Mieux comprendre l’hésitation à la vaccination

On entend de plus en plus parler d’hésitation à la vaccination. Pourquoi certains parents hésitent-ils à faire vacciner leur enfant? Cela affecte-t-il le nombre d’enfants vaccinés au Québec? Portrait de la situation et réponses à des questions courantes de parents sur les vaccins.

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Mieux comprendre l’hésitation à la vaccination

Il existe différents types d’hésitations concernant la vaccination et différentes causes.

Par Kathleen Couillard

Vanessa Crevier Bélanger est la mère de Rosaly-Ann, née en janvier dernier. « Je ne suis pas tellement pour la vaccination, mais mon conjoint y tient », raconte-t-elle. Rosaly-Ann a reçu les vaccins prévus à l’âge de 2 mois, mais sa maman est hésitante quant aux vaccins suivants.

Il existe différents types d’hésitations concernant la vaccination. « Certains parents acceptent un vaccin, mais en refusent un autre, mentionne Laurence Monnais, historienne spécialisée dans l’histoire de la santé. D’autres repoussent le moment de la vaccination ». Enfin, certains se disent hésitants, mais font quand même vacciner leur enfant.

Il faut donc faire la différence entre l’hésitation à la vaccination et le mouvement antivaccin qui rejette tous les vaccins et qui, souvent, vise à convaincre d’autres personnes de refuser les vaccins aussi. « Les antivaccins sont une toute petite minorité de gens, précise Laurence Monnais. Il s’agit de moins de 2 % de la population ».

Selon elle, l’hésitation à la vaccination a toujours existé. « Par exemple, on le voyait dans les journaux des années 1960 à 1980. Des parents en parlaient dans le courrier des lecteurs », souligne-t-elle.

Davantage de parents hésitants qu’avant?

Bien qu’on parle beaucoup des parents qui hésitent à faire vacciner leur enfant, ils sont moins nombreux qu’avant. « En 2019, 23 % des parents se disaient hésitants alors qu’ils étaient 30 % en 2016 », rapporte Marilou Kiely, conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Même si des parents hésitent, cela ne semble pas non plus affecter la proportion d’enfants vaccinés au fil des ans, ce qu’on appelle la « couverture vaccinale ». « La dernière étude, réalisée en 2019, montre même une augmentation de la couverture vaccinale pour tous les vaccins du programme régulier », souligne Marilou Kiely. De plus, seulement 1 % des enfants n’ont reçu aucun vaccin et cette proportion demeure stable au fil des ans.

Les études montrent que les parents qui ont une mauvaise opinion des vaccins ou qui ont déjà hésité à faire vacciner leur tout-petit auraient plus tendance à refuser certains vaccins ou à retarder la vaccination. Selon les experts, il est donc essentiel de comprendre pourquoi ces parents hésitent pour éviter que leur crainte se transforme en refus de faire vacciner leur enfant. C’est important, car les taux de vaccination doivent demeurer élevés pour que la population continue d’être bien protégée. Par exemple, dans le cas de la rougeole, les experts estiment que 95 % des enfants doivent être vaccinés pour éviter les éclosions.

De plus, la pandémie de COVID-19 pourrait avoir rendu les parents plus hésitants. Marie-Ève Brouillette, infirmière en périnatalité, a remarqué pour sa part que les parents qu’elle rencontre posent davantage de questions. « Tout à coup, les vaccins de routine sont devenus le sujet de l’heure, raconte-t-elle. Cela a provoqué un processus de réflexion. »

Les causes de l’hésitation

Selon le Dr Arnaud Gagneur, médecin et chercheur à l’Université de Sherbrooke, la très grande quantité d’information qui circule au sujet des vaccins expliquerait en partie l’hésitation des parents. Il y a d’ailleurs beaucoup d’informations fausses et contradictoires. « De plus, bien des parents connaissent peu les maladies et les vaccins. Ils sont donc un peu perdus », dit-il. C’est encore plus le cas en situation de pandémie. « Cela entraîne de l’anxiété et plus d’hésitation », ajoute le médecin. Selon lui, si la campagne de vaccination contre la COVID-19 est un succès et permet un retour à la vie normale, cela pourrait redonner confiance en la vaccination.

Certains ont également peur de poser un geste qu’ils comprennent mal, avance le médecin. Plusieurs parents, comme Vanessa Crevier Bélanger, se posent d’ailleurs plusieurs questions sur les vaccins. « De quoi s’agit-il exactement? Comment sont-ils faits? Même lorsqu’on nous l’explique, ce n’est pas toujours bien vulgarisé », déplore-t-elle. Avant, on communiquait d’ailleurs davantage sur la vaccination des enfants, fait remarquer Laurence Monnais. « Il y avait de la publicité et les gens étaient familiers avec les vaccins et leur importance collective. »

Enfin, certains trouvent qu’on vaccine trop et s’interrogent sur l’utilité de certains vaccins. Par exemple, ils se demandent pourquoi vacciner contre la gastroentérite ou la varicelle puisque ces maladies ne leur semblent pas dangereuses. « Il y a une banalisation de certaines maladies », confirme le Dr Arnaud Gagneur.

Les vaccins sont en fait victimes de leur succès, croient les experts. En raison de leur efficacité, les maladies évitables grâce à la vaccination sont maintenant peu fréquentes. « Par exemple, on ne se rappelle pas que la rougeole donne des complications très graves, souligne le Dr Arnaud Gagneur. Si on a développé un vaccin, c’est parce que les risques de la maladie sont importants. »

L’accès aux vaccins
Plusieurs obstacles peuvent aussi rendre l’accès aux vaccins plus difficile. Par exemple, la clinique de vaccination est trop loin ou peu accessible en transport en commun, les horaires de vaccination ne sont pas adaptés à l’horaire de travail des parents ou leur employeur n’accepte pas qu’ils s’absentent. Autrement dit, il faut distinguer l’hésitation à la vaccination et la non-vaccination. « Ce n’est pas parce qu’un enfant n’est pas vacciné que ses parents ont été hésitants ou qu’ils ont refusé la vaccination », constate l’historienne Laurence Monnais.

Écouter et ne pas juger

« Souvent, les parents hésitants me disent qu’ils se sentent jugés et cela renforce leur hésitation », déplore le médecin. C’est aussi ce qu’observe Marie-Ève Brouillette, infirmière en périnatalité. « Plusieurs parents me racontent avoir menti à leur professionnel de la santé parce qu’ils avaient peur d’être jugés, remarque-t-elle. C’est un peu dangereux parce qu’ils risquent de se tourner vers d’autres sources d’information qui ne sont pas toujours fiables. »

Pour sa part, Vanessa Crevier Bélanger n’aime pas qu’on essaie de la convaincre. Elle préfère qu’on prenne le temps de bien lui expliquer. « Je veux faire des choix éclairés, dit-elle. C’est mon enfant. Je tiens à savoir quelles sont les conséquences si je décide de faire vacciner ma fille. » Laurence Monnais insiste d’ailleurs sur le fait que, pour elle, l’hésitation est légitime. « Comme parent, il est essentiel de se poser des questions pour s’assurer de prendre soin le mieux possible de son enfant », dit-elle.

C’est pour cette raison que le Dr Arnaud Gagneur a développé un programme qui permet à tous les parents qui le veulent d’avoir une discussion ouverte et sans jugement sur la vaccination avec un conseiller en vaccination après l’accouchement, à l’hôpital. Le but de ce programme, appelé EMMIE, est de les aider à prendre une décision. « Nos conseillers en vaccination sont là pour répondre à leurs questions et leur donner l’information dont ils ont besoin », explique-t-il.

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7 questions courantes sur les vaccins

Lorsqu’on hésite à faire vacciner son enfant, c’est souvent parce qu’on se pose des questions sur la sécurité, l’utilité et l’efficacité des vaccins. Voici des réponses d’experts à quelques préoccupations courantes.

Lorsqu’on hésite à faire vacciner son enfant, c’est souvent parce qu’on se pose des questions sur la sécurité, l’utilité et l’efficacité des vaccins. Voici des réponses d’experts à quelques préoccupations courantes.

Pourquoi les vaccins contiennent-ils des produits chimiques? Sont-ils dangereux?

« En général, les produits chimiques présents dans les vaccins sont nécessaires à leur conservation », souligne Marie-Ève Brouillette, infirmière en périnatalité. D’autres ingrédients, les adjuvants, servent à renforcer l’efficacité des vaccins. Les adjuvants causent de l’inflammation. Cette inflammation sert à activer notre système de défense. Des études ont d’ailleurs montré que s’il n’y a pas d’adjuvant, le corps se défend moins bien, explique le Dr Arnaud Gagneur, médecin et chercheur à l’Université de Sherbrooke.

« Si on regarde seulement la liste des ingrédients, ça peut faire peur, reconnaît Marie-Ève Brouillette. Cependant, il faut tenir compte des quantités. » En effet, la concentration de certains produits dans les vaccins est beaucoup plus faible que celle que l’on retrouve dans les produits d’entretien ménager ou même dans l’alimentation. Par exemple, plusieurs sont inquiets parce qu’il y a de l’aluminium dans les vaccins. Pourtant, de nombreux aliments contiennent de petites quantités d’aluminium, y compris les fruits, les légumes, la farine, les céréales, les noix, les produits laitiers, les préparations pour nourrissons et le miel.

Comment fonctionnent les vaccins?

L’objectif des vaccins est d’activer le système immunitaire afin que le corps puisse se défendre par lui-même contre certains virus et certaines bactéries. À la surface des bactéries et des virus, il y a des molécules appelées « antigènes » que notre système immunitaire reconnaît. Lorsque notre corps rencontre les antigènes pour la première fois, il fabrique des anticorps qui serviront à combattre la maladie, explique le Dr Arnaud Gagneur. Ainsi, si une personne rencontre de nouveau cette bactérie ou ce virus plus tard dans sa vie, ses anticorps empêcheront la maladie de se développer. « Le principe de la vaccination, c’est donc d’injecter seulement les antigènes, sans le reste qui pourrait entraîner la maladie », explique le Dr Arnaud Gagneur. Cela sera suffisant pour que le corps puisse se défendre.

Les vaccins à ARN messager, qui ont été développés pour lutter contre la COVID-19 (Pfizer et Moderna), sont toutefois un peu différents. En effet, ils ne contiennent pas d’antigènes, mais plutôt la recette qui permet au corps de fabriquer lui-même les antigènes qui activeront le système immunitaire.

La majorité des vaccins sont donc composés seulement de portions de bactéries ou de virus inactifs. Il existe toutefois quelques exceptions. Certains contiennent en effet des bactéries ou des virus vivants affaiblis qui ont été traités en laboratoire pour les empêcher de causer la maladie. C’est le cas des vaccins contre la rougeole et la varicelle, par exemple. Comme ces vaccins sont vivants, certaines personnes pourraient avoir de légers symptômes. Un enfant pourrait, par exemple, avoir quelques boutons de varicelle après avoir reçu le vaccin, mais il ne sera pas contagieux. L’enfant sera toutefois protégé des complications graves de cette maladie.

Pourquoi vacciner les enfants contre la COVID-19?

Même si les enfants n’ont pas de symptômes graves, ils peuvent transmettre le virus. Plus le virus se transmet, plus il risque de faire des « erreurs » en se reproduisant. Ce sont ces erreurs qui donnent naissance aux variants. Ainsi, plus on vaccine le plus de gens possible, y compris les enfants, moins on a de chances de voir apparaître de nouveaux variants. Par ailleurs, les enfants qui contractent la COVID-19 peuvent, dans certains cas, développer la COVID longue ou le syndrome inflammatoire multisystémique.

Pourquoi vacciner contre des maladies qui ont presque disparu?

« Quand nous avons l’impression d’être à l’abri de certaines maladies, cela signifie que nous avons bien fait notre travail de vaccination puisqu’il n’y a plus de grosses épidémies, explique Marie-Ève Brouillette. Toutefois, ces maladies constituent toujours un risque. Il faut donc continuer de vacciner. » Plusieurs maladies ont disparu au Québec, mais elles existent encore ailleurs dans le monde. « Par exemple, les éclosions récentes de rougeole étaient dues à des personnes qui n’étaient pas vaccinées et qui avaient attrapé la maladie lors d’un séjour dans un autre pays », dit Marilou Kiely, conseillère scientifique à l’INSPQ.

C’est seulement lorsqu’une maladie disparaît complètement de la planète que l’on peut cesser de vacciner contre elle. C’est le cas du virus responsable de la variole qui a été complètement éliminé, par exemple.

Un bébé de 2 mois est-il trop jeune pour recevoir un vaccin?

« Cette préoccupation des parents est compréhensible puisqu’ils voient leur bébé comme étant très fragile, dit l’infirmière Marie-Ève Brouillette. Cependant, c’est parce que le bébé est fragile qu’il a besoin d’être vacciné, afin d’être protégé contre des maladies qui pourraient avoir des conséquences très graves sur sa santé. »

Le système immunitaire des bébés fonctionne, mais il n’est pas encore tout à fait mature. Il n’est pas capable de reconnaître certaines bactéries, souligne le Dr Arnaud Gagneur. « C’est pourquoi les enfants de moins de 2 mois font beaucoup d’infections graves, comme des méningites », dit-il. Heureusement, il existe des vaccins qui permettent au système immunitaire du bébé de réagir de la bonne façon à ces bactéries. C’est donc plutôt le fait de retarder la vaccination qui fait courir un risque au bébé.

Pourquoi faire vacciner mon enfant si la majorité des gens le sont déjà?

Plus il y a de gens qui sont vaccinés, moins la maladie peut se transmettre. Cela diminue alors le risque d’être infecté. « Quand on fait vacciner notre enfant, ce n’est pas seulement notre enfant qu’on protège, mais aussi ceux des autres, ajoute Laurence Monnais, historienne spécialisée dans l’histoire de la santé. Ceux-ci nous protègent ensuite en retour. » De plus, faire vacciner son enfant permet de protéger les personnes plus fragiles qui peuvent moins bien répondre aux vaccins ou qui ne peuvent pas être vaccinées.

Pourquoi ne pas étaler davantage les vaccins prévus au calendrier de vaccination?

« Les parents ont le choix de faire vacciner ou non leur enfant et de suivre le calendrier de vaccination qui leur convient, reconnaît Marie-Ève Brouillette. Cependant, cela peut avoir des effets sur la protection que leur tout-petit va recevoir. »

Marilou Kiely confirme d’ailleurs que le calendrier a été fait en tenant compte des risques de certaines maladies et du système immunitaire de l’enfant : « Les premières doses sont efficaces pour prévenir les complications. Toutefois, plusieurs doses sont nécessaires avant l’âge de 2 ans pour que la protection soit adéquate. Retarder la vaccination rend l’enfant plus vulnérable. C’est pourquoi il est préférable de suivre le calendrier développé par les experts », explique-t-elle.

 

À retenir
  • L’hésitation à la vaccination n’est pas un refus de faire vacciner son enfant, mais plutôt le reflet de questions que se posent les parents.
  • Les parents apprécient que l’on réponde à leurs questions sur les vaccins sans porter de jugement.
  • Les vaccins permettent de protéger les enfants contre certaines maladies ou, du moins, d’éviter leurs complications graves.

 

Naître et grandir

Source : magazine Naître et grandir, septembre-octobre 2021
Recherche et rédaction : Kathleen Couillard
Révision scientifique : Ève Dubé, anthropologue médicale à l’INSPQ et Dre Caroline Quach, pédiatre et microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine et professeure titulaire à l’Université de Montréal

 

RESSOURCES

  • Démystifier les croyances sur les risques de la vaccination
    Gouvernement du Québec
    quebec.ca
  • Étude sur la couverture vaccinale des enfants québécois âgés de 1 an, 2 ans et 7 ans en 2019, M. Kiely et collaborateurs, Institut national de santé publique du Québec, 2021
    inspq.qc.ca
  • L’hésitation à la vaccination, È. Dubé, Institut national de santé publique du Québec, 2017
    inspq.qc.ca
  • Le mythe du refus, L. Monnais, Presse de l’Université de Montréal, 2019, 288 p.
  • Questions courantes sur les vaccins
    naitreetgrandir.com

 

Photos (dans l’ordre) : GettyImages/Geber86, GettyImages/Rawpixel, GettyImages/Solstock et GettyImages/Fluxfactory