Poids des tout-petits: faut-il s'en inquiéter?

Poids des tout-petits: faut-il s'en inquiéter?
Poids des tout-petits: faut-il s'en inquiéter?

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Le nombre d’enfants en surplus de poids a beaucoup augmenté depuis 30 ans. Que s’est-il passé et quel effet cela a-t-il sur leur santé?

28 août 2017 | Les habitudes de vie des enfants ont beaucoup changé depuis 30 ans. Cette situation n’est malheureusement pas sans conséquence. En effet, les enfants en surpoids ou obèses sont en plus grand nombre qu’auparavant et cela affecte directement leur santé.

La proportion d’enfants de 2 ans à 17 ans touchés par l’embonpoint ou l’obésité a augmenté de 55 % entre 1978 et 2004, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « L’obésité a beaucoup augmenté à une certaine époque, confirme Lise Dubois, professeure titulaire à l’École d’épidémiologie, de santé publique et de médecine préventive de l’Université d’Ottawa. Cependant, depuis quelques années, on observe une certaine stabilisation. »

Selon une étude publiée en 2016, la fréquence de l’obésité et du surpoids chez les enfants canadiens de 3 ans à 19 ans est en effet passée de 31 % en 2004 à 27 % en 2013. Une tendance similaire a aussi été observée chez les jeunes Québécois de 6 ans à 17 ans, conclut un rapport de l’INSPQ.

En hausse chez les plus jeunes

Cependant, si on s’intéresse seulement aux enfants du primaire, les problèmes de poids seraient encore en progression dans cette tranche d’âge, souligne Lise Dubois. En 2009-2013, ils étaient 26 % à connaître un surplus de poids alors qu’ils étaient seulement 18 % en 2004. « On peut penser que les enfants de moins de 6 ans suivent la même tendance », ajoute-t-elle.

Il existe toutefois peu de données récentes sur l’obésité chez les tout-petits. Selon un rapport de l’INSPQ, 26 % des tout-petits de 2 ans à 5 ans présentaient un surplus de poids ou de l’obésité en 2004.

Par ailleurs, Lise Dubois a collaboré à une étude réalisée auprès de 2 366 femmes québécoises enceintes entre 2010 et 2012. Elle a ainsi pu évaluer la fréquence des problèmes de poids chez leurs enfants quelques années plus tard. « J’ai observé 10 % d’enfants de 2 ans qui étaient en surpoids ou obèses », mentionne-t-elle.

Surplus de poids?
Pour déterminer si un enfant a un problème de poids, les médecins utilisent l’indice de masse corporelle (IMC). Cette mesure se base à la fois sur le poids et la taille. Chez les enfants, l’interprétation de l’IMC doit toutefois être adaptée pour tenir compte de l’âge et du sexe. Les valeurs d’IMC utilisées chez l’adulte ne sont donc pas appropriées pour les enfants.

Pourquoi se soucier du poids des tout-petits?

« Les gens croient souvent qu’il ne faut pas s’inquiéter d’un tout-petit rondelet parce qu’il perdra sa graisse de bébé en grandissant, mentionne Dre Mélanie Henderson, endocrinologue pédiatrique au CHU Sainte-Justine. C’est faux. Si un enfant est obèse à 3 ans, il a beaucoup plus de risques de devenir un adolescent obèse. »

Cette situation n’est pas sans conséquence. « Si tous nos enfants pouvaient arriver à l’âge adulte sans surplus de poids, cela réglerait plusieurs problèmes de maladies chroniques », souligne Lise Dubois.

Des maladies d’adulte

Les médecins voient d’ailleurs apparaître de plus en plus de cas de diabète de type 2 chez les enfants. « Il y a 40 ans, le diabète de type 2 était une maladie qui affectait des adultes de 65 ans, explique Dre Henderson. Aujourd’hui, on voit parfois des cas chez des enfants de 8 ans. »

Le diabète de type 2 peut malheureusement avoir des conséquences importantes à long terme comme la perte de la vue, des problèmes aux reins et même une perte de sensibilité dans les bras et les jambes pouvant mener à des amputations.

L’obésité est aussi associée à plusieurs autres problèmes de santé comme l’hypertension, le taux de cholestérol élevé, les maladies cardiovasculaires et les maladies du foie. « Ces enfants sont aussi plus à risque d’asthme, d’apnée du sommeil ou de problèmes articulaires », ajoute Dre Henderson.

Une santé mentale plus fragile

L’impact de l’obésité chez les enfants n’est pas que physique, mais aussi psychologique. « Ce sont surtout des enfants qui vivent beaucoup de souffrances. Ils ont plus tendance à connaître la dépression, l’anxiété et à avoir une plus faible estime de soi. Ils sont aussi souvent victimes d’intimidation », souligne Dre Henderson.

Plus de calories dans l’assiette

Plusieurs raisons expliquent ces changements dans l’état de santé des enfants, mais l’alimentation, qui s’est beaucoup transformée au cours des dernières décennies, semble être la principale cause.

« Il faut faire attention à ce qu’on offre à manger aux enfants », croit Lise Dion qui s’est aussi penchée sur l’alimentation des tout-petits dans le cadre de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ). « Nous avons remarqué que les tout-petits de 4 ans qui avaient un surplus de poids mangeaient beaucoup plus de calories par jour que les autres », explique Lise Dion.

Selon la chercheuse, l’industrie alimentaire est en partie responsable du fait que les enfants mangent davantage qu’avant. « Toutes sortes de produits ont été développés pour les tout-petits, note la chercheuse. Par exemple, il y a les pochettes de compote. À la base, c’est un aliment acceptable. Cependant, les enfants peuvent en aspirer le contenu en quelques secondes. Ils ne sont donc pas conscients de ce qu’ils ont mangé. S’ils mangeaient cette compote dans un bol, assis à table, il s’arrêterait souvent bien plus tôt. »

Plus de sucre et de gras

En plus de la quantité, la qualité des aliments a aussi une influence sur le poids des tout-petits. « Plusieurs composantes de l’alimentation peuvent affecter le poids, souligne Dre Mélanie Henderson. Par exemple, il y a la consommation de gras saturés ou de boissons sucrées comme les boissons gazeuses et les jus de fruits. »

L’ELDEQ a d’ailleurs illustré le lien entre les boissons sucrées et l’embonpoint. En effet, 15 % des tout-petits qui en buvaient régulièrement étaient en surpoids alors que c’était le cas de seulement 7 % de ceux qui n’en consommaient pas.

Plus de repas devant l’écran

Cependant, il ne faut pas se préoccuper uniquement de ce que les enfants mangent, mais aussi de la façon dont ils mangent, rappelle Dre Henderson. « De plus en plus de données démontrent l’importance des repas en famille, explique-t-elle. Malheureusement, j’observe que beaucoup d’enfants mangent plutôt devant la télévision ou l’ordinateur. Ils ne sont alors plus à l’écoute de leur corps et ne remarquent pas qu’ils n’ont plus faim. »

Plus pressés

La rapidité à laquelle les enfants mangent peut aussi brouiller leurs signaux de faim, fait-elle remarquer. Ceux qui ingurgitent un repas en 10 minutes risquent de consommer davantage de nourriture puisque leur corps n’a pas le temps de leur envoyer le message qu’ils ont assez mangé, ajoute la pédiatre.

Selon Lise Dubois, les familles sont aussi de plus en plus pressées. Ils ont moins de temps pour cuisiner et cela a une influence directe sur l’alimentation des tout-petits. « Les jeunes parents vont aussi plus souvent au restaurant, ce qui n’était pas le cas avant. Tous ces établissements ont maintenant des menus pour enfants, mais il s’agit souvent de croquettes de poulet et de frites », ajoute-t-elle.

Les autres causes de surpoids

Mélanie Henderson rappelle toutefois que plusieurs autres facteurs peuvent influencer le poids. « Le grand joueur est certainement l’alimentation, mais il y a aussi l’activité physique, le temps passé devant les écrans et le sommeil », souligne-t-elle.

Plus sédentaires qu’avant, les tout-petits passeraient aujourd’hui trop de temps devant la télévision et les appareils mobiles. Par exemple, les pédiatres canadiens recommandent que pour les enfants de 2 ans à 5 ans, le temps total devant les écrans ne soit pas plus d’une heure par jour. En 2016, une enquête canadienne démontrait que seulement 22 % des enfants de 3 ans à 4 ans respectaient cette limite. Or, un enfant qui passe beaucoup de temps devant un écran, c’est un enfant qui bouge moins.

Par ailleurs, de plus en plus d’études suggèrent que le manque de sommeil est fortement lié à l’obésité. Les enfants qui ne dorment pas assez auraient tendance à manger plus. On estime d’ailleurs que 31 % des enfants d’âge scolaire manquent de sommeil, souligne Dre Henderson.

Prévenir dès la petite enfance

Il est possible d’agir tôt pour prévenir l’embonpoint et l’obésité chez les enfants, croient les deux spécialistes. Selon Lise Dubois, la prévention passe beaucoup par l’alimentation. On peut, par exemple, favoriser dès la petite enfance une alimentation riche en fruits et légumes et limiter la consommation de boissons sucrées comme les boissons gazeuses et les jus.

Dre Henderson insiste aussi sur l’importance d’agir sur le plan de l’activité physique et de la sédentarité. « Chez les tout-petits, on recommande 180 minutes d’activités physiques par jour, souligne-t-elle. Réduire le temps passé devant les écrans est également très important. »

« Bref, l’instauration de saines habitudes de vie en très bas âge est bénéfique pour prévenir l’obésité », résume Dre Henderson. « J’ai un souhait dans la vie, ajoute Lise Dubois. C’est que chaque jeune commence sa vie d’adulte en santé. Après, comme adulte, on peut choisir de moins bien manger ou de ne pas bouger. Cependant, les enfants ont le droit à la santé. »


Kathleen Couillard – Équipe Naître et grandir

Naître et grandir

 

Photos : Gettyimages/patrickheagney, Anetta_R, Blue_Cutler, michellegibson et tomhoryn

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