C’était le matin de Noël. Leeloo a reçu un joli casse-tête de bois. Avec ce casse-tête vient un bâtonnet auquel est fixé une corde et un aimant. Le principe du jeu est de prendre avec la canne chacun des morceaux du casse-tête. Ces morceaux représentent des animaux et des insectes.
Leeloo commence son expédition de pêche. Elle prend chacun des morceaux de casse-tête, sauf un seul. Après quelques minutes, je remarque un malaise dans son expression faciale. Je regarde aussi son casse-tête : le seul morceau qui n’a pas été pêché représente une araignée! Je prends le morceau dans ma main et je lui montre. En approchant le morceau d’elle, Leeloo a un mouvement de recul, une petite réaction de panique et me fait savoir clairement qu’elle a peur de l’image de l’araignée!
La réaction de ma fille de 25 mois ne devrait pas me surprendre. Je sais très bien que certaines réactions de peur sont innées. J’ai déjà longuement étudié le côté inné de certaines réactions émotionnelles. En effet, naître avec la peur de certaines choses (peur des hauteurs, peur de certains prédateurs, peur des serpents, etc.) a certainement pu nous protéger de celles-ci et prolonger notre durée de vie. Sur papier, c’est très intéressant, mais de voir ce phénomène chez ma propre fille, c’est encore plus passionnant!
La peur est une réaction émotionnelle normale chez les jeunes enfants. Lorsqu’on dit que ces peurs sont innées, on veut dire que l’enfant naît avec celles-ci. Ce ne sont donc pas des peurs qui sont apprises dans l’environnement (peur de vomir, peur de l’abandon, etc.).
Les premières manifestations de ces peurs chez l’enfant sont importantes. C’est à partir de ce moment que l’enfant va développer ses habiletés de gestion de la peur et de l’anxiété. Et dans un tel contexte, il est important de bien guider son enfant.
Éviter l’évitement...
Lorsque notre enfant a peur de quelque chose, la réaction à proscrire comme parent, c’est l’évitement. Éviter une situation, c’est confirmer une pensée non fondée qui provoque de la peur. Il faut plutôt mettre en place des moyens afin de vérifier si le danger existe vraiment. Par exemple, si notre enfant a peur des chiens, le comportement d’évitement serait de lui éviter les contacts avec cet animal. Un comportement plus sain de gestion de la peur sera de mettre en place une procédure de contrôle spécifique qui permettra à l’enfant de vérifier si le chien est dangereux ou non. Par exemple, demander d’abord au maître si on peut flatter le chien, présenter ensuite sa main au chien afin qu’il puisse nous renifler pour éviter les surprises, commencer à flatter le chien dans son cou, jamais sur sa tête, etc.
De cette façon, on développe le sentiment de compétence de l’enfant devant la situation de peur. L’enfant doit sentir qu’il est capable d’affronter la situation, qu’il a les outils pour le faire.
Au contraire, les comportements parentaux de protection sont néfastes dans ces situations. Ils envoient comme message à l’enfant qu’il n’est pas assez compétent pour faire face à la situation. Ce message aura comme effet de rendre encore plus insécure l’enfant dans les situations où il ressent de la peur.
J’ai donc procédé de cette façon avec ma fille. Je lui ai expliqué que l’araignée n’était pas dangereuse et j’ai même terminé en donnant un bisou au morceau de casse-tête qui représentait l’araignée. Leeloo m’a ensuite imité avec beaucoup de plaisir. Certainement que cette stratégie ne va pas éliminer complètement sa crainte intrinsèque des araignées, mais l’objectif c’est de lui montrer ici une façon de gérer son anxiété. Si je veux qu’elle développe une bonne façon de gérer ses peurs, elle doit tranquillement apprendre qu’elle a un contrôle sur celle-ci, même si ce contrôle est assez mince quand on a 25 mois…
Vent, orages, éclairs : expliquer
Développer les sentiments de compétence de l’enfant passe également par une explication du phénomène. Le vent, les orages, les éclairs sont des phénomènes météorologiques qui s’expliquent. L’enfant ne comprend pas toujours, mais l’explication calme du parent va lui permettre de sentir que cette situation n’est pas dangereuse (l’enfant va baser son émotion sur celle du parent). Il est aussi important de prendre au sérieux la peur d’un enfant, même si elle peut paraître anodine, et de le féliciter dans les situations où il réussit à l’affronter.
Par contre, certaines de ces peurs font partie du développement de l’enfant et sont plus longues à maîtriser. Je pense surtout à la peur du noir. Dans ce cas, il ne faut pas se décourager, la maîtrise de ce type de peur est plus longue, mais les bonnes stratégies aident l’enfant à y faire face avec plus de sérénité.
On peut faire quelques exercices avec son enfant : par exemple, faire de courtes expositions dans le noir en fermant la lumière 2 secondes et l’ouvrir avec un gentil coucou (vers 2-3 ans). Quand il sera plus vieux, vers 5-6 ans, on peut marcher dans le noir avec lui en lui tenant la main.
L’objectif de ces stratégies est d’amener l’enfant à tranquillement prendre l’habitude d’affronter ses peurs et cela à la hauteur de ses habiletés. On ne doit surtout pas s’attendre à ce que la peur disparaisse immédiatement, le développement de l’enfant fera tranquillement son oeuvre.
13 janvier 2014