Dossier

Tout le monde dehors!

L’été est là! C’est le moment idéal pour inciter votre enfant à jouer souvent dehors. C’est le meilleur terrain de jeu à lui offrir pour qu’il devienne habile physiquement, en forme, confiant et autonome.

Continuer

Heureux dans la nature

Des parcs, des boisés, de la terre, du sable, de l’eau… Tout est là, dehors, pour amuser votre tout-petit. Beau temps, mauvais temps, vous avez tout à gagner à amener souvent votre enfant jouer à l’extérieur.

Par Julie Leduc

Des parcs, des boisés, de la terre, du sable, de l’eau… Tout est là, dehors, pour amuser votre tout-petit. Beau temps, mauvais temps, vous avez tout à gagner à amener souvent votre enfant jouer à l’extérieur.

Les enfants ont besoin de jouer dehors. D’ailleurs, quand ils sont à l’extérieur, ils sont en moyenne deux fois plus actifs qu’à l’intérieur. Être dehors leur donne le goût de courir, de sauter, de grimper et de lancer. Tous ces mouvements améliorent leurs habiletés physiques et leur apprennent à connaître leur corps.

Émilie, la maman des jumeaux Paul-Émile et Héloïse, 5 ans, et de Béatrice, 8 ans, le constate. « Quand mes enfants jouent dehors, ils ont plus de place pour bouger. Ils peuvent courir et crier et ça leur fait du bien! »

Bouger autrement

« Les éléments de la nature font aussi bouger les enfants de différentes façons, dit Mathieu Point, professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Par exemple, se promener sur un terrain inégal exerce leur force et leur équilibre. » Même chose quand un enfant monte sur une roche ou marche sur un tronc d’arbre.

Sylvie Gervais, fondatrice de la coopérative Enfant Nature, emmène régulièrement des groupes de garderie dans la nature. « Je suis toujours surprise de voir combien ils améliorent vite leur endurance. Après quelques semaines, ils sont capables de marcher une durée équivalente à leur âge. S’ils ont 4 ans, ils peuvent marcher 4 km en jouant! »

Benoît, papa de Louis, 2 ans, et de Jeanne, 5 ans, a vu son fils faire des progrès étonnants en plein air. « L’hiver dernier, j’accompagnais souvent le groupe de garderie de ma fille pour des sorties en nature dans le cadre du projet Grandir en forêt. Louis, qui avait seulement 20 mois, était avec nous. Il marchait dans la neige pour suivre le groupe. Sur le plan moteur, il s’est beaucoup développé. Il marche vite et bien. Je vais me mettre au jogging pour pouvoir le suivre! »

Explorer, observer et créer

Jouer dehors offre aussi toutes sortes d’expériences stimulantes à votre tout-petit, indique Mathieu Point. « Quand votre enfant est dehors, il peut, par exemple, observer des insectes ou de petits animaux, toucher la texture des arbres et sentir l’odeur des feuilles. Cela développe sa curiosité et peut l’amener à parler plus, ainsi qu’à poser des questions. Le contact avec la nature est donc utile même pour le développement des connaissances et du langage », constate-t-il.

De plus, pas besoin d’apporter des jouets ou du matériel, car tout est déjà là pour s’amuser. « On va souvent se promener sur le bord d’une rivière près de chez nous, raconte Émilie. Les enfants s’amusent simplement à lancer des roches dans l’eau ou à ramasser des branches. » Un enfant est très créatif quand il joue dehors, observe Marie-Pierre Lajoie, éducatrice en milieu familial, qui participe au projet Grandir en forêt en allant régulièrement dans la nature avec son groupe.

« Un enfant peut utiliser une branche comme si c’était un balai et la transformer en fourchette ou en baguette magique à mesure qu’il joue. » L’éducatrice note que s’amuser avec les éléments de la nature exerce aussi la motricité fine des tout-petits. Elle se souvient d’un petit garçon qui jouait au restaurant et qui a utilisé deux branches comme des baguettes pour « manger » une plante. « Je n’aurais jamais pu créer une aussi bonne activité pour stimuler sa motricité fine! »

Bon pour la santé physique et mentale

C’est connu, jouer dehors comporte aussi de nombreux bienfaits pour la santé. Comme les enfants sont plus actifs à l’extérieur, cela améliore leur forme physique et aide ainsi à prévenir les problèmes de poids. Sans compter que jouer dehors encourage à regarder au loin, ce qui est bon pour la vision en général. De plus, la lumière du soleil aiderait à prévenir la myopie.

Jouer dehors, c’est une façon pour votre enfant de se sentir plus libre.

Bouger plus aide également à mieux dormir et cela a un effet positif sur l’humeur des enfants. Des études ont aussi montré que le contact avec la nature apporte un sentiment de bien-être général, dit Mathieu Point, professeur en sciences de l’éducation. « Cela libère les tensions et permet d’être plus attentif et concentré à d’autres moments », constate-t-il. « Quand ils rentrent après avoir joué dehors, mes enfants s’énervent moins, remarque Émilie. Ils vont faire des jeux plus calmes. »

Les parents aussi sont gagnants. « J’aime être dehors, confie Benoît. Ça me rend heureux. Mes enfants le sentent. Ça nous fait passer de beaux moments ensemble et ça nous rapproche! »

 

Des garderies en plein air

Des milieux de garde de Québec et de la Mauricie font l’expérience des garderies en pleine nature. Été comme hiver, les tout-petits passent des demi-journées ou des journées entières dans la nature : ils jouent, mangent et font même la sieste dehors parfois. Les bienfaits seraient nombreux pour les tout-petits : moins de stress, moins de conflits, plus d’entraide et plus de créativité.

 

Pour le jeu libre et... risqué!

Vos souvenirs d’enfance sont remplis de moments passés à jouer dehors et vous constatez que les enfants d’aujourd’hui passent beaucoup de temps à l’intérieur? Que s’est-il passé et pourquoi est-ce important de renouer avec le jeu libre à l’extérieur?

Vos souvenirs d’enfance sont remplis de moments passés à jouer dehors et vous constatez que les enfants d’aujourd’hui passent beaucoup de temps à l’intérieur? Que s’est-il passé et pourquoi est-ce important de renouer avec le jeu libre à l’extérieur?

Selon le kinésiologue Bruno Durand, la culture de l’hypersécurité et de l’hyperencadrement explique, entre autres, pourquoi les enfants jouent moins dehors qu’avant. « Les parents ont peur que des choses graves arrivent à leur enfant dehors, comme des blessures, des accidents ou, pire, un enlèvement, dit-il. Ces peurs sont irrationnelles, car on n’a jamais vécu dans une société aussi sécuritaire. Mais quand un événement rare, comme un enlèvement, se produit, les médias en parlent beaucoup. Certains parents ont ensuite l’impression qu’être dehors, c’est dangereux. C’est un frein important au jeu libre à l’extérieur. »

De plus, avec les horaires chargés des familles d’aujourd’hui, les enfants ont moins de temps libre. Plusieurs parents pensent aussi qu’ils doivent organiser des jeux ou inscrire leur tout-petit à des activités pour qu’il se développe bien. Mais ce n’est pas nécessaire! Selon Bruno Durand, le jeu libre à l’extérieur devrait être une priorité. Il permet à votre enfant d’inventer, de choisir et d’organiser ses propres jeux, ce qui est bon pour son développement.

Par exemple, Jessica laisse chaque jour ses enfants, Mathilde, 2 ans, et Rémi, 4 ans, jouer dehors au retour de la garderie. « On passe de 20 à 45 minutes dans la cour, dit la maman. Je reste proche d’eux, mais je les laisse décider de ce qu’ils ont le goût de faire. Ils aiment bien s’amuser à remplir un seau de terre et d’eau, et faire semblant de faire une soupe. »

« Quand votre enfant choisit à quoi il joue, avec qui et comment il joue, il apprend à se connaître », indique Mathieu Point, professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Il découvre ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas et ce qui l’amuse. De plus, la recherche démontre qu’un enfant est plus actif lorsqu’il joue librement.

Le jeu libre lui permet aussi de prendre des décisions et de développer sa confiance et son autonomie. Le papa de Rémi et de Mathilde, Tu Huynh, est toujours surpris de voir combien son fils est débrouillard et créatif quand il le laisse jouer librement dans la cour. « Il sait où sont les choses, il s’invente des jeux et c’est rare qu’il nous demande de l’aide », dit-il.

Le goût du risque

Lorsqu’ils jouent dehors, les enfants développent aussi leur goût de l’aventure et de la découverte : monter sur une roche, grimper dans un arbre, se mettre les mains dans la boue… Certains parents ont alors le réflexe de dire : « Attention, tu vas te faire mal! », « Ne fais pas ça, tu vas te salir! » ou « Non, c’est dangereux! » Toutefois, il serait mieux d’éviter ce type de phrases.

« C’est important que les enfants prennent des risques, dit Guylaine Chabot, professeure en sciences de la santé à l’Université du Québec en Outaouais. Cela fait partie de leur développement normal, dit-elle. C’est un moyen de tester leurs limites, d’apprendre à connaître leurs capacités et de développer leur confiance. »

Selon la professeure, garder son enfant à l’intérieur peut être plus risqué à long terme pour sa santé, que de le laisser jouer dehors. En effet, jouer dans la maison n’encourage pas à bouger et à être actif. « Cela peut mener à des problèmes de santé », dit-elle.

Comment l’encourager?

La clé, c’est de faire confiance à votre enfant, disent les spécialistes. « Il sait les risques qu’il peut prendre, dit Sylvie Gervais, fondatrice de la coopérative Enfant Nature. Un enfant va monter sur une roche s’il sait comment en descendre. Et s’il commence à grimper dans un arbre, c’est parce qu’il en a les capacités. »

Bruno Durand, kinésiologue, conseille aux parents de changer leurs habitudes. « Observez votre enfant au lieu d’intervenir, dit-il. Regardez-le bouger, explorer et prendre des précautions. Cela va vous donner confiance en lui. » Bien sûr, dit-il, il faut faire la différence entre risque et danger.

15 minutes : c’est le temps dont un enfant a besoin pour inventer un jeu. Il faut donc lui laisser du temps pour créer quand il joue librement.

« Un risque, c’est un défi que l’enfant décide de relever ou pas. Par exemple, sauter en bas d’une roche ou décider plutôt de la redescendre à quatre pattes. Un danger, c’est quelque chose que l’enfant ne voit pas, comme un tuyau de métal qui dépasse d’une structure », dit Bruno Durand. Il faut donc vous assurer qu’il n’y a pas de danger autour de votre enfant, mais après, mieux vaut le laisser explorer, sans le pousser, en restant un peu à l’écart.

Il faut aussi accepter que votre tout-petit se salisse et qu’il se fasse des bobos de temps en temps, comme un bleu ou une égratignure. Règle générale, ce n’est pas très grave, disent les experts interrogés, parce que les enfants font naturellement demi-tour quand ils se trouvent devant un défi qu’ils ne peuvent pas relever.

« Ce n’est pas toujours facile, mais j’essaie d’être moins protectrice, dit Émilie, mère de trois enfants. Ma fille de 5 ans aime grimper aux arbres. En la regardant faire, j’ai vu qu’elle connaissait ses limites. Quand elle ne peut pas monter plus haut, elle redescend. »

La maman est fière de voir qu’elle dit de moins en moins : « Attention! » « Je leur fais confiance. Je refuse même de les aider, dit-elle. Si mes enfants me demandent la main pour grimper dans un arbre ou sur une roche, je dis non. S’ils ne peuvent pas le faire seuls, c’est parce qu’ils ne sont pas encore prêts. » C’est une bonne attitude à adopter, selon Bruno Durand. « L’enfant qu’on aide toujours et qui n’a pas la chance d’explorer à son rythme va se blesser plus souvent plus tard, parce qu’il connaît mal ses capacités physiques. »

 

Trop sécuritaires, les modules de jeux?

Les modules de jeux sont soumis à plusieurs normes de sécurité pour éviter les chutes et les accidents. Ils proposent moins de défis que des éléments de la nature et les enfants s’y ennuient rapidement. Les tout-petits sont plus actifs quand ils jouent avec des accessoires comme des ballons et des cerceaux que dans des modules de jeux. « Les modules ont toutefois leur avantage pour aider les enfants à se faire des amis », mentionne Mathieu Point, professeur en sciences de l’éducation. En effet, les enfants se tiennent souvent en haut ou en bas des modules pour faire des jeux de rôles, comme jouer au restaurant.
À retenir
  • Les enfants sont plus actifs quand ils jouent dehors.
  • Laisser les enfants jouer librement favorise leur autonomie et leur confiance.
  • Les enfants ont besoin de prendre des risques en jouant pour apprendre à connaître leurs limites et leurs capacités physiques.

 

Naître et grandir

Source : magazine Naître et grandir, juillet-août 2018
Recherche et rédaction : Julie Leduc
Révision scientifique : Claude Dugas, professeur titulaire, département des sciences de l’activité physique, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

 

RESSOURCES

Site

  • ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DES CPE. Jouer dehors pour que mon enfant soit plus actif. www.aqcpe.com
  • RISLER, Clémence. « Des outils pour faciliter le jeu extérieur des enfants », 21 septembre 2021. vifamagazine.ca

Livres

  • MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DU QUÉBEC. À nous de jouer! L’extérieur, un terrain de jeu complet. 2018, 28 p.
  • CARDINAL, François. Perdus sans la nature. Éditions Québec Amérique, 2010, 208 p.
  • FERLAND, Francine. Viens jouer dehors! Pour le plaisir et la santé. Éditions du CHU Sainte-Justine, 2012, 122 p.

 

Photos : gettyimages/imgorthand, Maxim Morin et gettyimages/bigandt_photography