Le cellulaire, un nouveau membre de la famille?

Le cellulaire, un nouveau membre de la famille?
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue

C’est en allant à La Ronde, à la fin de l’été, que ça m’a frappé. Akira était seul comme un grand dans les papillons volants de La Ribambelle. Il cherchait mon regard, mon attention. « Papa, papa, regarde comme je vole bien! » Après quelques photos et plusieurs « Bravo! », mon attention s’est porté vers les autres parents qui attendaient aussi que leurs enfants terminent leur tour de manège. Et c’est à ce moment que ça m’a frappé! Aucun parent, ils étaient au moins une dizaine, ne portait attention à ce que leur enfant faisait et vivait. Ils étaient tous rivés à leur téléphone intelligent…

Plus tard, toujours à La Ronde, je me suis mis à observer les comportements des parents relativement à leur téléphone. J’ai pu remarquer tout le temps que les parents passaient sur leur appareil mobile pendant que leurs enfants étaient à côté d’eux. Je suis particulièrement sensible à ce sujet, car j’ai déjà écrit sur cette question. Or, les périodes d’interaction qui disparaissent ont un impact sur l’enfant, car son développement social et affectif doit passer par des échanges avec ses parents. L’enfant a besoin de cette attention pour développer son estime de soi. Il a besoin de savoir que son père ou sa mère est attentif à sa personne. Il doit également vivre le plus d’interactions possibles afin de développer ses habiletés interpersonnelles.

Cette attention est très importante pour l’enfant, car elle permet de créer des occasions d’interactions riches. Si maman est « scotchée » à son courriel durant le repas, l’enfant risque de ne pas prendre  l’initiative de raconter ses bons coups ou les moments difficiles de la journée. Il sera alors plus porté à faire le « clown » à table ou à  solliciter sans arrêt sa mère pour obtenir autrement cette attention.  Et l’enfant qui  demande quelque chose lorsque son père ou sa mère est concentré sur une tâche risque de  provoquer des manifestations d’impatience chez ce dernier.

Loin des yeux...

Que pouvez-vous faire pour éviter que le téléphone intelligent prenne trop de place dans votre vie de famille?

Le plus important est de prendre conscience de l’utilisation que vous en  faites. Est-ce que vous vérifiez souvent si vous avez de nouveaux courriels? Est-ce que votre utilisation est bien contrôlée ou est-ce que vous utilisez votre appareil dès que vous vous ennuyez? Pour ce faire, rien de mieux que d’observer durant une semaine vos habitudes d’utilisation de votre téléphone intelligent. Par exemple, construire une grille sur une feuille de papier dans laquelle vous notez l’usage que vous en faites peut s’avérer fort utile. L’objectif est de prendre conscience de vos habitudes.

Après une bonne prise de conscience, des changements s’imposeront d’eux-mêmes. Par exemple, si vous remarquez que vous consultez souvent votre téléphone durant les repas, vous pourriez alors le placer dans un endroit éloigné et l’utiliser seulement s’il sonne. Un peu comme on a toujours fait avec les lignes téléphoniques fixes. Ainsi, le fait de se lever pour le consulter mettra un frein aux réflexes de consultation incontrôlés.

Le fait d’éloigner physiquement son appareil a aussi comme effet d’en diminuer l’usage  lorsqu’on s’ennuie, une utilisation qui devient souvent un automatisme. L’idée  est de développer un usage sain du téléphone intelligent. Vos enfants ne devraient pas se sentir en compétition avec les appareils électroniques pour avoir votre attention.

Il faut garder en tête que les enfants ont besoin d’avoir, au quotidien, des moments en tête-à-tête avec leur maman ou leur papa durant lesquels ils auront toute leur attention. Pendant ces précieux moments, le parent interagit exclusivement avec son enfant : lire un livre avec lui, jouer aux bonshommes, discuter de sa journée, s’amuser à faire des combats de lutte ou de chatouillage, etc.

À la lueur de nos nouvelles habitudes technologiques,  je crois qu’il est important de remettre en question notre utilisation de ces appareils technologiques en présence de nos enfants et de constater que nous sommes souvent présents de corps, mais de moins en moins présents d’esprit. Si le geste de s’éloigner et de mieux contrôler notre utilisation de la technologie nous éloigne un peu du travail ou de Facebook, il nous rapprochera assurément de nos enfants…
 

25 septembre 2012

Naître et grandir

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