Séparation: le pour et le contre du partage de domicile

Séparation: le pour et le contre du partage de domicile
Séparation: le pour et le contre du partage de domicile

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Le pour et le contre du « nesting », le partage du domicile par les parents après une séparation.

16 mars 2022 | Avec le partage de domicile, aussi appelé nesting, les parents séparés viennent chacun à leur tour passer du temps dans le domicile familial pour s’occuper des enfants. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette pratique?

JuridiQC a tenu un webinaire récemment pour répondre à cette question avec une avocate et une médiatrice familiale.

Qu’est-ce que le nesting?

Le nesting vient du terme anglais nest, c’est-à-dire nid en français. Concrètement, avec ce mode d’organisation, les enfants restent dans le nid familial après une séparation et les parents reviennent à tour de rôle passer du temps au domicile de la famille pour s’occuper des tout-petits. C’est comme une garde partagée inversée : ce ne sont pas les enfants qui traînent leur valise d’une maison à l’autre, mais les parents.

Le terme anglais nesting est le plus souvent utilisé devant les tribunaux au Québec pour parler de ce genre d’organisation. Les termes « parents-valises » ou « nidification » sont aussi parfois utilisés pour parler du partage du domicile familial.

Cette formule est d’abord apparue aux États-Unis, il y a plus de 20 ans avant d’être connue et utilisée dans d’autres pays. À titre d’exemple, une étude de 2016 démontre qu’au Royaume-Uni, 11 % des parents séparés ou divorcés optent pour le nesting.

« Au Québec, on en entend de plus en plus parler depuis une dizaine d’années et on le met en application davantage en médiation depuis environ 4 ou 5 ans », mentionne Me Violaine Belzile, avocate et médiatrice familiale. Sans être exceptionnel, le partage de domicile après la séparation est plus rare que les autres modes d’organisation, conviennent toutefois les deux spécialistes invitées au webinaire.

Les avantages du partage de domicile

Le partage de domicile permet une transition vers la séparation à la fois pour les enfants et les parents, indique la médiatrice familiale, Lorraine Filion. « La séparation, c’est un choc et c’est difficile, dit-elle. Ce partage du domicile permet à la famille de s’adapter en douceur à la séparation. » Les parents apprennent à exercer leur rôle dans le contexte d’une séparation. Ils ont le temps de réfléchir et de décider si cette séparation va être définitive ou temporaire. Le partage de domicile est habituellement une solution temporaire, mais dans sa pratique, la médiatrice familiale a connu des parents qui l’ont adopté pendant 2 ou 3 ans.

Lorraine Filion note que ce sont souvent des parents très soucieux de protéger leurs enfants des effets de la séparation qui optent pour le nesting. Et c’est vrai qu’il y a des avantages pour les enfants. « Ils n’ont pas à déménager d’une maison à une autre. Les enfants restent dans leurs choses et ils adorent ça, observe celle qui agit aussi comme coach coparentale. Ça leur apporte une stabilité. » Les parents peuvent aussi se communiquer plus régulièrement et facilement des informations sur ce qui se passe avec leurs enfants.

Les inconvénients du partage de domicile

C’est une formule exigeante pour les parents : il y a plusieurs tâches à faire dans le domicile familial avant que l’autre vienne prendre le relais, comme faire un ménage, ranger ses affaires, changer les draps. Il peut aussi y avoir plusieurs sources de frustrations quand on revient dans le domicile familial comme de la vaisselle sale qui n’a pas été mise au lave-vaisselle, de vieux restants laissés dans réfrigérateur ou, au contraire, plus aucun aliment de base (ex. : lait, beurre, pain) disponible. « Un parent peut retrouver les mauvaises habitudes de l’autre et cela peut venir envenimer des conflits », indique Lorraine Filion.

Cela peut aussi être éprouvant sur le plan émotif. « Quand un des parents souffre et accepte moins bien la séparation, le partage de domicile peut aussi faire encore plus mal, ajoute de son côté Me Violaine Belzile. Il faut bien prendre le temps d’y penser. » L’aspect financier constitue un autre obstacle : les parents doivent avoir les moyens de se payer chacun un autre loyer où vivre quand ils ne sont pas avec les enfants au domicile familial. « Certains vont vivre chez leur parent, un frère ou une sœur, mais ce ne sont pas des arrangements qui durent longtemps », poursuit l’avocate.

Du point de vue des enfants, le nesting peut laisser croire que les parents vont revenir ensemble. C’est important que les parents leur précisent clairement que cette solution est une première étape de leur arrangement, mais que leur intention est de se séparer. « Les enfants ont besoin de savoir ce qui s’en vient pour eux et en ce sens, le nesting peut être un inconvénient parce qu’ils savent que c’est temporaire, mais ils ne savent pas ce qui s’en vient après, explique Me Violaine Belzile. Ça peut créer de l’incertitude et de l’anxiété alors que le but est de les rassurer. »

Quand les parents savent que la séparation sera permanente, ils devraient aider leurs enfants à faire le deuil de la vie avec leurs deux parents. « Il faut qu’ils commencent à s’adapter à vivre dans deux maisons différentes », dit Lorraine Filion.

Choisir le nesting

Avant d’opter pour le partage du domicile après une séparation, il est important que les parents se renseignent bien sur le nesting et évaluent les avantages et inconvénients pour eux en fonction de leur situation. Pour que ça fonctionne bien, il faut qu’il y ait une bonne entente. Les ex-conjoints doivent être capables de se parler. Ça exclut les cas de violence conjugale, évidemment, et des ex-partenaires qui vivent beaucoup de conflits. Cette formule est habituellement possible avant qu’il y ait une recomposition familiale. « Dès qu’il y a un nouveau conjoint ou une nouvelle conjointe, ça complique les choses », note Me Belzile.

Les parents séparés qui décident d’aller de l’avant avec le partage de domicile devraient en faire un projet et définir clairement les règles de leur entente. Selon Lorraine Filion, ça vaut la peine d’aller en médiation pour définir dans les détails le fonctionnement de cette entente. Par exemple, quelles sont les tâches à faire avant de quitter le domicile, qui s’occupe de laver les vêtements des enfants, quand l’autre parent peut-il venir au domicile quand on est là, comment se fait la transition, est-ce que l’autre parent entre dans la maison, etc.

« On peut commencer par mettre ce projet à l’essai pour trois mois pour voir si cela nous convient », suggère-t-elle. Une chose est certaine ce genre d’entente a besoin d’être encore plus détaillée qu’une entente de garde partagée traditionnelle. « Plus l’entente sera claire, plus la formule du nesting sera viable », conclut la médiatrice familiale.

 

 

Julie Leduc – Naître et grandir

Naître et grandir

 

Photo : GettyImages/LaylaBird

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