervenir auprès de votre enfant. Voyez comment.

Imaginez un parent qui lit un article sur le cododo. S’il dort déjà avec son enfant, il aura tendance à accorder plus de crédibilité aux arguments qui renforcent son choix et à minimiser ceux qui vont à l’encontre de cette pratique. C’est ce qu’on appelle le biais de confirmation : le cerveau cherche des informations qui valident les croyances du parent et ignore celles qui les contredisent. Ce mécanisme rassure, mais il peut aussi limiter l’ouverture d’esprit et la compréhension nuancée des enjeux parentaux.

Qu’est-ce qu’un biais cognitif?

Les biais cognitifs sont des erreurs systématiques dans la manière dont le cerveau traite l’information. Ces biais sont souvent inconscients et influencent malgré vous vos jugements et vos décisions. « Nécessairement, ils vont influencer la perception d’une situation », explique la psychologue Isabelle Denis, professeure agrégée à l’École de psychologie de l’Université Laval.

Certaines personnes y sont plus vulnérables que d’autres, notamment celles qui manquent de temps, qui sont stressées, fatiguées ou dont l’attention est limitée. « Autrement dit, beaucoup de parents », souligne Cloé Gratton, doctorante en psychologie cognitive à l’Université du Québec à Montréal.

Plusieurs facteurs influencent les biais cognitifs : votre histoire personnelle, vos expériences, voire votre génétique. Personne n’est biaisé de la même manière, mais certains biais, comme le biais de confirmation, sont fréquents chez les parents. En voici six autres.

Le biais rétrospectif : « Je le savais »

C’est cette impression tenace d’avoir vu venir un événement…une fois qu’il est arrivé. Il aurait fallu faire preuve de plus de prudence, pense, par exemple, un parent après coup. « Quand notre enfant devient malade en fréquentant la garderie, ou qu’il tombe d’un escalier, on se dit : “Ah, je le savais que ça allait arriver!” », illustre Cloé Gratton, qui a lancé en 2020 avec Émilie Gagnon-St-Pierre un guide virtuel des biais cognitifs baptisé Raccourcis.

Ce biais donne l’illusion qu’un parent peut tout prévoir et cela peut engendrer des regrets inutiles. « Peut-être que, dans les faits, envoyer l’enfant à la garderie était la meilleure décision », affirme la doctorante. Notre compréhension du passé peut aussi évoluer avec le temps, nuance-t-elle.

L’effet d’étiquetage : mettre son enfant dans une case

Attribuer une étiquette à son enfant à partir d’un comportement isolé est un biais courant. « Dire que son enfant est tannant parce qu’il a fait une bêtise, ça peut coller longtemps », souligne Cloé Gratton. Ces étiquettes peuvent influencer la perception que les parents ont de l’enfant et la perception que l’enfant a de lui-même. Elles finissent par conditionner son comportement (effet de Golem).

À l’inverse, des attentes positives peuvent aussi avoir un impact important. Cloé Gratton explique, par exemple, que si les parents ont confiance que leur enfant est capable d’avoir de bons résultats scolaires, ce dernier a de meilleures chances de réussir. « On appelle ça l’effet Pygmalion », souligne la doctorante.

Le biais de catastrophisation : imaginer le pire

C’est la tendance à anticiper les pires scénarios, comme un enfant qui tombe ou qui attrape une maladie grave. À force d’imaginer toujours le pire, un parent peut finir par éviter certaines situations par peur de ce qui pourrait arriver. Il peut ainsi renoncer à envoyer son enfant à une activité ou à partir en voyage par crainte d’un danger exagéré.

« On sait maintenant que les troubles de santé mentale peuvent être associés à certains biais. Par exemple, les études montrent que les individus qui ont des troubles anxieux ont tendance à interpréter des situations de façon catastrophique, à surestimer les conséquences négatives, ou encore à avoir de la difficulté à tolérer l’incertitude », fait remarquer la psychologue Isabelle Denis.

Le biais d’impact : amplifier les émotions futures

Certaines personnes surestiment l’intensité ou la durée des émotions qu’un événement provoquera. Par exemple, des parents qui attendent un enfant peuvent se dire que ça va être fabuleux ou, à l’inverse, exagérer certaines inquiétudes.

Ce biais peut créer des attentes irréalistes et de la déception. D’où l’importance d’ajuster nos projections, et d’imaginer un avenir plus équilibré. Quand on est dans le présent, c’est plus nuancé. « Il y a de bonnes journées, il y a de moins bonnes journées », explique Cloé Gratton.

L’escalade d’engagement : persister même quand rien ne fonctionne

Ce biais pousse les gens à continuer dans une direction, simplement parce qu’ils y ont déjà investi du temps ou de l’énergie. Ce biais arrive, par exemple, quand un parent prépare son sac pour sortir et aller au parc avec son enfant… qui finalement n’a plus envie d’y aller. Le biais peut pousser le parent à s’acharner à aller au parc. « On s’enfonce alors dans une activité que personne ne veut faire », illustre Cloé Gratton. Le réflexe à développer? Ne pas avoir peur de changer de cap.

Le biais de surgénéralisation : tirer une conclusion définitive

Un seul événement suffit parfois à nourrir des conclusions trop larges. « Mon enfant s’est mal comporté au magasin, il va toujours mal se comporter en public », illustre la psychologue Isabelle Denis. Ce genre de raccourci mental peut alimenter un discours intérieur négatif, pour le parent comme pour l’enfant.

Comment diminuer les biais cognitifs?

Les biais cognitifs sont invisibles, mais ils influencent profondément les décisions, les relations et la parentalité. En prendre conscience est un premier pas pour mieux les apprivoiser. « Il faut cultiver une vigilance au quotidien », conseille Isabelle Denis. Observer ses schémas de pensée, analyser ses réactions et prendre le temps de réfléchir avant de décider.

Il est aussi utile de confronter ses biais en se demandant par exemple : « Mes pensées représentent-elles réellement la réalité? Est-ce que je dramatise? Est-ce que j’ignore des faits contraires à mes croyances? » Comparer ses expériences à celles des autres, ou demander un regard extérieur peut enrichir notre réflexion, poursuit la psychologue.

Selon Cloé Gratton, l’environnement joue également un rôle clé. « C’est souvent plus facile d’agir sur les conditions de vie, comme le sommeil, la charge mentale et le stress, que de lutter directement contre nos biais. » Bref, pour limiter les biais cognitifs, il faut se donner les moyens de réfléchir avec un peu plus de justesse et de bienveillance.

Ressource : Raccourcis : guide pratique des biais cognitifs

Laurence Niosi – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

Illustration : GettyImages/najimu

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