Devrait-on laisser gagner un enfant lorsqu’on joue avec lui?
Jouer est agréable pour un jeune enfant. Gagner ou perdre a donc peu d’importance pour lui. Cependant, en vieillissant, il arrive qu’il se fâche s’il perd. Il peut alors ne plus vouloir jouer. Comment l’aider? Devrait-on le laisser gagner quand on joue avec lui?
Les types de jeux
Les jeux où seul le hasard compte
La plupart du temps, les premiers jeux avec un gagnant et un perdant sont des jeux où seul le hasard intervient (ex. : jeux de cartes tels que Rouge ou noir? ou La bataille). Les joueurs sont alors sur un pied d’égalité, et les enfants ont autant de chances de gagner que les adultes.
Ce type de jeux permet à votre enfant de comprendre qu’il peut perdre un jour et gagner le lendemain. S’il perd, vous pouvez lui dire : « Tu n’as pas eu de chance. Je parie que tu gagneras la prochaine partie. »
Même si la défaite est liée au hasard, elle peut être difficile à accepter pour votre enfant. Avant de commencer la partie, rappelez-lui qu’il a autant de chance de gagner que de perdre. Pour l’aider à comprendre le concept de hasard, vous pouvez jouer à pile ou face avec une pièce de monnaie.
Les jeux de société
Proposez différents jeux de société à votre enfant. Il démontrera peut-être plus d’habiletés pour certains d’entre d’eux. Misez sur ses préférences afin de le garder motivé à jouer, peu importe qu’il gagne ou qu’il perde.
Vers l’âge de 4 ans, et parfois même avant, les enfants commencent à s’intéresser à des jeux de société, comme le jeu de dames, les jeux de mémoire (où il faut retrouver les paires identiques), les jeux de dominos et le tic-tac-toe. Ces jeux sollicitent la mémoire, l’intuition, la logique et un minimum de stratégie. Ils comportent également des règles précises que tous les joueurs doivent suivre.
Ces jeux permettent aussi de jouer « à la vraie vie ». En effet, l’enfant apprend à suivre les règles du jeu, à ne pas tricher, à gérer sa déception en cas d’échec et à canaliser d’éventuelles réactions négatives.
Le laisser gagner, mais pas toujours
Pour apprendre à perdre, votre enfant a d’abord besoin de gagner. Remporter une partie l’aide à prendre confiance en lui. C’est en gagnant à plusieurs reprises avec vous que votre enfant développera l’assurance nécessaire pour accepter de perdre avec d’autres enfants.
Peu à peu, votre enfant développera ses habiletés et réussira à gagner sans votre aide.
Avant de commencer une partie, demandez à votre enfant s’il souhaite gagner ou que chacun joue selon les règles du jeu. Ainsi, vous pouvez vous adapter à son besoin de contrôle, qui peut varier selon son état émotif (ex. : fatigue, défaites à un jeu avec des amis plus tôt dans la journée). Précisez-lui toutefois qu’il peut faire ce choix uniquement à la maison. Avec le temps, votre enfant voudra respecter les règles du jeu lorsqu’il joue avec vous.
Ne pas toujours le laisser gagner
Si vous laissez toujours votre enfant gagner, vous lui donnez l’illusion qu’il est le plus fort. Il sera alors beaucoup plus déstabilisé s’il perd en jouant avec quelqu’un d’autre.
Au contraire, s’il ne gagne jamais, il perdra son intérêt pour le jeu. L’idéal est donc de le laisser perdre de temps à autre. Une victoire à l’occasion peut le motiver à continuer à jouer et l’aider à développer ses habiletés.
Accepter de perdre contre vous est plus facile que contre un autre enfant. Comme vous connaissez mieux le jeu et que vous avez davantage d’expérience, votre enfant trouve plus normal que vous gagniez. Quand il joue avec un ami de son âge, votre enfant se compare à un égal et peut trouver difficile que l’autre soit meilleur que lui.
Perdre contre vous est aussi moins difficile, car vous êtes capable de gagner avec humilité, sans vous moquer. Quand votre enfant perd, mettez l’accent sur le plaisir que vous avez eu à jouer avec lui, et non sur le résultat. Dites-lui par exemple : « On s’est vraiment bien amusés! », « Tu n’as pas lâché! » ou « Tu as été très stratégique, bravo! ».
Comment apprendre à un enfant à être bon joueur
Si votre enfant réagit fortement lorsqu’il perd en jouant avec un ami, proposez-lui de s’exercer à jouer à ce jeu avec vous. Profitez-en pour lui faire remarquer le plaisir et les habiletés qu’il a démontrés durant le jeu : « Je t’ai trouvé bon. Tu étais capable d’attendre ton tour. Nous avons eu beaucoup de plaisir ensemble. »
Jouer en équipe, plutôt que seul contre un adversaire, pourrait aussi aider votre enfant à accepter de perdre à un jeu. Lorsqu’il fait équipe avec un autre joueur, votre enfant n’est pas le seul responsable de la défaite, ce qui la rend plus supportable. Dans le cas d’une victoire, il est fier d’avoir contribué au succès de son équipe.
Les jeux coopératifs
Si votre enfant a du mal à perdre, il existe des jeux de société coopératifs où tous les joueurs doivent s’entraider. Ces jeux sans gagnant ni perdant permettent à votre enfant de participer, sans être comparé aux autres.
Les casse-tête, les dessins réalisés à deux et les histoires créées à plusieurs de type « invente-moi une histoire » sont également des jeux à explorer pour favoriser la coopération sans gagnant ni perdant. Vous pouvez aussi organiser de temps à autre des activités de coopération où chacun fait des efforts dans un but commun, comme cueillir des pommes en famille ou chercher des trésors lors d’une marche en forêt.
Pour d’autres idées de jeux coopératifs, consultez notre fiche Le jeu coopératif.
Apprendre à l’enfant à maîtriser ses émotions
Lorsque votre enfant perd, il peut vivre de la tristesse ou de la colère. Il peut aussi se sentir « nul » ou s’inquiéter que vous ne le trouviez pas bon. Il a besoin de votre aide pour mettre des mots sur ce qu’il ressent et pour l’accompagner dans la gestion de ses émotions. Pour l’aider, vous pouvez lui dire :
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« C’est vraiment fâchant quand le jeu ne se passe pas comme on avait prévu… »
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« C’est difficile d’accepter de perdre… Tu es tellement en colère que ça bouille à l’intérieur de toi? »
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« Tu es triste parce que tu aurais aimé gagner. As-tu l’impression de ne pas être bon? »
Votre enfant doit apprendre à trouver du plaisir dans le jeu avec un adversaire. Aidez-le à comprendre que la défaite n’est pas le signe qu’il est inférieur aux autres joueurs et que la victoire ne veut pas dire qu’il est supérieur aux autres. Le plaisir du jeu se trouve d’abord et avant tout dans le jeu lui-même, non pas seulement dans son résultat.
Donner l’exemple
Votre réaction lors de la défaite représente un modèle important pour votre enfant. Si vous vous montrez bon joueur, votre enfant imitera ces comportements lorsqu’il joue.
- Soulignez votre déception quand vous perdez, mais dédramatisez aussi l’échec. Dites-lui par exemple : « J’aurais aimé gagner » ou « Je pensais vraiment remporter cette partie! Je vais continuer de me pratiquer ».
- Montrez à votre enfant qu’il est normal de se tromper et de demander de l’aide. Par exemple, dites-lui : « Je crois que je n’ai pas bien joué sur ce coup-là. Qu’aurais-tu fait à ma place? » ou « Pourrais-tu m’aider au prochain tour? ». Vous lui donnez ainsi l’occasion de démontrer ses compétences, ce qui renforce sa confiance en lui.
- Portez attention à la façon dont sont perçus l’échec, l’erreur et la performance au quotidien (école, travail, sport, etc.) dans votre famille. Votre enfant reproduit ce qu’il entend, voit et vit le plus souvent.
Pas de compétition dans la vie quotidienne
Évitez de mettre en compétition vos enfants en dehors des périodes de jeu.
Pour accélérer le rythme des routines, certains parents disent à leurs enfants : « Qui sera le premier en pyjama? » ou « Qui aura fini de ranger sa chambre le premier? ». Une telle stratégie ajoute un élément de compétition entre les enfants et entraîne un gagnant et un perdant.
Par ailleurs, cette façon de faire risque de ne pas avoir l’effet espéré. En effet, un enfant plus lent n’accélérera pas nécessairement son rythme, car il sait déjà qu’il perdra. Il peut de plus se sentir moins bon que son frère ou sa soeur.
Valorisez plutôt les efforts de chacun de vos enfants. L’un d’eux peut être très rapide pour s’habiller, alors que l’autre offre de l’aide pour mettre la table. Soulignez que vous appréciez ce que chacun fait pour aider à ce que la routine se passe bien et que c’est un travail d’équipe, plutôt que de les mettre en compétition l’un contre l’autre.
À retenir
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Gagner à un jeu aide votre enfant à apprendre à perdre, car la victoire lui donne confiance en lui. Ne le laissez toutefois pas toujours gagner.
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Mettez l’accent sur le plaisir que vous avez à jouer avec votre enfant, plutôt que sur l’issue du jeu.
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Votre réaction lorsque vous perdez à un jeu représente un modèle important pour votre enfant.
| Révision scientifique : Marie-Hélène Chalifour, psychoéducatrice Recherche et rédaction :Équipe Naître et grandir Mise à jour : Mai 2022
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Photos : GettyImages/FG Trade et iStock.com/pixeldigits
Ressources et références
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Pour les parents : -
FERLAND, Francine. Et si on jouait? Le jeu durant l’enfance et pour toute la vie (2e édition). Éditions du CHU Sainte-Justine, Montréal, 2005, 216 p.
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FILLIOZAT, Isabelle. « Il me cherche! » : comprendre ce qui se passe dans son cerveau entre 6 et 11 ans. Paris, Éditions JC Lattès, 2014, 175 p.
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GAGNIER, Nadia. Êtes-vous le parent d’un mauvais perdant? 2017. drenadiapsychologue.com
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MACNAMARA, Deborah. Jouer, grandir et s’épanouir : le rôle de l’attachement dans le développement de l’enfant. Montréal, Les Éditions au Carré, 2017, 309 p.
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MORIN, Stéphanie. « Initier les tout-petits aux jeux de société », La Presse, 28 décembre 2021. www.lapresse.ca
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RADIO-CANADA. Zone des parents. Enfant mauvais perdant : 3 trucs pour devenir bon joueur. 2020. ici.radio-canada.ca
Pour les enfants : -
BRIGHT, Rachel et Jim FIELD. Les écureuils se querellent. Markham, Éditions Scholastic, 2017, 32 p.
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CHISHOLM, Alastair et David ROBERTS. Moi plus fort que toi. Toulouse, Éditions Milan, 2020, 44 p.
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ESCOFFIER, Michaël. Moi d’abord. Paris, Éditions Frimousse, 2010, 28 p.
-
HUDSON, Katy. L’or à tout prix. Markham, Éditions Scholastic, 2020, 32 p.
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OLDLAND, Nicholas. Les amis qui ne pensaient qu’à gagner. Markham, Éditions Scholastic, 2015, 32 p.
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SCOTTON, Rob. Splat n’aime pas perdre! Paris, Éditions Nathan, 2013, 28 p.
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SOUILLÉ, Laurent et autres. Azuro au tournoi des dragons. Montréal, Éditions Auzou, 2021, 32 p.
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