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Des pistes pour sensibiliser votre enfant à la discrimination et pour prévenir le racisme dès le plus jeune âge.
18 juin 2020 | L’actualité des dernières semaines rappelle qu’il y a toujours du travail à faire pour lutter contre les discriminations et les violences raciales. Même si le sujet est sérieux, il est possible de sensibiliser votre enfant à ce genre d’injustices et d’agir tôt pour prévenir le racisme. Voici de bonnes pistes pour vous guider.
« Le premier geste que l’on peut faire avec nos enfants contre le racisme, c’est de les exposer aux diverses réalités culturelles », indique Cadleen Désir, psychopédagogue, fondatrice des cliniques Déclic qui offrent des services d’intervention éducative. À son avis, il est possible de le faire même si les parents vivent dans un milieu où il y a peu de communautés culturelles.
« On peut commencer par regarder un atlas avec notre tout-petit, dit la psychopédagogue. Lui montrer qu’il existe différents pays sur la planète et différentes cultures. L’idée est de favoriser une ouverture au monde et une curiosité pour les différences culturelles. »
La psychologue pour enfants Ariane Hébert partage cette idée et conseille aux parents de veiller aussi à ce qu’il y ait une diversité culturelle dans les jeux, les jouets, les émissions, les films et les livres qu’ils présentent à leur tout-petit. Cela veut dire par exemple avoir des poupées et des figurines qui n’ont pas toutes la peau blanche, des livres et des films qui montrent des personnages de différentes origines et des déguisements avec des tissus variés.
Vive la différence
Selon Cadleen Désir, plus on expose un enfant aux différentes cultures et à tout ce qui vient avec comme la langue, la cuisine (ex. : mets italien, créole ou indien), l’habillement, plus il découvre la richesse de la diversité.
Cette exposition est en effet importante selon Marie-Odile Magnan, sociologue de l’éducation et professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, car « les recherches en psychologie sociale démontrent que les enfants ont tendance à s’identifier à des gens qui leur ressemblent même en bas âge. » Ils sont davantage attirés vers eux. Les parents ont donc un rôle à jouer pour amener leur enfant à la rencontre des autres. « L’interaction concrète avec des personnes de différentes origines a aussi un impact positif, note la sociologue. Plus on a des contacts avec des personnes de diverses communautés, plus on devient ouvert à la diversité. »
Amy Cooper, spécialiste en éducation pour Equitas, un organisme voué à l’éducation aux droits humains, suggère également aux parents de faire prendre conscience aux enfants qu’ils vivent dans une communauté diversifiée pour les ouvrir au monde. Cela peut se faire par exemple en visitant un site autochtone ou un festival de type Pow Wow, en allant marcher dans le quartier chinois de Montréal ou en amenant un tout-petit dans un commerce tenu par des gens de diverses communautés culturelles.
Tous différents, mais semblables
En plus de valoriser la diversité, les parents ne doivent pas avoir peur de nommer et d’expliquer les différences culturelles. Surtout que les enfants sont curieux et observateurs. Dès l’âge de 6 mois, les bébés peuvent reconnaître les différences raciales. « Il faut profiter de cette curiosité pour apprendre des choses sur d’autres cultures avec eux, note Amy Cooper. Et si les parents n’ont pas les réponses aux questions de leur enfant, ils doivent avoir l’ouverture d’aller chercher des réponses. »
Pour montrer leur ouverture, il arrive que certaines personnes disent qu’elles ne voient pas les différences. Un commentaire maladroit et blessant selon Cadleen Désir, qui est d’origine haïtienne. « On m’a souvent dit, “Cadleen, je ne la vois pas, ta différence”, confie-t-elle. Avoir ce genre de commentaire avec un enfant issu de la diversité, c’est comme lui dire qu’on ne reconnaît pas sa différence. » Inconsciemment, l’enfant peut associer sa différence à quelque chose de négatif et penser que ce qui est bien, c’est d’effacer cette différence.
La psychopédagogue suggère au contraire de parler des différences avec son enfant et de lui faire réaliser qu’on a aussi beaucoup de ressemblances. Par exemple, si un tout-petit demande pourquoi son ami a la peau brune, le parent peut expliquer que les gens à la peau foncée ont plus de mélanine dans leur corps, un pigment qui les aide à se protéger du soleil. « C’est aux parents de montrer que les différences physiques ne constituent pas une menace, dit Cadleen Désir. On peut dire à un enfant qu’on est tous différents et uniques, mais qu’on est tous des humains. On n’a pas tous la même couleur de peau, d’yeux, ni de cheveux, mais finalement on a tous les mêmes parties du corps. »
Sensibiliser notre enfant aux injustices
Pour prévenir le racisme, Amy Cooper soutient qu’il est aussi important de sensibiliser les enfants aux droits humains, au racisme et aux injustices qui existent dans le monde. « On peut expliquer à un tout-petit que tout le monde a le droit aux mêmes chances et aux mêmes possibilités, mais que parfois à cause de leur origine ou de leur couleur de peau, certaines personnes ne sont pas traitées comme les autres et que c’est une injustice. »
« Les enfants sont sensibles quand on leur parle de situations injustes. Ils sont souvent outrés quand on leur montre qu’il y a des inégalités », poursuit Marie-Odile Magnan. Les parents peuvent par exemple profiter des situations qui se présentent au quotidien, dans une émission ou dans un film pour identifier et dénoncer des gestes ou des paroles racistes.
Les livres peuvent aussi aider. Certains abordent des thèmes comme le racisme et l’injustice avec des mots faciles à comprendre pour les tout-petits. D’autres permettent de défaire certains stéréotypes. Par exemple, si un enfant dit qu’il faut avoir la peau blanche et des cheveux lisses pour jouer à la princesse, le parent peut chercher à la bibliothèque une histoire sur une princesse africaine, indienne ou mexicaine.
« Présenter différents modèles brise les stéréotypes, dit Cadleen Désir. Et pour les tout-petits issus de la diversité, c’est une façon de les rendre fiers de leurs origines et de leur donner des outils pour se défendre. Une petite fille pourrait ensuite dire : “Oui, je peux être une princesse avec mes cheveux frisés, j’en connais une princesse comme moi.” »
Agir contre le racisme
Si un enfant a un commentaire raciste, « il est important de comprendre d’où vient cette idée, indique la psychologue Ariane Hébert. Ce n’est pas quelque chose que les enfants inventent d’eux-mêmes : ils l’ont appris ou entendu. Il faut aussi expliquer la discrimination avec des mots d’enfants pour lui faire comprendre l’injustice et solliciter son empathie. On peut dire par exemple : “si tous les amis du cours de natation ont le droit de sauter dans l’eau sauf ceux qui ont les yeux bruns comme toi, comment vas-tu te sentir?” »
Marie-Odile Magnan ajoute qu’il est important d’agir sur le moment. « Autrement, c’est comme si on renforçait ses propos, dit-elle. Mais il faut rester calme, comprendre d’où ça vient et voir si l’enfant a bien compris ce qu’il vient de dire. » L’enfant doit comprendre que les gestes et les propos racistes ne sont pas acceptables. « Il faut lui faire voir qu’à partir du moment où l’on diminue ou enlève un privilège à un autre à cause de la couleur de sa peau ou de ses origines, on blesse. On n’est pas dans le respect de l’autre et on devient un acteur d’injustice », poursuit Cadleen Désir.
Elle suggère de montrer les conséquences des comportements racistes en amenant des preuves de l’Histoire. Même avec un enfant de 4 ou 5 ans, on peut parler de la ségrégation des Noirs aux États-Unis en racontant l’histoire de Rosa Parks ou expliquer le régime de l’apartheid en Afrique du Sud à partir de l’histoire de Nelson Mandela.
Si l’enfant est victime de racisme, il faut d’abord être à l’écoute de ce qu’il vit, mentionne Cadleen Désir. « On l’aide à parler des émotions qu’il vit comme l’humiliation, la peine, la colère et on lui dit qu’il a raison de se sentir comme ça, dit la psychopédagogue. C’est très bouleversant pour un parent de savoir que son enfant a été attaqué dans son identité et on a le droit de lui dire : je suis en colère, je trouve ça injuste. »
Ensuite, le parent devrait parler des gestes qu’il va poser comme aller expliquer la situation à l’enseignante ou à l’éducatrice ou écrire avec son enfant une lettre à son ami et ses parents pour expliquer la peine qu’on lui a faite. « On lui montre ainsi qu’on réagit, qu’on n’accepte pas ce qui est arrivé et qu’on veut que ça change », dit Cadleen Désir. Cette réponse aide l’enfant à se respecter, à se faire confiance, à s’affirmer et à avoir du pouvoir sur la situation.
Les événements racistes violents Doit-on parler à notre enfant des événements racistes violents qui se produisent, comme la mort de George Floyd aux États-Unis? « Si l’enfant n’a pas été exposé à ces événements, je ne vois pas le bien-fondé de lui en parler », note Ariane Hébert, psychologue. Cela pourrait l’inquiéter inutilement. « Mais s’il a vu des images et pose des questions, il faut le rassurer en lui expliquant les événements avec des mots simples qui correspondent à son développement, sans donner de détails morbides », ajoute-t-elle.
Cadleen Désir croit aussi qu’il faut parler des événements quand les enfants ont vu des images ou entendu l’histoire. « C’est l’occasion de dénoncer le racisme et de dire qu’il ne faut pas tolérer les injustices », dit-elle. La psychopédagogue précise que ce genre d’histoire suscite des inquiétudes particulièrement chez les enfants à la peau noire qui ont peur que cela arrive à leur parent ou à eux. « C’est important de sécuriser l’enfant, dit-elle. Lui dire que ce sont des événements très rares, que tout le monde travaille pour que ce genre d’événement n’arrive plus. C’est bien aussi de montrer qu’il y a des manifestations partout dans le monde qui dénoncent la violence. On peut dire à son enfant que partout sur la planète des gens réagissent pour dire que c’est injuste, intolérable, inacceptable. » |
- Comment réagir quand une tragédie survient (sur Naître et grandir)
- Les enfants et les préjugés (sur Naître et grandir)
- Connais-tu Nelson Mandela?, Johanne Ménard, Éditions Michel Quentin, 2014, 64 p.
- De petite à grande Rosa Parks, Lisbeth Kaiser, la courte échelle, 2018, 32 p.
- Equitas, organisme d’éducation aux droits humains
- J’aime la diversité, une affiche de l’illustratrice Élise Gravel
- Le chemin de Jada, Laura Nsafou, Éditions Cambourakis, 2020, 30 p.
- Le racisme, Astrid Dumontet, Milan, 2019, 40 p.
- Le racisme et l’intolérance, Louise Spilsbury, Scholastic Canada, 2019, 32 p.
- Le racisme expliqué aux enfants, une affiche de l’illustratrice Élise Gravel
- Pain doré, Kari-Lynn Winters, Éditions de l’Isatis, 2018, 32 p.
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Julie Leduc - Naître et grandir
Photos : GettyImages/FatCamera et fizkes