Limiter le temps d'écran: toujours aussi important?

Limiter le temps d'écran: toujours aussi important?
Limiter le temps d'écran: toujours aussi important?
Une vaste étude récente a pu laisser croire qu’un temps d’écran élevé ne serait pas aussi néfaste qu’on le croyait pour les jeunes enfants. Qu’en est-il au juste?

4 décembre 2023 | Une vaste étude française publiée récemment a pu laisser croire qu’un temps d’écran élevé ne serait peut-être pas aussi néfaste qu’on le croyait pour les jeunes enfants. Qu’en est-il au juste? Deux spécialistes font le point.

Cette étude a été menée auprès de 14 000 enfants, de l’âge de 2 ans à 5 ans ½. Comme d’autres études, elle a montré que plus les enfants passent de temps devant des écrans, plus cela peut avoir un impact négatif sur leur développement cognitif.

Cependant, cet impact diminuerait quand on prend en compte le contexte familial comme la scolarité et le travail des parents, les activités parent-enfant, le temps de jeu à l’extérieur et le sommeil. En résumé, les chercheurs ont trouvé que le temps d’écran a son importance, mais que le milieu familial de l’enfant compte aussi.

« Cela signifie qu’un contexte familial favorable peut procurer aux enfants une certaine protection contre les effets négatifs des écrans, explique Caroline Fitzpatrick, professeure et chercheuse à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on encourage les enfants à faire toutes sortes d’activités, pas seulement des écrans. »

Des comportements à éviter

L’inverse est vrai aussi : certains facteurs familiaux peuvent aggraver l’impact du temps passé devant les écrans. « Par exemple, l’étude a montré que l’habitude d’allumer la télévision pendant les repas est néfaste pour l’apprentissage du langage, car cela empêche les enfants d’échanger avec les autres », souligne Caroline Fitzpatrick, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le vivre-ensemble, les médias numériques et les enfants.

Pour favoriser les conversations, tous les appareils devraient d’ailleurs être fermés pendant les repas, y compris le téléphone des parents. Il est préférable également de ne pas utiliser un appareil mobile pour calmer un tout-petit, car cela l’habitue à gérer ses émotions en ayant recours aux écrans.

Limiter le temps d’écran : des effets positifs

Les recommandations actuelles sont d’éviter les écrans pour les enfants de moins de 2 ans et de limiter à une heure par jour le temps d’écran des 2 à 5 ans.

Ces recommandations reposent sur les résultats de plusieurs études, note Caroline Fitzpatrick. « Une trop grande exposition aux écrans est notamment associée à des retards dans le développement global de l’enfant, que ce soit le langage, la motricité, la capacité d’attention, la régulation des émotions ou les relations avec les autres. Trop de temps d’écran affecte aussi le sommeil et la santé physique. »

Chez les moins de 5 ans, la mise en place de limites de temps peut s’avérer une approche gagnante, a révélé une étude réalisée auprès de 315 parents canadiens par la chercheuse et son équipe.

« Quand les parents imposent à un enfant de 3 ans des règles sur le temps d’écran ou des contenus à privilégier ou à éviter, l’enfant est quatre fois plus susceptible de respecter le temps d’écran recommandé un an plus tard, indique la chercheuse. Cela suggère que l’âge préscolaire est un moment propice pour prendre de bonnes habitudes par rapport aux écrans. »

Il est important de commencer tôt, car ce type de règles fonctionne moins avec les enfants plus âgés. Quand les enfants grandissent, il est plus efficace de discuter avec eux des bons et des moins bons côtés des écrans. C’est aussi une bonne idée de les faire participer à l’élaboration de règles pour se déconnecter plus souvent.

Gérer les écrans : mission possible?

Professeure à l’UQAM et spécialiste en cyberdépendance, la psychologue Magali Dufour prône, elle aussi, la modération dans l’usage des écrans. « Les parents ne laisseraient pas leur enfant d’âge préscolaire se coucher à l’heure qu’il veut, car il n’est pas encore capable de se contrôler, dit-elle. Cela devrait être la même chose avec les écrans. »

Mais la psychologue s’interroge sur le réalisme des recommandations. « Dans un monde où il y a beaucoup d’écrans, le respect du temps recommandé est complexe à gérer pour les parents. » D’après elle, il vaudrait mieux mettre l’accent sur l’importance d’exposer le moins possible les enfants aux écrans et de leur proposer principalement des activités sans écran.

Dans le même ordre d’idées, Caroline Fitzpatrick suggère aux parents qui trouvent difficile de faire respecter les recommandations de veiller à ce que leur enfant ait assez de temps chaque jour pour bouger, jouer dehors, faire des jeux imaginaires et bien dormir. Il y aura alors moins de place pour les écrans.

Gérer les écrans nécessite aussi que les parents tolèrent que leur enfant s’ennuie. « C’est normal qu’un enfant s’ennuie après s’être amusé avec un écran, mais il va finir par se trouver une autre activité », dit Magali Dufour.

Peu importe l’âge des enfants, les parents ont avantage à donner l’exemple. « Réfléchissez à votre propre utilisation des écrans, conseille Magali Dufour. Êtes-vous toujours devant un écran quand vous êtes avec votre enfant? Faites-vous des pauses des écrans? Pour être crédibles, les parents aussi doivent améliorer leurs habitudes numériques. »

Attention à la télé en bruit de fond

Laisser la télévision allumée quand personne ne la regarde peut nuire au développement cognitif des enfants. Les recherches montrent en effet que les enfants qui grandissent dans des environnements où la télévision est souvent en bruit de fond développent un moins bon vocabulaire parce qu’ils ont moins d’interactions avec les autres membres de leur famille.
De plus, lorsqu’un enfant joue dans une pièce où la télévision est allumée, sa capacité d’attention envers son jeu diminue, même s’il ne regarde pas l’écran. Or, c’est par le jeu qu’un enfant apprend. Il est donc préférable d’éteindre la télévision en présence d’un tout-petit.

Pour en savoir plus sur l’étude française de l’INSERM : La Presse et INSERM

Nathalie Vallerand – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

Photo : GettyImages/scaliger

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