Ne crie pas! Ne grimpe pas! Les interdits imposés aux enfants sont-ils tous nécessaires?
Ne crie pas! Ne cours pas! Ne grimpe pas là! Les interdits imposés aux enfants sont-ils tous nécessaires?
Pourquoi pose-t-on des interdits aux enfants?
Lorsque les parents interdisent quelque chose à leur enfant, c’est, en général, par réflexe. Par exemple, ils reproduisent des interdits que leurs propres parents leur imposaient. Cela peut aussi être par crainte que leur enfant se blesse, par exemple en tombant du divan, ou qu’il brise quelque chose, comme une lampe.
Certains parents interdisent aussi des choses parce qu’ils ont peur que leur enfant fasse un dégât ou parce qu’ils craignent le jugement des autres. Il arrive également que des parents posent des interdits pour surprotéger leur enfant, par exemple pour lui éviter des situations qui semblent trop exigeantes pour lui. Certains interdits répondent donc davantage aux besoins des parents qu’à ceux des enfants.
Le rôle des interdits
Les interdits font partie de la vie et sont nécessaires, autant pour les enfants que pour les parents. Ils devraient être utilisés pour :
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assurer la sécurité d’un enfant (ex. : on ne marche pas dans la rue);
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l’aider à avoir de bonnes relations avec les autres (ex. : on ne frappe pas les autres et on ne s’adresse pas à eux en criant);
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lui apprendre à respecter son environnement (ex. : on ne lance pas les jouets).
Essayez de donner des
consignes positives à votre enfant, en lui disant, par exemple : « marche lentement », plutôt que « ne cours pas ».
Les interdits ont comme objectif d’assurer la sécurité d’un enfant tout en évitant de nuire à ses besoins de base : besoin de bouger, d’explorer, de se donner des défis et de décider de certaines choses. Quand on empêche trop souvent un enfant de faire ce qu’il a le goût d’essayer, il n’apprend pas à réfléchir ni à prendre des décisions par lui-même.
Un enfant qui a beaucoup d’interdits peut aussi vivre du stress et avoir plus de comportements difficiles (pleurs, crises) parce qu’il vit des frustrations et ne sait pas comment les exprimer.
Comprendre les besoins de l’enfant au lieu d’interdire
Le comportement de votre enfant vous parle. Lorsqu’il agit d’une certaine façon, c’est souvent pour exprimer un besoin. Avant de lui imposer un interdit, essayez plutôt de comprendre le besoin qui se cache derrière son comportement pour adapter votre intervention.
Voici six interdits fréquents et ce qu’ils révèlent des besoins de l’enfant.
1. « Ne cours pas, ne crie pas! »
Votre enfant apprend dans l’action, en explorant et en courant. Il a aussi besoin de bouger et de s’exprimer plus fortement pour libérer ses tensions (ex. : chanter, faire des bruits et des sons, etc.). Lorsque vous l’empêchez d’exprimer ce besoin, votre enfant peut ressentir de la frustration ou de l’incompréhension. Il peut aussi avoir l’impression qu’il dérange ou qu’il n’est pas adéquat.
Si vous n’êtes pas à un bon endroit pour courir et faire du bruit, dirigez votre enfant vers un endroit qui convient mieux. Dites-lui par exemple : « Ici, on marche pour ne pas se blesser, mais dehors ou dans le sous-sol, tu peux courir et parler plus fort. »
C’est une bonne idée de prévoir des espaces et des moments où votre enfant peut dépenser son énergie. Par exemple, encourager le jeu libre et lui donner souvent l’occasion de jouer dehors sont de bonnes façons de permettre à votre enfant de bouger et d’explorer à son rythme.
2. « Ne monte pas sur le divan! Tu vas tomber. »
Grimper est une façon pour votre enfant de tester ses limites, de développer sa confiance et d’exercer son équilibre. Selon votre niveau de confort, vous pouvez lui permettre de monter sur le divan seulement en votre présence pour assurer sa sécurité.
Toutefois, si vous ne voulez pas qu’il grimpe et saute sur le divan par crainte qu’il se blesse ou qu’il le brise, proposez-lui une autre option comme grimper et sauter sur un gros coussin. L’idée est de lui expliquer que le divan n’est pas fait pour grimper tout en lui indiquant les endroits où il est possible de grimper ou de sauter, par exemple dans le module de jeu au parc.
Vous pouvez aussi créer un parcours sécuritaire à l’intérieur de la maison ou dans votre cour pour que votre enfant s’amuse à sauter et à grimper par-dessus des obstacles.
3. « Ne grimpe pas dans la glissade! »
Votre enfant a besoin d’explorer et d’essayer des choses. Monter la glissade par la pente, c’est une façon de se donner un défi et de se dépasser physiquement, à condition qu’il n’y ait personne dans la glissade en même temps que lui. Si vous lui interdisez systématiquement cette activité, votre enfant peut ressentir de la frustration, et même de l’injustice face aux autres qui ont la permission de le faire.
Au lieu d’interdire à votre enfant d’utiliser la glissade pour remonter dans le module de jeux, dites-lui plutôt de le faire seulement lorsqu’il n’y a pas d’enfants qui veulent glisser. Pour l’aider à intégrer cette consigne, faites l’exercice avec lui de vous arrêter ensemble devant la glissade et de vérifier si quelqu’un veut glisser avant de grimper.
Notez toutefois qu’il est possible qu’il soit interdit en tout temps de remonter la glissade à la garderie ou à l’école. Précisez-le à votre enfant et expliquez-lui l’importance de respecter cette règle.
4. « Ne mange pas avec tes mains. »
Un tout-petit découvre avec ses cinq sens, donc il est normal qu’il ait envie de manger avec ses mains. Il peut vouloir toucher la texture d’un aliment. Avant 3 ans, un enfant qui n’est pas encore habile avec les ustensiles peut aussi utiliser ses mains pour aller plus vite. Empêcher un tout-petit d’utiliser ses mains peut créer de la frustration, car cela lui demande plus d’efforts dans un moment où il a faim.
Vers l’âge de 3 ans, un enfant devient généralement capable d’utiliser plus régulièrement ses ustensiles. Toutefois, certains aliments peuvent être plus faciles à manger avec les mains. Vous pouvez lui dire : « Tu peux manger ce morceau avec tes mains, mais pour le yogourt, on prend la cuillère. » Vers l’âge de 4 à 5 ans, vous pouvez insister davantage pour qu’il mange uniquement avec ses ustensiles, question de développer sa motricité fine et de le sensibiliser aux règles de savoir-vivre.
5. « Tu ne peux pas passer la journée en pyjama. »
Si votre enfant veut rester en pyjama la fin de semaine, c’est peut-être parce qu’il a besoin de ralentir et de faire les choses à son rythme. Ça peut aussi révéler un besoin de confort. Il veut garder son pyjama parce qu’il est bien dedans. Votre enfant pourrait avoir du mal à comprendre pourquoi vous refusez ce comportement, perçu comme réconfortant et sans danger.
Si son désir d’être en pyjama revient régulièrement, vous pouvez préciser les moments où il est possible de rester plus longuement en pyjama. Par exemple, au retour de la garderie ou la fin de semaine jusqu’à ce que vous deviez sortir de la maison. Vous pouvez aussi permettre à votre enfant de porter des vêtements plus mous pour répondre à son besoin de confort.
6. « Ne mets pas ce chandail avec ce pantalon. Ça ne va pas bien ensemble. »
Lorsque votre enfant veut s’habiller seul, il démontre son besoin d’autonomie. Cela lui permet de s’affirmer et de décider de certaines choses tout en laissant place à sa créativité. Si vous ne lui permettez pas à l’occasion de choisir ses vêtements, cela peut le mettre en colère et diminuer sa confiance en lui.
Pour combler son besoin d’autonomie, vous pouvez permettre à votre enfant des moments où il peut choisir de porter les vêtements qu’il veut tant qu’ils sont adaptés aux conditions météorologiques. Rappelez-vous que ce n’est pas grave si les couleurs de ses vêtements ne vont pas bien ensemble. L’important, c’est qu’il participe et qu’il soit fier de lui. Au début, vous pouvez lui donner des choix. Par exemple, vous choisissez le pantalon et lui offrez ensuite deux ou trois choix de chandails à mettre avec.
Pensez aussi à sensibiliser votre enfant au fait que, dans certaines situations, il faut adapter le choix des vêtements aux endroits et aux contextes, par exemple lorsqu’on s’habille pour un mariage.
Ne pas tout permettre à votre enfant
Bien sûr, interdire moins ne veut pas dire de laisser votre enfant faire tout ce qu’il veut. C’est normal d’imposer des règles. Savoir ce qui est permis ou non est sécurisant pour votre enfant. Toutefois, lorsqu’il y a trop de règles et d’interdits, il est difficile de les faire respecter avec constance. Mieux vaut établir un maximum de quatre à six règles familiales non négociables. Quand il y a peu de règles, c’est plus facile pour votre enfant de les retenir et de les respecter.
Si vous vous rendez compte que votre enfant persiste à faire des choses interdites, prenez le temps de vous questionner sur le besoin qui pourrait expliquer son comportement. L’idée n’est pas d’arrêter d’interdire des choses, mais de voir si vous pouvez vous adapter pour répondre d’une autre manière au besoin que votre enfant exprime. Dites, par exemple : « Je ne veux pas que tu sautes sur le divan, mais tu peux sauter sur les coussins que j’ai mis par terre. »
À retenir
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Certains interdits répondent davantage aux besoins de l’adulte que de l’enfant.
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Les interdits devraient assurer la sécurité d’un enfant sans freiner son besoin d’explorer.
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Mieux comprendre les besoins de votre tout-petit peut vous aider à intervenir en posant moins d’interdits.
| Révision scientifique : Marie-Hélène Chalifour, psychoéducatrice
Recherche et rédaction :Équipe Naître et grandir Mise à jour : Octobre 2025
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Photo : GettyImages/LightFieldStudios
Ressources et références-
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