Le terrible two ou Leeloo version T.2

Le terrible two ou Leeloo version T.2
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue

Ça se passe dans la cuisine Chevrier. Ma femme m’entend revenir du travail et me demande tout de go : « Quand vas-tu parler du terrible two dans ton blogue? » Je regarde au-dessus de son épaule et je vois le champ de bataille : un verre de lait par terre, des Cheerios partout dans la cuisine, des pâtes dans une assiette renversée et une petite fille de 2 ans rouge de colère, avec le visage barbouillé de yogourt… Bienvenue dans le monde de Leeloo version T.2!

En fait, ce qu’on décrit comme le terrible two est une période parfaitement normale du développement de l’enfant. Il s’agit même d’une période importante pour l’enfant, car en quelques mois, il connaîtra un développement intellectuel, social et affectif sans précédent dans sa vie.

Durant cette période, l’enfant passe de la dépendance complète à l’adulte à un désir d’indépendance important pour assouvir ses nouveaux besoins. Que ce soit un besoin de curiosité en prenant les objets dans ses mains, un besoin de socialiser en tentant de communiquer avec ses parents, un besoin moteur en courant dans la maison, un besoin émotionnel en se blottissant dans la jupe de sa mère, l’enfant veut assouvir ces besoins et va tenter de le faire avec différents comportements. Mais ces comportements ne seront pas tous efficaces et le décalage entre l’assouvissement de ces besoins et la réalité peut faire apparaître des comportements difficiles.

Parmi ces comportements, on note d’abord la difficulté de tolérer la frustration. Lorsque je dis non à Leeloo quand elle me demande de lui lâcher la main dans un stationnement, elle devient rapidement un sac de patates que je dois traîner à raz le sol jusqu’à ce qu’on rejoigne le prochain trottoir. J’ai beau lui répéter avec calme que l’on doit tenir la main de Papa dans un stationnement, rien n’y fait. De même lorsqu’elle commet un impair social, par exemple frapper son frère derrière la tête avec un sabre laser, et que j’interviens avec un « non » bien senti, elle pleure et se sauve en courant vers Maman.

En fait, le terrible two c’est beaucoup plus que seulement dire non. C’est notre enfant qui développe son autonomie avec des outils rudimentaires, outils qui sont eux aussi encore en développement. Ce fait est d’ailleurs très marqué à table. Combien de fois est-ce que Leeloo demande quelque chose d’inintelligible durant le repas et le redemande jusqu’à ce qu’elle rougisse de colère? L’outil commence à être disponible (la parole), mais il n’est pas encore à point, car son vocabulaire n’est pas encore assez développé pour l’aider à exprimer son désir.

Mais, même si on sait que ces comportements sont normaux, que fait-on lorsqu’ils se produisent? Voici quelques propositions.

  • Avant tout, on reste calme. Déjà le fait de savoir que le comportement de l’enfant n’est pas intentionnel aidera le parent à désamorcer sa frustration et à augmenter sa tolérance à la frustration. (Voir à ce sujet mon blogue précédent : Colère d’enfant, colère de parents.)
  • Utiliser l’humour avec l’enfant peut également être une stratégie gagnante. Par exemple, Leeloo a une fixation sur le fait d’enlever ses bottes et ses chaussons dans la voiture. Or, plutôt que de lui demander de garder ceux-ci pour qu’elle n’ait pas froid (ce qui ne fonctionne pas), j’ai plutôt commencé à faire le « monstre qui mord les orteils ». Ainsi, elle garde ses bottes lorsqu’elle n’a pas envie que je lui fasse le « monstre ». J’ai ainsi réussi à réduire la probabilité à une fois sur deux. J’avais bien tenté les collants, mais elle faisait des colères noires en voiture parce qu’elle n’arrivait pas à enlever ses bas…
  • Choisissez vos batailles. Certains comportements changeront tandis que d’autres ne changeront pas. Il faut accepter que vous ne puissiez pas changer tous les comportements qui vous gênent. Ainsi, à table, Leeloo peut lancer son contenant de yogourt par terre après qu’elle l’ait terminé, mais elle sait très bien qu’elle ne pourra pas se nourrir exclusivement de yogourts et de bananes durant le repas, elle va devoir manger une partie de son plat principal.
  • Autre stratégie efficace, mettre en place artificiellement des situations afin que l’enfant puisse émettre le bon comportement pendant que nous renforçons celui-ci. Ainsi, lorsque Leeloo prend une bouchée de son plat principal et qu’elle a droit à un tonnerre d’applaudissements de toute la table (ses frères sont bons joueurs pour ce type de comportements!), elle replonge avec vigueur dans son spaghetti pour tenter de reproduire l’effet.


Le terrible two ne sera pas le même pour tous les enfants. Il est important de retenir que cette période de développement de l’enfant peut être à la fois fascinante et frustrante pour le parent. Mais dans tous les cas, elle est parfaitement normale! Je vous invite quand même à lire mon blogue sur la loi antibacon. On ne sait jamais, ça pourrait servir…

 

19 novembre 2013

Naître et grandir

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