Les commotions cérébrales chez les tout-petits sont fréquentes et peuvent affecter leur quotidien.
12 juillet 2021 | Lorsqu’il est question de commotions cérébrales, on pense habituellement aux adolescents et aux sportifs. Pourtant, elles sont fréquentes chez les tout-petits et peuvent occasionner des séquelles affectant la vie quotidienne de l’enfant. Les détecter est toutefois un défi de taille.
« On voit souvent une augmentation à l’adolescence, mais c’est vraiment chez les 0 à 5 ans qu’on a la plus grande proportion de visites à l’urgence pour une plainte associée à une commotion cérébrale », confirme Miriam Beauchamp, chercheuse au CHU Sainte-Justine, neuropsychologue et professeure à l’Université de Montréal. Ce type de blessure serait fréquent notamment parce que les tout-petits sont moins conscients du danger et moins habiles physiquement puisqu’ils sont encore en train de développer leur motricité.
Selon Miriam Beauchamp, on a longtemps cru que les commotions cérébrales n’avaient pas d’impacts chez les jeunes enfants puisque leur cerveau avait une grande capacité à s’adapter et qu’il pouvait donc récupérer rapidement. « C’est vrai que le cerveau d’un tout-petit est en train de créer beaucoup de connexions et qu’il peut compenser certaines choses, mentionne-t-elle. Toutefois, l’inverse est aussi vrai. Si on perturbe le développement du cerveau d’un enfant avant qu’il soit complété, on peut s’attendre à ce qu’il y ait des conséquences. »
Les chercheurs commencent d’ailleurs à s’intéresser aux répercussions des commotions cérébrales chez les tout-petits. « Nous avons publié des études qui montrent que le comportement et la relation parent-enfant sont perturbés après ce type de blessure, souligne la neuropsychologue. » En effet, un changement dans le comportement d’un tout-petit souffrant d’une commotion cérébrale peut aussi changer le comportement d’un parent et ainsi nuire à la qualité des interactions entre les deux. Les chercheurs ont aussi observé des difficultés au niveau des habiletés mentales qui permettent aux enfants de socialiser.
Des symptômes difficiles à détecter
Plusieurs accidents peuvent causer des commotions cérébrales chez les jeunes enfants, mais dans 90 % des cas, il s’agit d’une chute. Par exemple, un bébé peut tomber de la table à langer ou débouler les escaliers. Un enfant de 3 ou 4 ans peut tomber d’un module de jeux au parc, d’un panier d’épicerie ou d’une chaise.
« Cela ne signifie pas qu’un enfant va avoir une commotion chaque fois qu’il tombe, nuance toutefois Miriam Beauchamp. Il faut vraiment que la chute soit associée à des symptômes précis qui indiquent une perturbation au niveau du cerveau. »
Les symptômes observés après l’accident sont d’ailleurs ce qui permet aux médecins et aux autres professionnels de déterminer s’il s’agit d’une commotion cérébrale et d’évaluer la gravité de la situation. Parmi ces symptômes, on retrouve par exemple :
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les maux de tête;
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les nausées et vomissements;
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la difficulté à se concentrer, la confusion et la perte de mémoire;
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les problèmes de sommeil ou une très grande fatigue;
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les problèmes d’équilibre et les étourdissements;
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l’hypersensibilité aux sons et à la lumière;
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l’irritabilité, la dépression, l’anxiété et le repli sur soi.
Ces symptômes sont toutefois difficiles à détecter chez les tout-petits. « Par exemple, les enfants qui ne parlent pas encore ne peuvent pas dire à leurs parents qu’ils se sentent confus, explique la neuropsychologue. Même pour les enfants de 3 à 5 ans qui maîtrisent mieux le langage, il s’agit de choses abstraites qui peuvent être difficiles à communiquer. »
De plus, certains symptômes peuvent ressembler à des comportements normaux pour un tout-petit. « Un enfant de 2 ans est probablement un peu irritable tous les jours », remarque-t-elle.
Des indices pour les parents et les éducatrices
Avec l’aide d’autres chercheurs, Miriam Beauchamp a développé un nouvel outil pour faciliter l’observation des symptômes après un incident qui pourrait avoir causé une commotion cérébrale. « Nous nous sommes demandé à quoi pourraient ressembler ces symptômes chez les jeunes enfants, explique-t-elle. Le but, c’est d’avoir une façon de reconnaître ces symptômes puisque l’enfant n’est pas capable de les rapporter. »
Par exemple, lorsqu’un enfant a mal à la tête, il peut se tenir la tête ou la frotter. Dans le cas de la sensibilité à la lumière, le tout-petit peut se mettre à refuser d’aller dehors ou de regarder la télévision. Voici d’autres comportements à surveiller selon la liste élaborée par Miriam Beauchamp et son équipe.
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L’enfant a soudainement besoin de dormir beaucoup et ses siestes sont plus longues que d’habitude ou à des heures inhabituelles.
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L’enfant refuse de manger quelque chose qu’il apprécie généralement.
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L’enfant montre des signes de régression : il n’est plus propre, il redemande sa suce, il a soudainement des difficultés pour marcher.
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L’enfant cherche du réconfort : il veut être dans les bras de ses parents plus souvent, il a besoin de sa doudou, il ne veut plus quitter ses parents.
Grâce à leur inventaire, les chercheurs espèrent qu’il sera plus facile pour les parents ainsi que pour les éducatrices et les éducateurs en service de garde d’être attentifs aux changements de comportement d’un enfant qui s’est cogné la tête et de faire un lien avec l’incident.
Cet outil peut aussi guider les parents pour le retour graduel de leur tout-petit à la garderie. « Si on constate une augmentation des comportements difficiles, cela peut être un signe qu’il faut garder l’enfant à la maison parce qu’il ne sera pas capable de gérer l’environnement stimulant de la garderie », conclut Miriam Beauchamp.
Quand aller à l’urgenceCertains signes et symptômes sont graves et signifient qu’il faut se rendre à l’urgence immédiatement. -
L’enfant vomit de façon répétitive (plus de deux vomissements).
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Il perd connaissance.
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Il a des convulsions.
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Il a des maux de tête sévères ou des douleurs intenses au cou.
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Il est confus, plus irritable que d’habitude ou présente d’autres comportements inhabituels.
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Il a de la difficulté à marcher et à parler.
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Il a des troubles de vision.
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Il ressent des picotements dans les bras ou les jambes.
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Son état général s’aggrave.
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Pour en savoir plus, consultez nos fiches sur la commotion cérébrale :
Sources : Université de Montréal et Journal of Head Trauma Rehabilitation
Kathleen Couillard – Naître et grandir
Photo : GettyImages/sjenner13