Mères monoparentales: le défi du retour à l'école

Mères monoparentales: le défi du retour à l'école
Mères monoparentales: le défi du retour à l'école
Retourner à l’école pour une mère monoparentale prend beaucoup de motivation. Témoignages de deux mamans fières qui y sont arrivées.

22 novembre 2019 | Rehema n’avait pas de diplôme lorsqu’elle a immigré au Québec et Chantale n’avait pas encore terminé son primaire il y a à peine deux ans. Malgré tout, ces deux mères monoparentales ont trouvé le courage de retourner à l’école, et la motivation d’y rester. Tout un accomplissement pour ces jeunes femmes rencontrées lors d’un colloque organisé par l’organisme Maman va à l’école le 20 novembre dernier.

Lorsqu’elle est arrivée au Québec, seule avec ses quatre enfants, Rehema Cibalonza ne parlait presque pas français. Elle se souvient de ses premiers moments à Victoriaville, totalement perdue et apeurée. « Tout était difficile. Il m’a fallu un interprète », confie la jeune femme.

Cinq ans plus tard, la Congolaise ne cache pas sa fierté. Après avoir multiplié les efforts, celle qui est arrivée sans un diplôme en poche, nourrit un rêve aujourd’hui accessible : devenir éducatrice à l’enfance.

Pour en arriver-là, Rehema Cibalonza a dû concilier plusieurs vies en une : celle d’étudiante et de maman, mais aussi celle de cheffe de famille monoparentale. « C’est difficile, car on se sent vraiment seule. On doit s’occuper des enfants, des courses, du ménage et faire attention à l’argent. Et on doit apprendre », explique-t-elle.

Elle a dû aussi chercher de l’aide en francisation, puis en mathématiques, parce que c’était trop dur pour elle. De plus, il a fallu qu’elle aide un de ses fils qui ne voulait plus aller au secondaire. « C’était vraiment difficile, mais je suis maintenant en cinquième année de secondaire en français et en anglais et je suis très fière de moi. Je fais même l’interprète pour d’autres femmes qui arrivent au Québec », dit-elle.

Trouver la motivation

Des ressources pour aider ces mères monoparentales à retourner aux études, il en existe, mais le défi est malgré tout immense pour ces femmes qui vivent souvent dans des conditions précaires. « Toutes ces femmes sont des héroïnes invisibles de la société », déclare Paula Duguay, enseignante retraitée qui a fondé Maman va à l’école, il y a dix ans.

Son organisme a pour mission de faciliter le retour à l’école des mères monoparentales. « Elles ont toutes un point commun : elles veulent transmettre des valeurs à leurs enfants, elles veulent être un exemple. Souvent, leur véritable moteur, ce sont leurs propres enfants », ajoute-t-elle.

 Chantale Godcharles le confirme. Elle avait 28 ans lorsqu’elle s’est décidée à retourner à l’école. Un véritable défi pour cette maman de Sainte Hyacinthe qui a arrêté l’école en troisième année du primaire. « J’avais une faible estime de moi et la peur de ne pas y arriver. J’ai recommencé l’école au primaire en 2017 et maintenant, je suis au secondaire. »

Malgré le stress et les obstacles qu’elle vit, elle arrive à rester motivée. « C’est difficile parce que le centre local d’emploi pose une limite de temps. On a donc peur de ne pas arriver dans les délais et que cela s’arrête. Tout est plus compliqué, tout prend plus de temps, alors on a ce stress en plus de celui de nos études. C’est ma fille qui m’aide à tenir et qui me motive. En la voyant, je me dis que je ne peux pas lâcher », affirme-t-elle.

Rejoindre et aider les mères monoparentales

 « Quand j’entends dire qu’elles ne peuvent pas reprendre leurs études parce qu’elles n’ont pas d’argent, je ne le supporte pas », rapporte Paula Duguay. Maman va à l’école distribue des bourses à ces « mères courage » : plus de 300 femmes ont reçu une aide financière depuis 2013.

Il existe d’autres obstacles, rapporte Louise Brossard, chercheuse en éducation des adultes : « Elles ne savent pas que cette aide existe ou que cela est fait pour elles. Il faut donc s’interroger sur la manière de transmettre l’information à ces femmes là où elles se trouvent, susciter leur intérêt et faire en sorte de maintenir leur participation ».

Tarek Khazen, vice-président de l’Association des employés du Nord québécois, abonde dans le même sens : « Il faut aller dans les quartiers où les mamans et jeunes filles vivent, dans les parcs, aux fêtes de quartier afin de créer un lien de confiance ».

Par ailleurs, il observe un autre phénomène dans sa région : dans les communautés autochtones, il est normal de devenir parent jeune et le décrochage scolaire fait partie de la vie. « Mais il faut ensuite persuader ces mères de retourner à l’école, les aider à ne pas décrocher du système. C’est une vision différente, mais il faudrait créer un « Maman reste à l’école » pour les adolescentes qui deviennent mamans », avance-t-il.

Face à ces constats, Paula Duguay, qui rencontrera bientôt le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, envisage de créer « un outil qui regrouperait tous les organismes qui aident à la scolarisation des femmes ».

Pour en savoir plus :

Maman va à l’école

Ma place au soleil

 

Par Agathe Beaudouin

Naître et grandir

 

Photos : GettyImages/skynesher et Agathe Beaudouin

Photo 2 : Rehema Cibalonza

Photo 3 : Chantale Godcharles

Photo 4 : Paula Duguay, fondatrice de Maman va à l’école

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