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Rentrée scolaire dans le grand Montréal : des parents se montrent enthousiastes alors que d’autres sont inquiets.
19 août 2020 | Après avoir passé 5 mois à la maison, les élèves de la Communauté métropolitaine de Montréal vont bientôt retourner en classe. Comment se sentent les enfants et leurs parents à la veille de cette rentrée bien spéciale? Il y a de l’excitation, mais aussi certaines craintes. Des enfants et des parents témoignent.
« J’ai très hâte de retourner à l’école, dit Jeanne, 8 ans, qui entre en 3e année à l’école Val-des-Ormes de Rosemère. Ça va faire du bien de revoir nos amis et d’être dans une classe. J’ai fait l’école à la maison au printemps, mais ce n’était pas pareil. J’ai trouvé ça moyen. »
Un soulagement pour plusieurs parents
Sa maman, Marie-Hélène Fortin, se montre également enthousiaste. « Son prof et ses amis lui ont manqué, dit-elle, mais la routine de l’école aussi. Je suis soulagée de savoir que Jeanne retourne en classe. C’est le temps que les enfants retrouvent une certaine régularité. » La maman ne craint pas trop la maladie. « On continue d’être vigilants et de suivre les consignes sanitaires et je me fie sur ce qu’on entend beaucoup au sujet des enfants qui l’attrapent peu et qui s’en sortent bien. » Elle se montre également rassurée par le protocole prévu si un enfant a des symptômes ou attrape la maladie à l’école.
Ophélie, 5 ans, qui s’en va en 1re année à l’école Saint-Enfant-Jésus, à Montréal est aussi impatiente de retrouver sa vie scolaire. « Je me suis beaucoup ennuyée de mes amis, dit-elle. J’ai eu des cours à l’ordinateur où je voyais mon prof et mes amis dans leur maison, mais j’aime mieux les voir en classe. »
Son papa, Nicolas Boisvert, est confiant que retourner sa fille à l’école est la bonne chose à faire. « Ça fait plus de 5 mois qu’elle n’a qu’une seule amie pour jouer, note le papa. Ophélie a besoin de socialiser. L’école, ce n’est pas juste pour apprendre à lire et à compter, c’est aussi pour apprendre aux enfants à vivre ensemble et à interagir entre eux. Ce n’est pas quelque chose qui peut s’apprendre en ligne. Je trouve que l’isolement est plus dangereux pour ma fille que la COVID-19. »
Ces témoignages illustrent bien les résultats d’un sondage mené par la firme Léger et l’Association d’études canadiennes qui rapportent que plus de la moitié des enfants québécois (54 %) ont hâte de retourner à l’école, tandis que 30 % sont nerveux et angoissés devant cette perspective. Quant à leurs parents, l’enquête démontre qu’ils sont moins nombreux (56 %) à s’inquiéter du retour à l’école que la moyenne des parents des autres provinces canadiennes (66 %).
Des parents inquiets
Il reste que même si plusieurs parents se réjouissent du retour en classe et apprécient les mesures sanitaires annoncées par le ministère de l’Éducation, certains demeurent inquiets de la situation. C’est le cas de Marwan Geagea dont le fils de 8 ans entre en 2e année dans une école de Varennes. « À la maison, je peux tout maîtriser, mais à l’école, je ne sais pas à quel point les consignes vont être bien respectées », mentionne le papa.
Il n’est pas du tout rassuré par le concept des bulles classes. « Dans la classe, on sera tous liés comme une chaîne, dit-il. Si mon enfant joue avec les enfants de sa classe, c’est comme si je fréquentais aussi ces enfants et leurs parents et je ne sais pas comment on se protège dans les autres familles. Je remarque que certaines personnes se sont habituées aux consignes. Ils les prennent plus à la légère et c’est pour ça que je m’inquiète. »
Alexandra Fioriello est étonnée de voir qu’autour d’elle les parents ne sont pas stressés par ce retour en classe parce que, de son côté, elle ne peut s’empêcher de s’inquiéter. « Je trouve qu’il y a encore beaucoup d’inconnus concernant le virus, dit la maman qui a deux filles, une qui commence la maternelle et une autre qui entre en 3e année dans une école du quartier Rosemont à Montréal. Dans certains milieux de travail, on ne retournera pas au bureau avant 2021. Les employeurs font beaucoup pour protéger notre santé, pourquoi on ne fait pas la même chose avec les enfants? »
La maman a même pensé à un certain moment faire l’école à la maison pour protéger ses filles. « Mais, j’ai réalisé qu’avec mon travail, ce n’était pas possible. J’aurais toutefois aimé que l’enseignement à distance continue à être offert. »
Elle n’est pas la seule puisqu’une demande sera bientôt déposée en Cour pour ordonner au ministère de l’Éducation d’offrir des cours en ligne à tous les élèves du primaire et du secondaire. Les parents à l’origine de cette demande croient que les parents devraient avoir le choix de ne pas envoyer leur enfant à l’école si, par exemple, ils jugent que les mesures sanitaires ne sont pas suffisantes pour les protéger. Pour l’instant, Québec offre de l’enseignement à distance seulement aux enfants qui ont une condition de santé particulière ou dont les parents sont à risque d’attraper la COVID-19.
Gérer les inquiétudes
Même si les parents ont des craintes, Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue clinicienne et professeure associée à l’UQAM, leur rappelle qu’il est important de ne pas transmettre leurs angoisses à leur enfant. « Je leur conseille de parler de leurs inquiétudes avec des proches, dit la psychologue. Mettre des mots sur ce qu’on vit peut aider à diminuer les craintes. C’est bon aussi de parler avec d’autres parents qui ont une réalité semblable. Voir avec eux comment ils gèrent leurs inquiétudes. Et si la situation devient trop anxiogène, on peut consulter un professionnel. Une aide ponctuelle peut aider à calmer cette bouffée d’angoisse. »
« Je sais bien que si les parents sont plus calmes, les enfants vont être rassurés, reconnaît Alexandra Fioriello. J’essaie donc de rationaliser mes craintes pour mes filles parce que je veux qu’elles s’amusent et qu’elles soient bien à l’école. Je dois lâcher prise sur certains aspects : je ne peux pas contrôler tout ce qui se passe à l’école. »
Elle mise donc sur ce qu’elle peut maîtriser. « Comme on travaille à la maison, je n’enverrai pas mes filles au service de garde, dit la maman. Et les premières semaines, je pense aussi les faire revenir à la maison pour dîner afin de limiter le temps qu’elles passent à l’école. »
Cadleen Désir, psychopédagogue, conseille également aux parents inquiets d’utiliser les consignes sanitaires connues comme outils pour se protéger de la maladie et se rassurer. « On ne peut pas contrôler la situation, dit-elle, mais on peut contrôler comment nous on y réagit. »
C’est ce que va faire Marwan Geagea. « Je vais envoyer mon fils à l’école, je n’ai pas le choix, confie le papa. Et je vois qu’il a besoin d’être avec d’autres enfants, c’est important pour sa santé mentale. Mais il aura une routine du retour de la maison assez stricte : il va entrer par la porte du garage, se désinfecter les mains dehors et prendre sa douche en arrivant de l’école. »
Bien sûr, ce retour en classe sera marqué par des imprévus et le virus va circuler dans les écoles, la Santé publique s’y attend. « Mais la beauté, c’est qu’on a 5 mois d’apprentissages derrière nous », souligne Cadleen Désir. Elle suggère aux parents de miser sur ces apprentissages pour faire face aux prochains mois et s’adapter.
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Julie Leduc - Naître et grandir
Photos : GettyImages/SDI Productions, ilona titova et martinedoucet