Quand les pères n'étaient pas les bienvenus à l'accouchement

Quand les pères n'étaient pas les bienvenus à l'accouchement
Par Kathleen Couillard, Journaliste scientifique
Petite histoire du combat mené pour que les pères retrouvent leur droit d’assister à la naissance de leur enfant alors qu’on leur avait fermé les portes des salles d’accouchement.

Difficile d’imaginer aujourd’hui que les pères se sont déjà vus interdire l’accès à la salle d’accouchement. On allait même parfois jusqu’à menacer d’appeler la police lorsque des pères se faisaient insistants. Dans son livre De la naissance et des pères, l’historienne Andrée Rivard raconte le combat mené par certains hommes entre 1950 et 1980 pour se faire une véritable place lors de la venue au monde de leur enfant.

Avant 1950, la présence du père dans la chambre lors de la naissance est pourtant courante puisque les accouchements ont encore lieu à la maison, souligne Andrée Rivard. Le début des années 1950 marque toutefois un point important dans l’histoire de l’accouchement. C’est à partir de ce moment-là que la majorité des accouchements se transportent à l’hôpital et c’est aussi à ce moment que la présence du père est remise en question, souligne l’historienne.

Le père, un obstacle pour les médecins

En général, les médecins de l’époque n’aiment pas que les pères soient présents durant l’accouchement, car ils craignent d’être jugés dans leur pratique et de perdre leur autorité, selon Andrée Rivard. Le père est donc vu comme un obstacle au travail des médecins et les hôpitaux leur interdisent l’accès à la salle d’accouchement.

De plus, à partir des années 1960, les femmes sont médicamentées et anesthésiées pendant le travail. Comme elles sont souvent inconscientes, le soutien du père ne semble pas nécessaire.

Aussi, à cette époque, le discours médical prétend qu’une femme bien préparée pour l’accouchement peut facilement se passer de son conjoint, raconte Andrée Rivard. Le milieu de la santé préfère d’ailleurs former des infirmières pour soutenir la mère et combler ainsi l’absence de du mari.

Le droit du père de voir naître son enfant

Même au plus fort de la médicalisation des naissances, des hommes et des femmes insistent sur le droit du père de voir naître son enfant et sur celui de la mère d’être soutenue par son mari, rappelle également Andrée Rivard. Les méthodes d’accouchement naturel qui commencent à gagner en popularité soulignent d’ailleurs l’importance de l’implication du conjoint pour accompagner la mère.

La résistance du milieu médical est toutefois très forte. Dans certains cas, on menace les pères d’appeler la police s’ils ne quittent pas la salle d’accouchement. Pour assister à la naissance, les hommes doivent donc rivaliser d’ingéniosité et s’assurer de pouvoir compter sur la collaboration d’un médecin plus ouvert.

Aux États-Unis, certains médecins encouragent les futurs pères à faire valoir leurs droits. Dans les années 1970, la fermeture de la maternité d’un hôpital montréalais qui laissait une plus grande place aux pères entraîne l’envoi de lettres aux journaux. Il y aura même des manifestations dans les rues de Montréal. Selon l’historienne, les médecins se voient alors obligés d’assouplir leurs règles par crainte de perdre des patientes. Au même moment, les hôpitaux commencent à adopter une approche plus familiale.

Le rôle accru du père lors de l’accouchement

L’importance du père au moment de la naissance commence donc à être reconnue. Dans certains livres, on le dit d’ailleurs responsable du succès de l’accouchement. On y trouve aussi des listes très complètes de tous les gestes qu’il devrait poser et des émotions qu’il devrait ressentir, mentionne Andrée Rivard.

Alors qu’ils étaient ignorés, on dicte maintenant aux pères quoi faire et comment se comporter. Certains se sentent d’ailleurs un peu coincés dans cette nouvelle vision de la naissance. Vers la fin des années 1970, ils recherchent donc plus de liberté. Par exemple, la création de chambres de naissance dans certains hôpitaux permettra aux couples de vivre l’accouchement comme ils le souhaitent. Les pères sont maintenant de réels acteurs de la naissance. Ils demeurent cependant dépendants du bon vouloir de l’équipe médicale puisque certains médecins sont toujours réticents devant les demandes des pères d’être plus impliqués, déplore l’historienne.

Le parcours des pères entre 1950 et 1980 aura façonné notre vision de la naissance. Inévitablement, leur désir d’être présents dans ce moment si important aura eu une grande influence sur la réalité des couples d’aujourd’hui lors de l’accouchement. La réflexion doit toutefois se poursuivre pour s’assurer que les nouveaux parents soient bien libres de vivre l’accouchement à leur façon, conclut Andrée Rivard.

Référence

Rivard, Andrée, De la naissance et des pères, les éditions du Remue-ménage, 2016.

 

Mise à jour le 16 mai 2023
Publiée originalement le 16 décembre 2016

Naître et grandir

Photo : iStock.com/RealCreation

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