Purées et compotes en sachets: le pour et les contres

Purées et compotes en sachets: le pour et les contres
Par Stéphanie Côté, Nutritionniste
Les sachets de purée ont envahi le marché. Qu’en pense Stéphanie Côté, nutritionniste? Voici son analyse.

Les sachets de purée côtoient les petits pots pour bébés à l’épicerie. Ils sont populaires, mais je ne suis pas convaincue de leurs avantages. Au contraire, j’y vois tellement de « hic » qu’on dirait que j’ai le hoquet!

Il y a deux types de purées en pochette : les repas pour bébés et les compotes-collations. Je les considère comme des options de dépannage, acceptables à l’occasion, sans plus. Je m’explique.

Pratiques, mais…

Les sachets sont plus pratiques que les petits pots. Il faut bien l’admettre, une collation qui se mange sans cuillère et sans se salir, on aime. Puis, le sachet est incassable. Quiconque a connu l’expérience du petit pot en verre qui éclate dans le fond du sac à couches sera d’accord pour dire que c’est un plus!

Cela dit, comme nutritionniste, je vois avec les sachets plusieurs désavantages importants (sans parler du prix…). Voici les « hic » qui, à mon avis, requièrent notre vigilance.

1er hic : pas (ou presque) de légumes uniques

La variété des purées a explosé et ne cesse de se diversifier! Or, il y a très peu de purées de légumes uniques. Où sont passées les purées de carottes, de brocoli, de pois? On voit surtout une multitude de mélanges, tous plus originaux les uns que les autres, tels que :

  • Pommes, légumes verts et avocat
  • Bananes, patates douces et bleuets
  • Poires, pommes et brocoli
  • Pommes, betteraves et graines de lin
  • Courge rôtie et fruits
  • Cerises, bananes et épinards
  • Poulet et fruits avec riz brun
  • Fruits, légumes verts et chou-fleur

Il y a des légumes dans la majorité de ces purées, mais ils sont rarement seuls. Ils sont même rarement majoritaires. Les fruits viennent presque toujours avant dans la liste des ingrédients, ce qui signifie qu’il y en a plus. Même les carottes, les patates douces et les courges, qui sont des légumes que les bébés apprécient si facilement à cause de leur saveur sucrée, sont mélangées à la pomme, la poire, la prune, la banane ou la cerise dans les différentes purées du commerce.

Je vois au moins deux problèmes avec les mélanges.

Le premier est que bébé ne peut pas y reconnaître un légume. On veut l’habituer au goût de chaque légume, ce qui est impossible avec un mélange. On ne peut même pas espérer qu’il découvre les légumes, car ce sont clairement les fruits qui prennent le dessus.

Le deuxième problème est que les mélanges permettent difficilement de savoir quel aliment est problématique en cas de réaction allergique ou d’intolérance. Quand on introduit les solides, il est préférable d’offrir un nouvel aliment à la fois à bébé.

2e hic : bébé s’habitue au sucre

Les fruits sont plus sucrés que les légumes. Ils contiennent des sucres naturels, ils sont plein de vitamines et minéraux et ils ont bien sûr leur place tous les jours dans l’alimentation de votre enfant. L’idée n’est surtout pas de dénigrer les fruits. Sauf qu’il ne faut pas non plus se servir d’eux exagérément pour manger des légumes. Les purées ou jus de fruits ajoutés aux légumes les transforment en purées beaucoup plus sucrées. Voyez par vous-mêmes les teneurs en sucre par portion de 60 ml :

Carottes seules : 2 g de sucre
Mangues, pommes, carottes, chou frisé : 7 g de sucre
Bananes, pommes, carottes : 8 g de sucre

Patates douces seules : 3 g de sucre
Bananes, patates douces, bleuets : 9 g de sucre

Et les autres ingrédients?
La qualité du contenu est très acceptable pour la plupart. Il y a parfois quelques ingrédients discutables, mais pas de quoi monter aux barricades.

Toutefois, je sourcille quand je vois de la farine de riz dans la liste d’ingrédients d’un pâté au saumon, car selon toutes vraisemblances, cette farine sert à épaissir la purée. Or, cette fameuse purée a comme ingrédient principal… l’eau. À la maison, on mettrait simplement moins d’eau pour obtenir la texture désirée. En industrie, on préfère diluer les ingrédients plus chers (saumon, légumes) et ajuster la texture avec un ingrédient pas cher (farine de riz). C’est discutable, comme j’ai dit.

Puis, certaines variétés de compotes-collations contiennent du jus de pomme concentré. C’est une façon d’ajouter du sucre. Avant, ça permettait aux fabricants de le faire sans écrire le mot sucre. Mais depuis que Santé Canada oblige les fabricants à regrouper les sucres dans la liste d’ingrédients, c’est clair que le jus concentré en est un. C’est quand même discutable d’ajouter du sucre partout!

3e hic : alerte au camouflage

En parents bienveillants que nous sommes, nous voulons offrir des légumes à notre bébé. Les fabricants le savent et c’est pourquoi ils nous fournissent des purées qui en contiennent… un petit peu.

Bébé aimera les purées de légumes et de fruits, j’en suis certaine. Ce n’est pas un exploit, car c’est inné d’aimer les saveurs sucrées. On est rassuré de savoir qu’il y a du kale dans le sachet, mais quand on y pense, on constate bien qu’on est loin d’une purée de légumes. Les légumes sont camouflés parmi les fruits. Il y en a si peu qu’on ne distingue ni leur couleur, ni leur saveur.

Si tout goûte sucré, comment peut-on espérer faire accepter les saveurs légèrement amères de certains légumes à bébé?

Ce dont bébé a besoin, ce sont des occasions pour apprendre à aimer les légumes. Pour les apprécier, il doit les goûter tels quels, régulièrement. Il aura beau manger du kale pendant des mois sous forme de purée mélangée à la pomme, la banane, la mangue ou la figue, il sera à la case départ lorsqu’il verra ce légume vert feuillu dans son assiette pour la première fois.

4e hic : le manque de textures

Les purées en sachet, de même que celles en pot, ne permettent pas à l’enfant d’essayer plusieurs textures. Les purées pour débutant (à partir de 6 mois) sont très lisses. Celles pour les bébés âgés d’au moins 8 mois sont plus épaisses. Dans tous les cas, il s’agit de purées sans morceaux. Or, c’est super important d’offrir des textures variées à l’enfant pour lui permettre de développer ses habiletés à mastiquer. En entretenant les purées trop longtemps, ça risque de nuire à son évolution normale.

La période de 6 à 9 mois est particulièrement importante pour l’acceptation de nouvelles textures. Quand je vois des repas en sachet pour les 10 mois et plus, je me dis qu’à cause de ça, certains enfants vont probablement passer tout droit…

C’est aussi l’envers de la médaille des compotes-collations. Croquer dans un fruit frais demande un effort quand on le compare à une compote qu’on avale si facilement au goulot d’une pochette. Croquer et mastiquer est important pour développer la mâchoire et la dentition.

Vous utilisez ces sachets pour une durée limitée ou à l’occasion seulement? Tant mieux.

5e hic : les sens mis de côté

S’il mange directement au sachet, l’enfant ne voit pas et ne sent pas ce qu’il mange. Comme s’il mangeait avec un bandeau sur les yeux et un pince-nez. Pour découvrir et apprivoiser les aliments, c’est un non-sens. Il a plutôt besoin de tous ses sens pour développer ses goûts.

Puis, comment vérifie-t-on la température? Je suis peut-être mère poule, mais si le contenu se réchauffe plus que souhaité, bébé pourrait se brûler, non?

Vous versez le contenu dans un bol, vérifiez la température et l’offrez à bébé à l’aide d’une cuillère? Oubliez cet argument alors!

Ne pas oublier la base

Selon moi, malheureusement, le côté poche des pochettes l’emporte sur leur aspect pratique. Étant donné leur forte présence sur les tablettes des commerces, j’aurais bien aimé leur trouver de bons côtés. Mon conseil serait donc de les utiliser à l’occasion, car c’est bien de se rappeler l’importance :

  • d’offrir des aliments, dont des légumes, uniques (purée du commerce ou maison, ou morceaux mous);
  • d’offrir des textures variées d’aliments;
  • de permettre à l’enfant de mettre tous ses sens à profit quand il mange;
  • d’accorder du temps au repas et accompagner l’enfant quand il mange.

 

Mise à jour le 12 août 2025
Publiée originalement le 30 janvier 2020

Naître et grandir

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