Parfois, ses yeux s’embrouillent quand elle enfile son manteau. Ses bras deviennent lourds et son visage s’assombrit. Mon petit rayon de soleil, comme je me plais à la surnommer, se momifie en vilain nuage gris lorsque vient le temps d’aller à la garderie. Souvent, je crains une maladie ou un événement perturbateur. Après enquête : rien.
Ma fille ne veut simplement pas me quitter, surtout après un week-end joyeux ou un long congé passé à jouer en toute liberté. S’arracher à mes bras et au bonheur qui habite notre maison est un vrai supplice même si, aux dires de son éducatrice, une fois la porte refermée, le cordon coupé et les larmes séchées, elle retrouve vite sa joie de vivre en compagnie de ses amis.
Un matin de larmes, ça passe. Deux matins aussi, mais au bout de 3, 4, 5 ou 6, je doute, je la console, je philosophe, je m’en veux, je l’ignore, je m’énerve. Je passe par toute la gamme des émotions, car je ne sais pas quoi faire à part me sentir mal en ruminant ses larmes. Ça me tue. Je sais. C’est idiot. La vie est une longue succession de petits et grands deuils. Des malheurs et des séparations, elle n’a pas fini d’en vivre. Je sais tout ça. Je pourrais même consoler tous les parents du monde qui vivent la même chose que moi. Trouver les mots qui réconfortent, ouvrir grandes mes oreilles pour simplement les écouter. Raisonner le malheur des autres est si facile. Le mien, c’est autre chose. Sa tristesse descend directement dans mes tripes sans passer par la case cerveau. C’est plus fort que moi. Comme on dit, le coeur a ses raisons que la raison ignore. Pour éviter les maux de ventre, j’ai fini par en parler autour de moi et, franchement, j’ai bien fait.
Une amie chère, que je salue au passage, m’a soufflé l’idée de faire un tableau de motivation. Bénie soit-elle! Cela fait des années que j’utilise ce truc lorsque mes enfants vivent des moments difficiles et ont besoin d’un petit coup de pouce pour passer à travers certaines étapes (aller aux toilettes, ranger leur chambre, débarrasser la table, se brosser les dents, goûter un nouvel aliment, etc.).
Emmêlée dans mes émotions, je n’ai pas pensé 2 secondes à l’appliquer dans ce cas-ci. Il existe de nombreux modèles sur Internet qu’il suffit de télécharger, mais j’ai toujours aimé créer les miens. Une feuille en couleur, un joli dessin ou une photo, des cases vides, une feuille d’autocollants. Un gros 5 minutes de préparation et le tour est joué. Chaque fois que ma fille part à la garderie sans pleurer, elle peut coller une image sur son tableau. Au bout de 5, elle a le droit à un privilège de son choix (laver mes carreaux, faire le ménage à ma place... ben quoi, on peut rêver quand même!). Emballée par cette idée, son éducatrice a fait la même chose et ça marche. Cela fait 3 jours consécutifs que ma fille quitte la maison sans pleurs.
J’ai quasiment le goût de créer un tableau de motivation juste pour moi, tiens. Après 10 lessives, un massage. Après 20 préparations de repas, un souper dans un bon restaurant. Au bout de 30 allers et retours à la garderie, un week-end à New York...
12 avril 2012