Substituts de repas pour enfants: non merci!

Substituts de repas pour enfants: non merci!
Par Stéphanie Côté, Nutritionniste
Les enfants en santé n’ont pas besoin d’un supplément alimentaire ou d’un substitut de repas. Stéphanie Côté, nutritionniste, explique pourquoi.

Je me souviens d’une publicité vue à la télé il y a quelques années qui m’avait indignée. Elle touchait ma corde sensible de nutritionniste. On y vantait les bienfaits d’un substitut de repas de type Ensure pour les enfants.

Sur le site Internet du fabricant, on pouvait y lire : « Les enfants difficiles à l’égard de la nourriture ne mangent pas toujours suffisamment pour obtenir les éléments nutritifs dont ils ont besoin. (…) avec des protéines ainsi que 26 vitamines et minéraux, PediaSure Complete procure aux enfants l’alimentation complète et équilibrée dont ils ont besoin pour leur croissance et leur développement. »

Ce produit existe toujours et cette approche marketing vise encore les parents des tout-petits dès l’âge de 1 an. Premièrement, je trouve que cette approche a tout pour entretenir la préoccupation de nombreux parents à l’égard de l’appétit de leur enfant. Deuxièmement, je n’aime pas l’idée de présenter un moyen qui est plus un pansement sur un bobo qu’une véritable solution. Les enfants en santé n’ont PAS BESOIN d’un supplément alimentaire ou d’un substitut de repas. Je conçois toutefois que ce type de produits puisse être utile dans certains cas, et j’y reviendrai. Mais avant, je vais me faire « l’avocat du diable » en répondant à ce qui sont ou pourraient être des arguments de vente.

« Peut être utilisé comme collation, supplément aux repas ou, si pris en quantité suffisante, comme substitut de repas »

Pour quoi faire? Mon frigo est vide et je ne le sais pas? L’épicerie a cessé de vendre des aliments?

Le fabricant mentionne que chaque bouteille contient :

  • Plus de protéines qu’un œuf;
  • Autant de vitamine C que 3 fraises;
  • Deux fois plus de fer qu’un pilon de poulet;
  • Autant de calcium que ½ tasse de yogourt;
  • Autant de potassium qu’une banane moyenne;
  • Autant de vitamine A que 3 mini-carottes.

Justement. Je préfère offrir à mes enfants de vrais aliments. J’essaie de penser aux situations qui pourraient rendre pratique un supplément alimentaire pour enfant et elles ne se présentent pas souvent. En voiture? En randonnée? En voyage? Au centre d’achats? Je préfère apporter des collations ou même en conserver des non périssables dans la boîte à gants ou dans mon sac à main. Ce n’est pas le choix qui manque : des fruits, du fromage, des muffins ou des barres tendres maison, des petites boîtes de lait ou boisson de soya qui se conservent à température ambiante, des compotes de fruits, des craquelins, etc.

De plus, ces suppléments renferment une grande quantité de sucre, ce qui risque d’accentuer le goût pour le sucré déjà bien établi chez la plupart des enfants.

« Pour les enfants difficiles à l’égard de la nourriture »

Mon enfant n’aime pas tout. Est-ce grave? Dois-je faire quelque chose de spécial? Non. S’il est en santé et se développe normalement, il n’y a rien d’alarmant puisque tous les enfants apprennent à aimer les aliments qu’on leur offre au fil du temps. Pas au premier essai, mais souvent après des dizaines de repas. Et c’est normal. Les enfants ne sont pas difficiles, ils sont néophobes.

La néophobie alimentaire est la réticence qu’éprouvent les enfants devant les nouveaux aliments. C’est une étape normale du développement du goût. Il ne faut pas limiter le menu aux seuls aliments qu’ils apprécient. Au contraire, il faut continuer à offrir (sans forcer) des aliments variés et nouveaux régulièrement afin qu’ils deviennent familiers. Les enfants aiment les aliments qu’ils connaissent et la seule façon qu’ils les aiment, c’est qu’ils apprennent à les connaître.

« Pour les enfants dont l’alimentation n’est pas assez variée »

Ce n’est pas mon enfant qui décide du menu, qui fait l’épicerie et qui prépare les repas. C’est moi! Il mange ce qu’il retrouve dans son assiette aux repas et aux collations. Je ne l’y force pas, mais il n’a pas d’autres options. C’est à moi de voir à la variété de son alimentation. S’il boude ses légumes au dîner, ce n’est pas la fin du monde, car il aura des fruits au dessert ou à la collation et d’autres légumes pour se reprendre au souper. Et si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain.

Même chose avec les autres groupes d’aliments. Il faut évaluer la qualité de l’alimentation sur une période de 2 à 3 semaines avant d’émettre un constat. Et généralement, on n’a même pas besoin de s’y rendre, car la variété et l’équilibre reviennent naturellement.

Mon enfant n’apprendra jamais à goûter et aimer des aliments variés si je baisse les bras en lui fournissant une voie de contournement. Je ne veux pas lui faire croire que la santé est dans une petite bouteille.

« Pour les enfants qui ont besoin d’un supplément nutritionnel en raison d’un manque d’appétit ou d’un apport alimentaire insuffisant »

Comment définit-on un « manque » d’appétit? Qu’est-ce qu’un apport alimentaire « insuffisant »?

La faim et l’appétit de mon enfant ne sont pas constants. Ils varient d’une journée à l’autre en fonction des périodes plus ou moins intenses de sa croissance, des activités qu’il fait, des repas qu’il a mangés précédemment, de petites inquiétudes ou petits bobos, etc. Parfois il mange moins, parfois il mange plus. Mon enfant, comme tous les autres, ressent des signaux de son corps pour savoir quand il a faim et qu’il n’a plus faim. C’est un système de régulation inné et d’une efficacité redoutable lorsqu’on le laisse s’exprimer.

Est-ce que je suis branchée sur l’estomac de mon enfant pour savoir de quelle quantité il a besoin aujourd’hui? Non. Je me trouve bien mal placée pour déterminer qu’il n’a pas assez mangé. Il est le seul en contact avec son ventre et donc le seul à le savoir.

S’il prenait des médicaments comme le Ritalin, mon discours serait sans doute différent. Certains médicaments coupent l’appétit. Si son alimentation et sa croissance étaient menacées, bien sûr que j’envisagerais des solutions pour lui permettre de grandir en santé!

Je tiens aussi à spécifier qu’avec mes arguments, je me questionne uniquement sur la place et l’utilité de produits qui se veulent des substituts de repas ou de collations pour des enfants en pleine forme. D’autres suppléments de la marque sont conçus pour aider à faire face à des problèmes de santé et sont, par exemple, destinés aux enfants :

  • recevant une alimentation par sonde à court ou à long terme;
  • ayant des besoins nutritionnels accrus;
  • souffrant de malnutrition ou présentant un risque de malnutrition;
  • qui ont un retard de croissance;
  • qui ont une rigidité alimentaire importante (par exemple dans le cas du spectre de l’autisme)
  • dont l’apport en liquides doit être restreint ou qui ne tolèrent pas les grands volumes.

J’ai la chance d’avoir des enfants en santé. Je ne vois donc pas pour quelle raison ou dans quelle situation je leur offrirais un supplément alimentaire.

 

Mise à jour e 17 octobre 2023
Publiée originalement le 13 mars 2014

Naître et grandir

Photo : GettyImages/Juanmonino

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