À quoi ressemble le quotidien de cinq adultes et deux enfants qui vivent ensemble dans un grand appartement de Montréal?9 juillet 2019 | Bien qu’Émile et Henri, qui ont tous les deux autour de 2 ans, ne soient pas frères, ils grandissent ensemble et partagent la même chambre. C’est que les quatre parents vivent en colocation dans un grand appartement du quartier Saint-Henri à Montréal. De plus, les petits garçons ont la chance de pouvoir compter sur un cinquième locataire! Portrait d’une colocation nouveau genre qui est non seulement bénéfique pour le porte-monnaie, mais aussi pour le développement d’Émile et Henri.
Installés devant leurs petits bols de céréales servis par Audrey, Émile et Henri déjeunent ensemble. Mais dès qu’Émile aperçoit Jonathan, il abandonne tout pour l’aider dans la préparation de son café. « Ta coule! », s’enthousiasme le petit garçon. « Pourou-pourou-pourou », dit rapidement Henri pour imiter le bruit du café qui coule.
Ce rituel matinal, qui se termine par la préparation de deux bébéccinos (petite tasse de lait moussé), pourrait être celui de n’importe quelle famille. Sauf qu’Audrey et Jonathan ne sont pas en couple. Et Jonathan, Émile et Henri n’ont aucun lien de parenté.
Les initiateurs de ce projet de colocation, David, Audrey et Jonathan, se sont connus en 2008 à l’Université de Sherbrooke. Neuf ans plus tard, en 2017, Audrey, Jonathan et leurs conjoints respectifs déménageaient dans un grand loft suivi par la suite de David, d’Ève et de leur bébé de 4 mois, Émile.
« On a eu de longues discussions sur les pour et les contres d’habiter tous ensemble, comment ça marcherait, et comment ça fonctionnerait si quelqu’un s’en allait », explique la compagne de David qui a connu le groupe un an avant le projet. « Et c’est arrivé… », dit Jonathan, en précisant que son ex-compagne a quitté l’appartement en janvier dernier.
Une fois installés, ils ont dû continuer de communiquer, expliquent-ils. « La communication dans la vie, c’est la base. Mais là, c’est comme fois deux. […] Parce que tu as à dealer avec une vie de parents », précise Ève.
Des bienfaits pour les parents et les enfants
Avoir quatre adultes de plus, ça permet davantage de moments de répit, précise David, le papa d’Émile : « Les nouveaux parents, ce dont ils ont besoin ce n’est pas juste d’une journée de repos, c’est plein de cinq minutes par jour. » La vie en colocation permet aussi de sortir spontanément pour aller marcher ou pour aller prendre une bière!
Et la vie en collectivité est bénéfique aussi pour les enfants, observent les colocataires. Selon Ève, cela a permis à Émile de prendre confiance en lui, mais aussi de s’exprimer et de donner son point de vue. D’ailleurs, chaque adulte ajoute de la valeur à l’éducation des enfants, affirme David. Et même si les deux garçons sont des enfants uniques, ils bénéficient des avantages de la fratrie, comme apprendre à partager leurs jouets, explique Audrey. « Henri se fait vraiment tirer vers le haut par Émile dans son développement sur certains aspects comme la parole et la motricité », ajoute-t-elle.
Plus d’avantages que de désavantages
« J’abordais l’idée de ce projet avec des bébés avec appréhension », explique Jonathan qui joue un peu le rôle d’oncle. Mais « voir Henri et Émile tous les jours, ça nourrit ma vie », ajoute-t-il. « Pour Henri, Tatan est comme son meilleur ami en ce moment! », lance Audrey. « Tatan! », répètent en chœur les autres adultes en riant.
« Pour moi, les avantages sont plus importants que les désavantages », dit sans hésiter Audrey. « C’est sûr que lorsque tu es toi-même épuisé et que c’est le bébé des autres qui te réveille, ce n’est pas facile. Mais quand ça arrive, je l’accepte », ajoute David.
L’espace physique a toutefois ses limites, mentionne Audrey qui aimerait avoir un deuxième enfant, tout comme Ève. Toutes deux conviennent qu’il manquerait une chambre dans ce cas. « Mais qu’est-ce que je ferais avec un deuxième enfant et moins d’adultes pour m’aider? », s’interroge Audrey amusée, en s’imaginant vivre seulement avec son compagnon et ses enfants. Néanmoins, aucun des quatre adultes présents ne se voit vivre loin les uns des autres. Leur nouveau projet : acheter un terrain tous ensemble dans les Cantons-de-l’Est!
L’avis d’une spécialiste
« Je pense que c’est très bien qu’ils aient déjà un plan pour le long terme », commente Linda Pagani, chercheuse et professeure titulaire à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Une séparation pourrait avoir les mêmes effets qu’un divorce et donc être marquante pour les enfants, précise celle-ci. Elle fait aussi cette mise en garde : toutes les expériences de ce genre ne sont pas aussi fantastiques. Il est essentiel d’ailleurs de s’assurer de la bonne santé mentale des colocataires afin de protéger les enfants. Elle rappelle qu’un enfant de 2 ans a besoin, bien sûr, d’amour et d’affection, mais aussi de sécurité et d’encadrement.
Laura Martinez - Équipe Naître et grandir
Photos : Laura Martinez
Photo 1 : Émile et Henri
Photo 2 : Émile, Henri et Jonathan
Photo 3 : Émile, Henri, Ève et Audrey