Les mères du Québec sont de plus en plus scolarisées

Les mères du Québec sont de plus en plus scolarisées
Les mères du Québec sont de plus en plus scolarisées

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La scolarité des mères québécoises a connu une nette progression ces dernières années. Davantage que celle des pères.

13 septembre 2021 |  La scolarité des mères québécoises a connu une nette progression au cours des dernières années. De même, la part de revenu familial à laquelle elles contribuent est en croissance. Pourquoi et quel impact cela a-t-il sur les familles et le développement des enfants?

La progression de la scolarité des mères a été plus importante que celle des pères, selon les données tirées du bulletin Quelle famille?, publié récemment par le ministère de la Famille. La proportion de mères ayant obtenu leur diplôme postsecondaire est passée de 44 % à 54 % de 2006 à 2016. Celle des pères est passée de 41 % à 47 % durant la même période.

La tendance s’observe aussi chez les parents diplômés universitaires : la proportion de mères diplômées de l’université a augmenté de 25 % à 33 % de 2006 à 2016. Cette proportion est passée de 26 % à 29 % chez les pères pour la même période.

Comment expliquer cette progression de la scolarité des mères? « Les femmes sont conscientes de l’importance de l’éducation, surtout dans une société du savoir où l’acquisition de connaissances augmente la capacité de travail », explique Marilyne Brisebois, conseillère en veille et recherche au ministère de la Famille.

Elle précise qu’il est possible que les femmes, conscientes des inégalités qui persistent du côté du salaire et de l’accessibilité à certains postes par exemple, choisissent de « poursuivre leur scolarité pour avoir accès à plus d’emplois », un peu pour déjouer les pronostics.

La professeure de sociologie à l’Université McGill Céline Le Bourdais s’appuie en partie sur l’histoire pour expliquer cette hausse de scolarité chez les mères. « Elles partaient de plus loin!, lance-t-elle. Dans les années 1950-1960, et même au début des années 1970, les femmes ne pouvaient qu’espérer se marier et avoir des enfants. C’est le mouvement féministe, entre 1970 et 1990, qui a montré aux femmes qu’elles pouvaient avoir un rôle à jouer à l’extérieur de la famille et qu’elles pouvaient envahir le marché du travail. »

Elle note également que les hommes décrochent de l’école à chaque palier scolaire (secondaire, collégial, universitaire), mais pas les femmes. « La vraie et grande question c’est : pourquoi les jeunes hommes décrochent-ils? », glisse-t-elle comme piste de réflexion.

Plus scolarisées maintenant qu’il y a dix ans, les mères contribuent donc davantage aux revenus de la famille : 22 % de celles qui détiennent un diplôme universitaire gagnent plus d’argent que leur conjoint comparativement à 15 % de celles qui n’ont pas de diplôme.

Quel impact sur le développement des enfants?

Cela a un impact direct sur la famille, indique Marilyne Brisebois. « Plus la part de revenu apporté par les mères est élevée, plus les dépenses liées aux enfants augmentent, dit-elle. Cela améliore les conditions matérielles des enfants. »

Les effets positifs de la scolarité des parents, et particulièrement de la mère, sur le développement des enfants sont eux aussi bien documentés. La lecture à un jeune âge et la communication régulière, avec un langage riche et varié, sont par exemple associées à la scolarité des parents. Et ces deux facteurs sont aussi associés à la réussite éducative, souligne le bulletin du ministère. « Ce qu’on sait, c’est que plus les parents sont scolarisés, moins les enfants sont vulnérables à la maternelle », précise Amélie Lavoie, professionnelle de recherche à l’Institut de la statistique du Québec.

On sait aussi, poursuit la chercheuse, que dans les trois sphères suivantes du développement des enfants, la scolarité de la mère a particulièrement un impact : santé physique et bien-être des enfants, développement cognitif et langagier ainsi qu’habiletés de communications et connaissances générales.

Amélie Lavoie fait toutefois valoir que même si la scolarité des parents augmente, la proportion d’enfants considérés comme « vulnérables dans un domaine de développement » à la maternelle a augmenté au cours des dernières années. En effet, entre 2012 et 2017, le taux d’enfants vulnérables dans une sphère de leur développement est passé de 25,6 % à 27,7 %*. La cible du ministère de la Santé et des Services sociaux, telle que présentée dans sa politique gouvernementale de prévention en santé, est de 20 %.

Un fossé qui se creuse

La sociologue Céline Le Bourdais remarque pour sa part que le fossé entre les mieux nantis et les moins bien nantis continue de se creuser au Québec. « Une polarisation s’est installée, dit-elle, entre autres parce que les femmes éduquées se marient ou sont conjointes de fait avec des hommes éduqués eux aussi. Pour les autres, il y a plus d’instabilité, de séparation et de risques de monoparentalité. »

C’est ce que Marilyne Brisebois, du ministère de la Famille, appelle l’homogamie de scolarité ou salariale, c’est-à-dire « la tendance à rechercher un conjoint ou une conjointe dans le même groupe social que le sien ». Selon les données du ministère de la Famille, de 40 % à 42 % des familles du Québec, qui comptent au moins un enfant mineur, se composent de couples détenant un diplôme similaire.

La scolarité des parents n’est toutefois pas le seul facteur qui a un impact sur le développement d’un enfant. Le nombre d’enfants, le type de famille (la monoparentalité, par exemple), la langue maternelle et les caractéristiques résidentielles (la stabilité et le type de logement) sont aussi des facteurs à considérer. « Cela ne repose pas uniquement sur la scolarité des parents ou de la mère, c’est un facteur parmi tant d’autres », affirme Marilyne Brisebois.

D’autres statistiques sur la scolarité des familles en 2016

  • 39 % des mères immigrantes détiennent un diplôme universitaire comparativement à 30 % des mères nées au Québec. Cela s’explique en grande partie par les politiques d’immigration du Québec qui privilégient l’accès aux immigrants économiques, selon Céline Le Bourdais.
  • 39 % des familles biparentales** (de sexes différents) avec enfants sont dirigées par un couple où les deux parents ont un diplôme d’études postsecondaires. De ce nombre, 21 % des familles ont deux parents avec un diplôme universitaire.
  • 59 % des mères en couple ont un diplôme postsecondaire comparativement à 41 % des mères monoparentales.
  • 68 % des mères sans diplôme gagnent des revenus d’emploi moins élevés que leur conjoint comparativement à 45 % des mères avec un diplôme universitaire.

Sources : ministère de la Famille du Québec, Institut de la statistique du Québec et ministère de la Santé et des Services sociaux

 

*Ces données sont tirées de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM) publiée par l’Institut de la statistique du Québec. L’EQDEM mesure le niveau de développement des enfants dans 5 domaines : santé physique et bien-être; compétences sociales; maturité affective; développement cognitif et langagier; habileté de communication et connaissances générales. Pour en savoir plus sur l’EQDEM, consultez : Maternelle : davantage d’enfants vulnérables sur le plan de leur développement.

**Dans le bulletin du MFQ, il est indiqué ceci : les couples de même sexe ont été exclus pour qu’il soit possible de comparer les niveaux de scolarité des pères et des mères au sein d’un couple et de se pencher sur les liens entre le niveau de scolarité de la mère et sa contribution aux revenus d’emploi de la famille.

 

Maude Goyer – Naître et grandir

Naître et grandir

 

Photo : GettyImages/mdphoto16

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