Colère d’enfant, colère de parents

Colère d’enfant, colère de parents
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue

Un matin, j’ai été réveillé par les cris de mort d’une demoiselle qui voulait du lait ou de l’eau (selon ce qu’on lui tendait, elle désirait l’autre…). Vous l’aurez deviné, ma fille vit son terrible two. Elle cherche à développer son autonomie sans avoir encore les outils nécessaires pour communiquer ses besoins. Ce qui provoque chez elle des colères… Ces crises mettent souvent à rude épreuve les nerfs des parents, comme je l’ai vécu ce matin-là. Et ça s’est poursuivi en route vers la garderie.

- Papa? Papo!

- Oui, Leeloo c’est un chapeau!

- Non, MON papo!

- Oui, Leeloo c’est ton chapeau!

Ma fille me jette alors un regard... Si elle avait des fusils à la place des yeux, je pense que je serais aujourd’hui un homme mort! Je comprends alors qu’elle veut que je lui enfile son chapeau.

- PAPOOOOOO!

- Je ne peux pas mon amour, je conduis!

- PAPO, PAPO, PAPO, PAPO, PAPO, PAPO…

Et voilà qu’elle recommence à pleurer pour rien, elle ne comprend pas que je ne peux pas lui mettre son chapeau! Et voilà, maintenant c’est moi qui suis en colère!

Alors aujourd’hui, on laisse tomber le terrible two et on parle de la colère, celle des parents.

L’élément fondamental de la gestion des émotions, c’est de savoir qu’il est possible de gérer ses émotions, même les plus difficiles.

La colère est une émotion. Elle est présente lorsqu’on a la perception d’être impuissant dans une situation. Contrairement à la croyance populaire, se mettre en colère, ce n’est pas très sain et ce n’est surtout pas un remède au malaise que la colère provoque.

Même s’il existe des moyens plus sains de reprendre le contrôle (prendre une pause, quitter la pièce, analyser la situation de façon détachée, etc.), l’expression de la colère vise à reprendre le contrôle sur une situation. C’est désolant, mais les comportements associés à l’expression de notre colère sont souvent des comportements agressifs. Ils se manifestent donc  par la violence, soit par le ton de la voix (crier), soit par la contrainte physique (frapper, serrer, etc.) ou même par de la violence psychologique (insulter, dénigrer, etc.). Heureusement, la punition physique est moins répandue qu’à une certaine époque. Moins répandue parce que grâce à la recherche, on connaît maintenant les effets dévastateurs de ce type de punitions sur le développement de nos enfants.

Bien sûr, la gestion de la colère est complexe. Une intervention ciblée avec l’aide d’un psychologue peut nous aider à mieux contrôler celle-ci lorsqu’elle devient un problème. Mais pour la plupart d’entre nous, lorsqu’on se rend compte qu’on est en colère, il est utile de se poser la question suivante :

Est-ce que je suis dans une situation où je me sens impuissante? Si oui, que puis-je faire, concrètement et rationnellement, pour reprendre le contrôle (par exemple, donner un livre ou un jouet à ma fille pour détourner son attention de son chapeau)? Si non, est-ce que je peux accepter que la situation soit désagréable en sachant qu’elle aura une fin (par exemple, je sais que je vais éventuellement arriver à la garderie)?

Arriver à bien gérer sa colère demande beaucoup de pratique. C’est d’autant plus important dans notre rôle de parent, car nous sommes souvent placés dans des situations où nous ressentons un sentiment d’impuissance ou une perte de contrôle. Il faut donc bien développer cette habileté et accepter nos limites personnelles sans les faire subir à toute la famille. Se retirer dans notre chambre pour décompresser quand on n’en peut plus devient parfois un comportement salutaire!

Au final, nos enfants finiront, avec notre aide, par développer les outils nécessaires à communiquer adéquatement leurs besoins ou à s’adapter à leur environnement.

Tiens, c’est bizarre, Leeloo ne crie plus… Je me retourne et ça me saute aux yeux, elle me regarde avec un grand sourire, elle a mis son chapeau toute seule! Ce qu’elle n’avait jamais fait!

Vive l’adaptation! (Ouf!)

 

24 septembre 2013

Naître et grandir

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