Voyez comment encourager votre fille à bouger et à aimer les activités sportives dès la petite enfance.
8 avril 2024 | Les chiffres le démontrent, en grandissant, les filles sont moins actives physiquement que les garçons. À l’adolescence, elles sont aussi plus nombreuses à décrocher du sport. Est-ce que ces différences sont présentes dès la petite enfance? Et peut-on prévenir ce décrochage sportif?
Il existe peu de données qui mesurent l’activité physique des moins de 5 ans. Joël Beaulieu, consultant en motricité qui offre des ateliers notamment pour faire bouger les tout-petits en garderie, note peu de différence durant cette période. « À cet âge, les enfants ont tous le même besoin de bouger et j’en vois des petites filles de 4 ou 5 ans très actives, parfois même plus que les garçons », dit-il.
Nancy Forest, conseillère pédagogique à l’Association québécoise des CPE qui a été éducatrice durant une vingtaine d’années, constate aussi que les tout-petits aiment bouger, peu importe leur genre. « Parfois, à la garderie certaines petites filles manquent d’assurance par exemple pour sauter, grimper, ramper. Mais avec des encouragements et de la pratique, elles gagnent rapidement en confiance. »
Des différences observées dès le primaire
« Plus les enfants grandissent et se socialisent, plus les écarts se creusent », constate toutefois Véronique Gosselin qui a étudié les différences entre les habiletés motrices des filles et des garçons âgés de 6 à 12 ans dans le cadre de son doctorat en sciences de l’activité physique.
À partir d’un an, un enfant devrait être actif au moins 3 heures par jour.
Joël Beaulieu voit des différences apparaître dès l’entrée à l’école. En 2020, le bulletin de Participaction indiquait d’ailleurs que les filles de 5 à 11 ans bougeaient moins que les garçons du même âge. Selon ces données, seulement 33 % des filles respectaient les recommandations en matière d’activités physiques contre 60 % des garçons.
Dans un article qu’elle cosigne dans la revue Journal of Sports Sciences, Véronique Gosselin note que les garçons montrent de meilleures habiletés que les filles pour manipuler les ballons (ex. : lancer, dribbler). « Ils font aussi mieux que les filles dans les tests d’agilité, comme courir en cercle et faire des changements de direction, indique-t-elle. De leur côté, les filles sont meilleures dans les tests d’équilibre et de coordination. »
Pourquoi ces différences entre filles et garçons?
Il n’y a pas d’explication biologique qui justifie ces différences d’habiletés physiques entre les filles et les garçons, mentionne Véronique Gosselin. « On peut supposer que ce sont des différences sociales qui les causent. »
En effet, « si on offre le même matériel, les mêmes environnements et les mêmes occasions de bouger aux filles, elles vont être aussi actives et habiles que les garçons », poursuit Joël Beaulieu. Le problème, c’est que de manière inconsciente, les parents et les adultes qui entourent les enfants peuvent se comporter différemment selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon.
« Par exemple, on a tendance à offrir aux filles des poupées ou des activités de bricolage, alors qu’on donne plus souvent des articles de sport aux garçons », note le consultant. Résultat? Rapidement, les garçons ont accès à du matériel qui les encourage à bouger et à développer des habiletés alors que les filles sont amenées à s’occuper avec des jeux plus sédentaires.
« La littérature scientifique montre aussi qu’on ne donne pas la même rétroaction aux filles et aux garçons quand il est question d’activités physiques, souligne Véronique Gosselin. On s’attend à ce qu’une fille participe. Si elle lance la balle, c’est beau. Mais avec un garçon, on a des exigences. On le pousse à s’améliorer pour lancer la balle dans la cible. »
Certains parents ont aussi tendance à surprotéger davantage leur fille que leur garçon, fait remarquer Stéphanie Girard, professeure et titulaire de la Chaire de recherche UQTR Junior sur la motivation et l’inclusion en activité physique, de l’enfance à l’adolescence. « Par exemple, des parents favorisent moins le jeu risqué avec leur fille de peur qu’elle s’écorche les genoux ou qu’elle se salisse. »
Tous ces gestes peuvent faire décrocher les filles du sport. « C’est un cercle vicieux, indique la professeure Girard. Moins les filles pratiquent d’activités, moins elles développent leurs compétences et moins elles se sentent bonnes. »
Conseils pour encourager les filles à être plus actives
Heureusement, il y a moyen d’agir dès la petite enfance pour faire en sorte que les filles soient plus actives et aiment bouger. Voici les conseils des spécialistes interrogés.
- Offrez à votre fille du matériel diversifié pour l’amuser comme des bâtons, des ballons, des balles, des cerceaux. Amenez-la aussi jouer dans des environnements différents comme la neige, l’eau, la forêt, le sable. Ces expériences l’aident à développer plusieurs habiletés. « Suivez les saisons pour varier les activités », conseille Joël Beaulieu.
- Ne surprotégez pas votre fille. « Faites-lui confiance, dit Nancy Forest. Si elle tente un mouvement, c’est qu’elle se sent capable. » Permettez aussi le jeu risqué pour l’aider à prendre confiance en ses capacités physiques.
- Donnez-lui l’occasion de relever des petits défis physiques. Par exemple, installez des parcours moteurs qui exercent une variété d’habiletés, comme ramper, tirer, pousser, lancer, grimper et tenir en équilibre.
- Donnez de la rétroaction à votre enfant sans différence liée au genre. Encouragez par exemple votre fille à s’améliorer lorsqu’elle lance un ballon et qu’elle essaie de frapper une balle avec un bâton ou une raquette.
- Inspirez-vous de ce qui lui plaît pour créer des occasions de bouger. « Certains parents disent que leur fille aime surtout jouer aux poupées. Dans ce cas, ils peuvent lui proposer de faire des courses avec la poussette de ses poupées », suggère Nancy Forest.
- Offrez à votre fille la possibilité de faire des activités avec des amies. Il peut s’agir de l’inscrire dans un cours avec une amie ou d’inviter une amie à venir avec votre famille en randonnée ou au bain libre de la piscine. Cela crée des expériences positives liées au sport qui motive votre fille à bouger.
- Donnez-lui le choix d’essayer une variété d’activités en évitant les stéréotypes de genre. Si votre fille aime patiner, elle peut faire du patinage artistique, mais elle peut aussi faire du patin de vitesse ou jouer au hockey. « C’est important qu’elle comprenne que toutes les activités sont accessibles pour elle », indique Stéphanie Girard.
- Soyez attentif aux signes de découragement pour éviter que votre fille perde confiance. « Si une fille qui dit qu’elle n’est pas bonne, il faut recadrer son discours, soutient Stéphanie Girard. On peut dire : "Ce n’est pas que tu n’es pas bonne, c’est parce que c’est difficile. C’est normal, que tu trouves ça dur. Il faut faire des efforts et se pratiquer pour s’améliorer". »
- Privilégiez des vêtements confortables quand vient le temps de bouger. Une jupe ou une robe longue n’est pas l’idéal pour courir et grimper. Votre fille pourrait limiter ses mouvements pour ne pas s’enfarger. Assurez-vous qu’elle est à l’aise de bouger à son goût. Et si elle veut absolument mettre une robe longue avant de partir pour la garderie, « apportez-lui un kit de rechange confortable », propose Nancy Forest.
- Soyez un modèle de parent actif. « Bougez avec votre enfant, conseille Véronique Gosselin. C’est ce qui fait du sens pour les tout-petits. » Et c’est ce qui lui donne le goût de faire des activités physiques pour le plaisir.
- Exposez votre fille à des modèles sportifs féminins inspirants. Vous pouvez l’amener voir sa cousine jouer au soccer, regarder ensemble des athlètes féminines à la télé et aller voir des adolescentes du secondaire jouer au basketball pour l’inspirer.
Ressources : Femmes et sport au Canada, Filleactive, Journal of Sports Sciences , Participaction
Julie Leduc – Équipe Naître et grandir
Photos : GettyImages/ozgurcankaya et Pekic