L'apprentissage de plusieurs langues

L'apprentissage de plusieurs langues
Parents de langues différentes : Comment développer le bilinguisme chez les enfants?


Nous entendons souvent dire que les enfants sont comme des éponges et qu’ils peuvent apprendre facilement n’importe quelle langue quand ils sont jeunes. C’est vrai, pourvu qu’ils y soient exposés souvent dans des contextes variés et qu’ils soient motivés à apprendre une autre langue.

Développement du langage chez les enfants exposés à deux langues ou plus

La période préscolaire est propice à l’apprentissage des langues en raison de la capacité d’adaptation du cerveau des tout-petits. De plus, en bas âge, les enfants distinguent plus facilement les sons des différentes langues de leur environnement. Cela leur permet de parler une langue sans accent.

Certains parents craignent toutefois que l’apprentissage de plus d’une langue cause un trouble de langage chez leur enfant. Il n’en est rien. Des études récentes démontrent qu’apprendre deux langues ou plus ne provoque pas de trouble de langage et n’aggrave pas non plus les difficultés de langage chez les enfants qui en présentent.

Ainsi, un enfant exposé fréquemment à deux langues ou plus depuis sa naissance devrait dire ses premiers mots vers 1 an et faire des combinaisons de mots (ex. : « ballon tombé ») entre 18 et 24 mois. De même, un enfant de 5 ans exposé couramment à deux langues ou plus aura un développement du langage semblable aux enfants qui parlent une seule langue.

Particularités liées à l’apprentissage de plus d’une langue

Il est tout à fait habituel qu’un enfant qui parle deux langues ou plus n’ait pas les mêmes forces dans chacune d’elle. Par exemple, il peut produire des phrases mieux construites dans une langue et utiliser un vocabulaire plus précis et plus riche dans l’autre langue. De même, il peut connaître le vocabulaire des émotions dans la langue utilisée à la maison et celui des animaux dans la langue utilisée à la garderie.

L’important est de considérer l’ensemble des phrases et des mots produits dans les deux langues. C’est ainsi que l’on peut évaluer si le développement du langage d’un enfant bilingue est normal, et non en évaluant ses compétences langagières dans une seule langue.

De plus, la langue la mieux maîtrisée à un moment donné peut varier et changer dans le temps et dépendre du contexte dans lequel l’enfant l’utilise de même que selon les personnes à qui il s’adresse. Ainsi, il peut utiliser et mieux maîtriser une langue plutôt qu’une autre pendant une certaine période de sa vie (ex. : langue de la maison à 4 ans) et devenir meilleur dans la seconde langue lors d’une autre période (ex. : en 2e année du primaire).

Il arrive enfin que l’enfant mélange les deux langues dans une phrase lorsqu’il ne connaît pas le mot recherché dans l’autre langue. Il s’agit d’un phénomène normal qu’on observe aussi chez les adultes bilingues. Il ne faut donc pas s’en inquiéter.

Les nouveaux arrivants et l’apprentissage du français

Parent immigrant qui parle dans sa langue maternelle à son enfant

Le plus important pour favoriser le développement du langage d’un enfant, c’est de lui parler au quotidien. Pour les parents immigrants, il est préférable qu’ils s’adressent à leur enfant dans leur langue maternelle. Ainsi, ils auront probablement plus tendance à parler avec leur tout-petit. De plus, mieux l’enfant maîtrisera la langue davantage parlée à la maison, plus il aura de la facilité à apprendre une autre langue.

S’il fréquente une garderie francophone, le tout-petit réalisera rapidement que les éducatrices et les autres enfants ne le comprennent pas lorsqu’il parle dans sa langue maternelle. Il est donc possible, au début, qu’il parle très peu ou pas du tout pendant une courte période.

Il commencera par comprendre les mots, puis les phrases qu’il entend. Pour se faire comprendre, il utilisera des gestes, puis des mots. Petit à petit, il sera capable de faire de courtes phrases, même si elles sont parfois mal construites.

En général, un enfant est capable d’avoir une conversation comme un enfant de son âge après 1 à 3 ans d’exposition régulière et diversifiée à une nouvelle langue. On observe la même chose lorsqu’un enfant entre à l’école sans parler français.

Par ailleurs, lorsqu’un enfant apprend à parler le français à l’école, il est tout à fait normal qu’il :

Une base solide dans sa langue maternelle aidera l’enfant à mieux maîtriser la langue apprise à la garderie ou à l’école.
  • mélange le français et sa langue maternelle lorsqu’il parle;
  • refuse d’utiliser sa langue maternelle à la maison, car le français est associé à ses nouvelles amitiés et lui permet de ne pas paraître différent des autres;
  • devienne moins compétent dans sa langue maternelle si celle-ci n’est pas stimulée à la maison. Il peut donc, pour un certain temps, présenter de faibles habiletés langagières dans sa langue maternelle et en français;
  • fasse plusieurs erreurs de grammaire.

Facteurs qui influencent l’apprentissage de plus d’une langue

Plusieurs facteurs influencent l’apprentissage de différentes langues et le choix de la langue parlée par l’enfant : l’âge, le temps d’exposition aux langues, le statut de ces langues dans le pays d’adoption, etc. Toutefois, peu importe le contexte et l’environnement dans lesquels l’enfant grandit, il est important que les parents démontrent un sentiment de fierté et adoptent une attitude positive à l’égard de l’utilisation de ces langues. Ainsi, l’enfant souhaitera plus les apprendre.

Par contre, il faut aussi se rappeler que les enfants bilingues demeurent des enfants avant tout, avec leur propre personnalité, leurs besoins et leurs préférences, et qu’ils peuvent faire le choix d’une langue plutôt que l’autre, malgré la volonté exprimée par leurs proches.

Comment aider un enfant à apprendre une nouvelle langue?

Lire des histoires à votre enfant dans les différentes langues qui l’entourent est un moyen efficace et amusant de stimuler son langage.

Pour qu’un enfant puisse s’exprimer couramment dans deux langues ou plus, il doit les entendre souvent et avoir l’occasion de les parler. Dans certaines communautés, un tel apprentissage se fait naturellement si les langues en question sont autant parlées l’une que l’autre, et si l’enfant est en contact avec différentes personnes de sa famille ou de son entourage qui les parlent.

Il est préférable que les parents ne mélangent pas les langues dans une même phrase lorsqu’ils s’adressent à leur enfant, car cela peut nuire à l’apprentissage de la langue minoritaire. Toutefois, le mélange des langues ne nuit pas au développement global du langage.

Quand un des deux parents parle une langue minoritaire

Si l’un des parents parle français et l’autre, une langue minoritaire, il est important de multiplier les occasions où l’enfant est exposé à la langue minoritaire. Adopter une attitude positive à l’égard de cette langue est nécessaire pour favoriser son apprentissage, car le tout-petit comprend très tôt que l’une de ses langues n’est pas très utilisée en dehors de son foyer. Comme il est naturellement plus exposé à la langue de la majorité, l’enfant développe moins son aptitude à s’exprimer dans la langue minoritaire. Cela peut l’amener à comprendre cette dernière, mais à ne pas savoir la parler.

Il est possible pour un enfant d’apprendre à lire et à écrire en français ainsi que dans une autre langue. Pour l’aider dans ses apprentissages, il est important d’expliciter les différences entre les deux langues. Par exemple, pour un enfant qui apprend à lire et à écrire en français et en arabe, on peut lui faire remarquer que le sens de l’écriture diffère selon la langue. En français, on lit de gauche à droite, alors qu’en arabe on lit de droite à gauche.

Quand les deux parents parlent français

Lorsque le français est la langue maternelle des deux parents, favoriser le bilinguisme nécessite une certaine planification et des efforts. Ils doivent alors s’entendre sur des stratégies pour inciter leur enfant à apprendre une autre langue. Par exemple, la semaine se passe en français et la fin de semaine en anglais.

Il arrive que les enfants ne répondent pas dans la langue attendue, car ils n’ont pas les mots ou les phrases nécessaires pour s’exprimer. Lorsque cela arrive, il est important d’offrir le modèle de la phrase attendue à l’enfant. La prochaine fois, il aura alors les mots ou les phrases nécessaires pour s’exprimer dans cette langue.

Qu’est-ce qu’une langue minoritaire?

Une langue minoritaire est une langue utilisée par une minorité de personnes dans une société, alors qu’une langue majoritaire est la langue utilisée par la majorité. Il existe une variété de langues minoritaires. Par exemple, au Québec, l’anglais et le tamoul sont deux langues minoritaires, mais à des niveaux différents. L’anglais est en effet utilisé par une plus grande communauté que le tamoul, ce qui facilite l’apprentissage de cette langue.

Trucs pour favoriser le bilinguisme chez votre enfant

  • Adressez-vous à votre enfant dans votre langue maternelle. Servez-vous-en aussi quand vous jouez avec lui. Vous représentez un meilleur modèle pour lui lorsque vous utilisez la langue que vous maîtrisez le mieux. Rappelez-vous qu’il vaut beaucoup mieux lui parler dans votre langue maternelle que lui parler très peu.
  • Développez un réseau social où les deux langues sont employées. Assister à des réunions amicales, à des événements communautaires et à d’autres activités réunissant des personnes parlant chacune des langues permet à votre enfant de pratiquer celles-ci et de comprendre que toutes les deux sont utiles et estimées.
Même si certaines de ces solutions ne sont pas toujours possibles, l’important est de favoriser le plus tôt possible un équilibre entre les deux langues.
  • Assurez-vous que votre enfant acquiert très tôt une base solide dans la langue minoritaire en l’inscrivant, si possible, à un service de garde où c’est la seule langue utilisée ou la langue principale.
  • Dressez une liste des services offerts dans la langue minoritaire (ex. : professionnels de la santé comme les médecins ou les dentistes, bibliothèques, cinémas, centres communautaires), et privilégiez-les. Pour ce faire, vous devrez probablement effectuer une planification à long terme, et peut-être parcourir de plus longues distances, mais vos efforts profiteront à votre enfant.
  • Exposez votre enfant à des livres, à des films, à de la musique et à des chaînes de télévision ou de radio dans les deux langues. Ces activités renforceront ses compétences linguistiques et son appréciation des deux cultures. Puisqu’il est souvent difficile de trouver des livres dans plusieurs langues minoritaires, n’hésitez pas à choisir des livres sans texte (ou dans une autre langue) et à raconter l’histoire dans votre langue maternelle.
  • Rendez visite à des membres de votre famille qui parlent la langue minoritaire ou recevez-les chez vous. Des séjours à l’étranger ou la visite de membres de la famille élargie favorisent aussi l’apprentissage de cette langue.

Quand s’inquiéter?

Si vous avez l’impression que votre enfant présente un retard de langage par rapport aux enfants de son âge dans la langue à laquelle il a été le plus exposé depuis sa naissance, consultez en orthophonie.

Si votre enfant apprend une nouvelle langue à la garderie, prenez rendez-vous avec une ou un orthophoniste s’il s’exprime très peu ou pas du tout après plusieurs mois d’exposition ou s’il semble incapable de communiquer correctement avec son entourage après 2 ans d’exposition à cette langue.

Il n’est toutefois pas nécessaire de parler à votre enfant dans une seule langue s’il présente un retard de langage. La recherche démontre en effet que lui parler dans deux langues ne devrait pas aggraver ses difficultés.

 

À retenir

  • Apprendre deux langues ou plus ne provoque pas de difficultés de langage et ne les aggrave pas non plus.
  • Pour évaluer le développement du langage d’un enfant bilingue, il faut considérer ses compétences dans les deux langues, et non dans une seule.
  • Il est important que les parents immigrants parlent dans leur langue maternelle à leur enfant, car ils auront ainsi plus tendance à lui parler.

 

Naître et grandir

Révision scientifique : R. Sabah Meziane, M.P.O., Ph. D., orthophoniste et chargée de cours à l’Université de Montréal
Recherche et rédaction :
Équipe Naître et grandir
Mise à jour : Octobre 2021

 

Photos : iStock.com et GettyImages/Pollyana Ventura

 

Ressources et références

Note : Les liens hypertextes menant vers d’autres sites ne sont pas mis à jour de façon continue. Il est donc possible qu’un lien devienne introuvable. Dans un tel cas, utilisez les outils de recherche pour retrouver l’information désirée.

  • KAY-RAINING BIRD, Elizabeth et autres. « Pulling it all together: The road to lasting bilingualism for children with developmental disabilities », Journal of Communication Disorders, vol. 63, septembre-octobre 2016, p. 63-78. doi.org
  • KOHNERT, Kathryn. « Bilingual children with primary language impairment: Issues, evidence and implications for clinical actions », Journal of Communication Disorders, vol. 43, no 6, novembre-décembre 2010, p. 456473. www.ncbi.nlm.nih.go
  • MEZIANE, Rabia Sabah et Andrea AN MACLEOD. « Evidence of phonological transfer in bilingual preschoolers who speak Arabic and French », International Journal of Bilingualism, juillet 2021. doi.org
  • NAKAMURA, Janice. « Parents’ use of discourse strategies in dual-lingual interactions with receptive bilingual children », dans Crosslinguistic research in monolingual and bilingual speech, Chania, ISMBS, 2018, p. 181-200.
  • THORDARDOTTIR, Elin. « Language Intervention from a Bilingual Mindset », The ASHA Leader, 15 août 2006. www.asha.org/Publications

 

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