Tout se répare

Tout se répare
Quand on devient père, on s’idéalise. On s’imagine devenir un homme solide comme un chêne et porteur de belles paroles, de sages conseils.

Quand on devient père, on s’idéalise. On s’imagine devenir un mélange de Monsieur Miyagi et d’Arnold Schwarzenegger dans « Commando ». Bref, un homme solide comme un chêne et porteur de belles paroles, de sages conseils.

Le problème c’est que, outre les classiques et vides conseils tels « l’important c’est de participer », « mange tes croûtes si tu veux grandir », « fais pas ça, tes yeux vont rester croches » ou « la nuit porte conseil », je n’en avais pas vraiment de conseils de grand chêne.

Faut dire que je ne suis pas du genre à voyager avec un sac à dos pour accumuler les expériences de vie folles et extraordinaires. Je suis un brin casanier. Cela dit, les conseils les plus forts viennent souvent d’eux-mêmes, à travers les soupirs et les larmes d’événements aussi agréables qu’un coup de soleil sous une douche chaude.

Des événements comme celui-ci.

Depuis quelques mois, je travaille avec acharnement à redonner de l’amour à une maison qui en a grandement besoin.

Un soir, à bout de motivation et un peu découragé par tout le travail encore à faire, je décide d’aller me coucher. Je débarrasse mon lit des artéfacts de la journée mouvementée et... « Ha! Bizarre », que je me dis en voyant quelques gouttes d’eau sur le Buzz Lightyear de mon plus vieux. C’était un soir d’orage. Ça coulait du plafond. Le toit coulait. Dans notre lit...

AH BEN *** (MOT PAS FIN)!

Le toit qu’on pensait changer l’été prochain est dû cette année finalement. Je résumerais le reste en disant que j’ai passé ma soirée dans l’entretoit, je me suis couché tard pour ensuite pleurer, stresser, quêter de l’argent. Mais un moment donné, je me suis dit (pour esquiver une crise d’angoisse) : « tout se répare ».

C’est la phrase la plus simple, mais la plus efficace au monde. Et voilà, je venais d’accoucher d’un sage conseil.

Je me voyais déjà dire à mes enfants :

« Mes loups, écoutez-moi, tout se répare.

Un jouet brisé, comme une lèvre qui saigne.

Une crevaison, comme un gros rhume qui fait manquer une fête d’amis.

Un toit qui coule, comme une chicane de famille. »

Et là, j’arrêterais le craquement de ma chaise berçante le temps de me pencher vers eux pour qu’ils comprennent que ce que je leur dis est important et j’ajouterais :

« Quand on prend deux secondes pour reculer, jaser avec son voisin, on se rend compte que lui aussi, son toit a coulé, même s’il l’avait fait faire l’année dernière. On se rend compte qu’on n’est pas tout seul et que des fois, faut juste respirer, en parler et prendre le temps de réparer. »

En vérité, mes enfants finiraient sûrement par se lever pour partir s’enfermer dans leur chambre en me disant que je suis gossant avec mes maudites morales. Et c’est à ce moment-là que je me remettrais à briser le silence avec le couinement de ma chaise berçante, sourire en coin, sachant très bien que le message fera son bout de chemin.

 

15 novembre 2016

Naître et grandir

Photo : iStock.com/Jimak

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