Les enfants qui avalent un objet s’exposent à des conséquences sérieuses pour leur santé.
7 septembre 2022 |Plus de 600 enfants se sont présentés au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de Montréal parce qu’ils avaient avalé un corps étranger, entre mars 2018 et février 2021. C’est ce que révèle une nouvelle étude qui met en lumière les conséquences sérieuses de ce genre d’incident sur la santé des enfants.
Un enfant qui arrive à l’urgence parce qu’il a avalé un objet, c’est fréquent, remarque le Dr Prévost Jantchou, le gastro-entérologue pédiatrique qui a dirigé l’étude. « De mars 2018 à mars 2020, le CHU Sainte-Justine voyait 15 ou 16 cas par mois, c’est-à-dire environ un enfant tous les deux jours », précise-t-il. L’âge moyen des enfants était de 4 ans, mais certains avaient plus de 10 ans.
Chez les jeunes enfants, les objets les plus souvent avalés sont les pièces de monnaie et les piles boutons que l’on utilise dans les montres ou les appareils électroniques. Chez les plus vieux, ce sont plutôt les bijoux ou les objets métalliques utilisés pour le bricolage comme des clous, des agrafes, des boutons et des épingles. On retrouve aussi des petits jouets comme des petites roues de voiturettes, des grelots, des morceaux de pâte à modeler et des petits accessoires de blocs (ex. : accessoires de Lego®).
Des conséquences sérieuses
Selon l’étude, des complications surviennent chez environ 5 % des enfants qui se présentent à l’hôpital après avoir avalé un objet. Voici les principaux problèmes possibles selon le type d’objets avalés :
- Un objet suffisamment gros peut boucher le système digestif, par exemple la sortie de l’estomac.
- Un objet pointu ou tranchant peut abîmer le système digestif et entraîner des saignements.
- Les piles boutons peuvent générer un courant électrique et des réactions chimiques, qui causeront la mort des cellules et la perforation du système digestif. Cela peut provoquer des infections et même des hémorragies si un vaisseau sanguin se trouve à proximité.
- Les aimants très puissants peuvent s’attirer mutuellement et tordre l’intestin, ce qui a pour effet d’interrompre la circulation sanguine et de causer la mort de certaines portions de l’intestin.
Quand un enfant avale un objet, les symptômes les plus fréquents sont les maux de ventre, les vomissements, la toux, les difficultés à avaler et l’augmentation de la salivation. Toutefois, les symptômes et les complications ne se présentent pas toujours immédiatement.
En effet, parmi les enfants étudiés, 43 % ne présentaient aucun symptôme lors du diagnostic. Les parents se sont rendus à l’hôpital parce qu’un témoin (ex. : frère ou soeur) leur a raconté ce qu’il avait vu. « Par contre, selon la plupart des études, ce n’est que dans 40 % des cas qu’un témoin a vu l’enfant avaler l’objet », souligne le Dr Prévost Jantchou.
Que faire si votre enfant a avalé un objet?
Pour des objets peu dangereux comme de la terre, du papier ou des petites roches, il n’est pas nécessaire de consulter. Dans les autres cas, il préférable de voir un médecin. Vous pouvez appeler Info-Santé (811) ou le Centre antipoison du Québec (1 800 463-5060). Le personnel y est bien formé pour vous diriger vers les bonnes ressources.
Si un témoin était présent lors de l’incident, il est important de bien identifier l’objet avalé. Vous pouvez même en apporter un exemplaire à l’hôpital pour aider le personnel à évaluer les risques et les complications possibles.
Si votre enfant a avalé une pile bouton, il faut agir vite et vous rendre directement dans un hôpital capable de la retirer, comme un hôpital pédiatrique. Aller dans un autre hôpital vous fera perdre du temps. « Cependant, si vous êtes à plus de 30 minutes d’un hôpital pour enfants, il est plus prudent d’aller à l’hôpital le plus proche », avertit le Dr Prévost Jantchou.
Les choses peuvent en effet dégénérer rapidement quand un enfant avale une pile bouton. « En moins d’une heure, on commence à voir des dommages, et un trou peut apparaître en 4 heures dans le système digestif », poursuit le médecin.
Pendant le trajet vers l’hôpital, il est recommandé de donner 10 ml de miel toutes les dix minutes à votre enfant de plus d’un an s’il a avalé une pile bouton. Une étude a démontré que le miel pouvait neutraliser les réactions chimiques provoquées par la pile et ralentir les dommages.
L’importance de prévenir
L’étude du Dr Prévost Jantchou a révélé que 78 % des cas d’ingestion d’objet se produisent à la maison. C’est souvent le manque de vigilance qui est en cause. « Par exemple, des parents ont remplacé la pile d’une balance et ils ont laissé la vieille pile sur le comptoir, raconte-t-il. Pendant qu’ils étaient occupés à manger, leur enfant a vu cet objet brillant et l’a mis dans sa bouche. »
Lorsqu’il y a des enfants plus grands à la maison, les tout-petits peuvent aussi s’amuser avec des jouets inappropriés pour leur âge qui comportent des petits accessoires. Les objets qui contiennent des piles dans un compartiment non vissé (ex. : télécommande) et les pièces de monnaie qui traînent représentent également un danger pour les tout-petits.
Il est donc important que les parents restent prudents et s’assurent que leur enfant n’a pas accès à des petits objets susceptibles d’être avalés et de provoquer des complications. Le Dr Prévost Jantchou pointe en tête de liste les piles boutons. Les parents doivent aussi se méfier des aimants très puissants que l’on retrouve dans certains jeux de construction et des objets pointus et tranchants comme les vis et les clous.
Un effet inattendu de la pandémie
Dans son étude, le Dr Prévost Jantchou a comparé la fréquence des visites à l’urgence pour l’ingestion d’un corps étranger avant la pandémie (de mars 2018 à mars 2020) et pendant les premières vagues (de mars 2020 jusqu’en février 2021). Il a constaté que le nombre de cas était passé de 15 par mois avant la pandémie à 19 par mois pendant. Selon lui, ce résultat s’expliquerait par le fait que les enfants étaient beaucoup plus à la maison pendant la pandémie et que les parents en télétravail étaient peut-être moins vigilants. |
Sources : Revue d’épidémiologie et de santé publique, The Laryngoscope et Canadian Medical Association Journal
Kathleen Couillard – Naître et grandir
Photo : GettyImages/Jana Richter