Je sentais la fin approcher. Ce deuxième détachement de moi est arrivé sans que je réalise vraiment que bébé venait de prendre sa dernière tétée.
Je sentais la fin approcher. Ce deuxième détachement de moi. Il est arrivé comme ça, un beau matin, sans que je réalise vraiment que bébé venait de prendre sa dernière tétée. Nous avions introduit graduellement quelques biberons et mon corps s’est naturellement ajusté à ces espacements. Mes réserves de lait maternel, amoureusement emmagasinées dans de petits sacs congelés, étaient épuisées. Bref, tout s’est fait tranquillement, avec une acceptation de part et d’autre. Je dois avouer par contre que j’ai vécu cette étape avec plus de nostalgie cette fois-ci. Mais ne pensez pas que je me plains! J’ai connu le privilège d’allaiter mes deux enfants pendant 9 mois. Un choix très personnel que, malheureusement, certaines n’ont pas.
Je me suis rappelé ma première expérience, avec toute la pression que je me mettais moi-même à vouloir allaiter le plus longtemps possible, à extraire mon lait au bureau, aux feuilles de chou sur mon sein, à cette espèce de rythme infernal métro-boulot-tire-lait-dodo (enfin…). Si indéniablement allaiter est pratique, c’est aussi exigeant pour le corps et l’esprit. Tout a un impact : le manque de sommeil, le stress, l’alimentation/hydratation, sans oublier la phase douleur qui peut aller de l’hypersensibilité aux saignements. Mais…
Il y a cette connexion privilégiée, cet émerveillement renouvelé à réaliser que je contribue encore essentiellement, extra-utero, au développement de mon enfant. Les heures passées à le nourrir, de jour comme de nuit, font partie d’un espace-temps qui ne se mesure pas. Quand on s’arrête pour « vivre » le moment, pour le ressentir, pour comprendre toute son importance et son unicité, on ne le voit pas passer, on ne fait qu’un.
J’ai donc savouré chacune de ses présences, collé contre moi. J’ai emmagasiné des images de son regard plongé dans le mien. La sensation de sa respiration sur ma peau, sa main ouverte déposée sur moi naturellement ou de façon possessive, sa bouche laissant couler une dernière goutte de lait alors que, repu, il s’endormait tout contre moi. Je savais que tout cela allait bientôt n’être que souvenir et je ne voulais pas en perdre une seule seconde.
Aujourd’hui, c’est papa qui vit cette proximité. J’ai eu un pincement au début, mais le regard rempli d’amour qu’il pose sur notre enfant est le miroir du mien. La nostalgie fait place à la reconnaissance.
Carole a fait appel à une marraine d’allaitement pour répondre à ses questions occasionnelles. Il s’agit d’un service gratuit et accessible.
1 octobre 2016
Photo : collection personnelle, Carole St-Denis