Parlez-moi!

Parlez-moi!

Je veux tout savoir. Je ne l’ai pas vue de la journée alors je veux savoir si elle a pleuré, si elle a ri, si elle a fait pipi, caca, si elle est allée jouer dehors, qui elle a mordu, qu’est-ce qu’elle a mangé, à quoi elle a joué, avec qui, pourquoi elle a une égratignure sur la joue, si elle a appris une chanson, combien de temps elle a dormi. Bref, je veux des mots, des histoires, des anecdotes pour rattraper le temps passé loin d’elle et m’imaginer sa journée à la garderie.

Son éducatrice me dit que tout a bien été comme d’habitude et se tourne vers l’autre maman qui attend. Je comprends, je n’insiste pas, mais aussitôt dans l’auto, je repars à la chasse au temps perdu en m’adressant à l’objet de toutes mes questions :

- Ça va? T’as passé une bonne journée aujourd’hui? Qu’est-ce que t’as fait ma chérie d’amour?
- Z’a peuré
- Quoi! T’as pleuré? Pourquoi? Un ami t’a fait mal? Qu’est-ce qui s’est passé?
- Gade maman un zazo!
- Oui c’est bien. Pourquoi t’as pleuré ma puce?
- Où papa?
- Au travail. T’as eu de la peine à la garderie? Mais qu’est-ce que tu fabriques? Mais c’est dégoûtant, voyons, arrête de manger tes crottes de nez!
- Pati zazo

J’abandonne. J’allume la radio et j’écoute les nouvelles.
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Une heure plus tard. Je récupère mon petit bonhomme à la sortie de la maternelle. Il se jette dans mes bras et je repars à la chasse aux réponses à coups de « allez, allez, raconte-moi ce que tu as fait aujourd’hui! Raconte, raconte, raconte! » L’effet est saisissant.

- Sais pas. Me souviens plus. T’as des gâteaux dans ton sac?

J’ai mis au monde deux enfants à moitié sourds, semi-muets et atteints d’Alzheimer. Demain, j’appelle le docteur!
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Quatre heures plus tard, je suis assise sur le lit de mon fils. La chambre est silencieuse. Je viens de finir de raconter son histoire du soir et je me demande encore comment faire pour lui donner envie de me raconter ses journées. Je me penche pour l’embrasser et en me redressant, je lui dis :

- Tu sais, mon coeur, j’ai oublié de te dire... ce matin, quand je t’ai laissé à l’école, je suis rentrée à la maison et j’ai fini de boire mon café que je n’avais pas terminé. Après, j’ai ouvert la fenêtre de ta chambre pour laisser entrer un peu d’air frais et là, j’ai vu passer l’écureuil noir dans le jardin, tu sais le gros avec la queue tordue. Puis le téléphone a sonné et bla bla bla et bli bli bli et puis voilà. Bonne nuit mon amour.

Il me regarde ravi et me dit tout bas :

- Maman... ce matin, à l’école, j’ai enlevé... mon manteau, j’ai changé mes souliers, j’ai donné mon facteur à madame S., j’ai pris ma couverture et bla bla bla et bli bli bli.

Et de fil en aiguille, j’apprends qu’il a fait ceci et dit cela. Ça ne dure pas longtemps, mais c’est énorme pour moi. Alors, je dépose un bec sur son front en lui disant : « merci » et je me tourne pour embrasser ma petite que je pense endormie.

En me penchant sur elle, je l’entends murmurer :

- Gadehie, a pipi, caca, a pas peuré, zamis, manzé zazo et bla bla bla et bli bli bli. 

J’ai presque rien compris! Mais je suis sortie ravie, le sourire aux lèvres, emportant avec moi 1001 images de la journée de mes deux petits.

 

11 novembre 2009

Naître et grandir

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