Portrait de famille: vivre avec un parent malentendant

Portrait de famille: vivre avec un parent malentendant
Portrait de famille: vivre avec un parent malentendant
Noémie Marin est devenue sourde à un an. Aujourd’hui, elle est maman. Comment se vit la surdité au quotidien quand on a des enfants entendants?

10 août 2016 | Noémie Marin est devenue sourde à un an à la suite d’une méningite. Aujourd’hui, à 35 ans, elle est en couple depuis 15 ans avec Éric, qui lui n’a aucun problème d’audition, et ils attendent leur troisième enfant. Comment se vit la surdité au quotidien quand on a des enfants entendants?

Noémie est sourde oraliste, c’est-à-dire qu’en vivant parmi les entendants, elle a appris à lire sur les lèvres et à parler. Elle n’a jamais dû s’asseoir et expliquer son handicap à sa fille Augustine, 6 ans, et son garçon Ubald, 4 ans. « Les enfants ont compris naturellement que je n’entendais pas, raconte-t-elle. Ils n’ont jamais posé de questions. Ils savent que s’ils veulent me parler, ils doivent toucher mon bras pour attirer mon attention, puis me parler face à face pour que je puisse lire sur leurs lèvres. »

Les communications sont parfois plus complexes quand elle rencontre des gens pour la première fois. Comme cette petite amie d’Augustine qui est restée figée quand cette dernière lui a appris que sa maman n’entendait pas. « Ils ne savent pas trop comment réagir sur le moment, avoue Noémie, ma voix est bizarre et ils sont gênés de me parler. C’est peut-être difficile de me comprendre les premières fois, mais après quelques rencontres, tout se place. »

Des outils pour aider

Noémie porte des appareils auditifs avec lesquels elle perçoit les bruits forts, les sirènes, les alarmes, mais pas les mots. Le matin, ses enfants savent qu’elle ne porte pas ses appareils en se levant, elle aime rester dans sa bulle, boire son café tranquillement. D’ailleurs, se considère-t-elle plus patiente qu’une mère qui entend 100 fois par jour « Maman, maman, MA-MAN ! » ? La jeune femme confie : « C’est certain que quand je suis tannée de les entendre crier ou s’exciter, j’éteins mon appareil. Je comprends que mon conjoint ait moins de patience par moments. Les cris, ça peut être très agressant. »

La nuit, comme elle ne porte pas ses appareils, elle a un vibreur sous le matelas qui l’avertit si un enfant pleure, si une alarme se déclenche, si le téléphone sonne ou s’il y a quelqu’un à la porte. Des lumières de différentes couleurs s’allument sur un téléavertisseur posé sur sa table de chevet. Éric travaille parfois de nuit et cela peut être angoissant. Surtout qu’ils ont récemment découvert qu’Augustine est somnambule. Noémie ne l’aurait jamais su si son conjoint n’avait pas surpris la petite descendre les escaliers plus d’une fois la nuit. Depuis, ils ont sécurisé sa porte de chambre.

Chacun ses forces

Bien sûr, elle a dû se faire à l’idée qu’elle ne partagerait pas certaines choses avec eux : « La musique, ils vivent ça avec leur papa qui est mélomane: je leur laisse ce plaisir à partager ensemble. Pareil pour le cinéma. Moi, je suis la maman-bricolage. »

Les handicaps nous révèlent souvent une force cachée en nous. On peut penser que la communication doit être plus difficile, mais en fait, elle est différente : « Je suis très visuelle, donc quand on se parle, je suis concentrée sur eux, on se regarde dans les yeux. La compréhension du langage corporel est aussi plus développée. Je peux rapidement deviner comment ils se sentent… »

 

Noëmie Forget – 37e AVENUE

 

Photos : Noémie Marin

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