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L’augmentation du coût des aliments est de plus en plus difficile à gérer pour plusieurs familles. Impact de l’insécurité alimentaire et pistes de solution.
29 mars 2022 | Avec une inflation record au pays en 30 ans, le coût des aliments a explosé. Cette augmentation s’ajoute à la hausse des prix des loyers et de l’essence, et du coût de la vie en général. De nombreuses familles doivent donc faire des choix à l’épicerie en termes de quantité et de qualité.
Selon le Rapport annuel des prix alimentaires 2022, les prix des aliments augmenteront de 5 à 7 % cette année. Cela veut dire qu’une famille de quatre personnes devra débourser 966 $ de plus pour remplir son frigo et son garde-manger.
Et cela pourrait encore augmenter, prévient Sylvain Charlebois, économiste, professeur et directeur du Laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse. « Il vaut mieux être prêt à voir cela augmenter jusqu’à 1 000 $, peut-être même plus, dit-il. C’est difficile de faire des prédictions, car il y a beaucoup d’inconnues en ce moment, comme les mesures sanitaires et les restrictions liées à la pandémie, et la guerre en Ukraine. »
L’épicerie : un budget compressible
La hausse importante des prix des loyers et de l’essence vient réduire l’argent disponible pour le reste, dont l’épicerie. « Contrairement aux autres dépenses, qui sont fixes et non compressibles, la dépense liée au panier d’épicerie peut être plus ou moins grande, selon ce qu’il reste de disponible, souligne Élise Boyer, directrice générale de la Fondation Olo. C’est l’alimentation qui écope. »
Des milliers de familles se retrouvent à devoir faire des choix difficiles : quoi acheter et en quelle quantité. C’est le cas d’Emma, mère monoparentale de deux filles de 10 et 6 ans, qui travaille comme pigiste dans le milieu des communications à Sherbrooke.
« Toutes les économies que je peux faire, que ce soit de regarder les circulaires, utiliser les coupons, choisir les marques maison, construire mes menus autour de ce qui est en rabais et acheter en grandes quantités pour faire des économies d’échelle, je le fais déjà, confie la femme de 35 ans. Mais à quel point est-ce que je peux absorber toute seule la hausse du prix de mon épicerie? »
Le stress de ne pas y arriver, de ne pas boucler son budget, Emma dit le vivre au fil des semaines et des mois. « Oui, ça m’empêche de dormir certaines nuits, glisse-t-elle. Ça devient anxiogène. »
Suzanne Lepage, nutritionniste au Dispensaire diététique de Montréal, rappelle que la réalité de bien des familles qu’elle rencontre, c’est de vivre d’une paie à l’autre, à 50 $ près. « Contrairement à d’autres années, où la situation était précaire à certains moments de l’année pour les familles, en ce moment, c’est tout le temps! »
Le problème de l’insécurité alimentaire
Les organismes communautaires sont débordés, tout comme les comptoirs alimentaires et les banques d’aide alimentaire. L’insécurité alimentaire est bien réelle. En effet, plusieurs personnes n’ont pas accès à des aliments en raison d’un manque de ressources financières.
« L’insécurité alimentaire a un impact sur la santé mentale des gens, indique Élise Boyer, de la Fondation Olo. C’est pernicieux de penser que c’est une responsabilité individuelle d’être en mesure de s’alimenter correctement et suffisamment. Il faut reconnaître que ça prend des modèles, des habiletés, des connaissances… et de l’aide. »
L’insécurité alimentaire touche non seulement la santé physique des familles et des enfants, mais également les femmes enceintes. Des études, du côté de l’Unicef entre autres, démontrent que les 1 000 premiers jours de vie d’un bébé, ce qui inclut les neuf mois de développement durant la grossesse et les deux premières années de vie, sont cruciaux. Avoir les bons nutriments, au bon moment, est un gage de bon développement et de meilleure santé ensuite.
« Si le manque de nutriments contenus dans une saine alimentation est continu, l’impact peut être drastique, insiste Suzanne Lepage, du Dispensaire diététique de Montréal. Cela peut engendrer des retards de croissance ou mener à des accouchements prématurés, par exemple. »
Y a-t-il des solutions?
Les experts s’entendent pour dire que l’une des façons d’aider les familles, c’est de faciliter l’accès à des logements abordables et ainsi, libérer une partie des revenus aux autres postes de dépenses. « Se loger convenablement, sans être entassés, c’est devenu très cher », note Élise Boyer.
Augmenter les montants des prestations d’aide sociale serait aussi une bonne solution, avance Suzanne Lepage. « Nous donnons des coupons pour aider les familles à se procurer du lait, des oeufs, des légumes, cite-t-elle en exemple. Nous avons aussi obtenu du financement pour offrir des cartes-cadeaux de 150 $ en épicerie, mais c’est une seule fois. Cela ne règle pas la question de fond. »
Il en va de même pour le crédit de 500 $ accordé aux travailleurs gagnant moins de 100 000 $ par le gouvernement du Québec lors du dernier budget. Selon l’économiste Sylvain Charlebois, la mesure n’est pas adaptée aux besoins des familles.
« Dans les faits, ce montant couvre moins de la moitié de l’inflation alimentaire cette année, si on considère que cela va coûter plus de 1 000 $ de plus pour manger, précise-t-il. Je crois que l’une des meilleures choses à faire, ce serait de faire une exemption d’impôts, par exemple, pour les premiers 20 000 $ déclarés. Ce serait juste pour tout le monde. »
Qu’est-ce que l’inflation?« L’inflation est une hausse persistante du niveau moyen des prix au fil du temps. […] Les prix ont tendance à monter quand la demande de biens et de services est plus grande que ce qui est offert dans l’économie. […] Une forte inflation fait que les consommateurs, les entreprises et les investisseurs ne peuvent pas anticiper leurs coûts d’un jour à l’autre. Souvent instable et imprévisible, ce genre d’inflation empêche l’économie de fonctionner de façon optimale. La situation rend la vie particulièrement difficile aux personnes dont les revenus ne suivent pas l’augmentation des prix, notamment celles qui touchent une pension ou un faible salaire. »
Source : Banque du Canada |
Des chiffres inquiétants
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En 2021, le Canada était au 24e rang de l’indice de sécurité alimentaire mondiale; il se classait au 18e rang en 2019.
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La hausse de prix la plus importante est celle des produits laitiers (6 à 8 %), puis des légumes et des aliments de boulangerie (5 à 7 %), des fruits (3 à 5 %) et de la viande (0 à 2 %).
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Le budget alimentaire d’une famille de quatre personnes atteindra 14 767,36 $ en 2022 (basé sur un ménage composé de deux adultes de 31 à 50 ans, un adolescent de 14 à 18 ans et un enfant de 9 à 13 ans).
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Photo : GettyImages/Filipovic018