La recette de l’enfant-roi

La recette de l’enfant-roi
Par Dr Nicolas Chevrier, Psychologue

L’été arrive bientôt et c’est le temps d’habiller les enfants. Un petit tour dans une boutique de vêtements pour fillettes et c’est le choc! C’est ma première tournée d’achats d’été pour Leeloo.

Je remarque des imprimés avec des messages surprenants sur les vêtements : « Supermodèle », « Je suis la plus belle », « Enfant #1 », « Tassez-vous, j’arrive », « Princesse pour toujours »... Est-ce que j’ai vraiment envie d’une petite fille qui se prend pour une princesse? D’une demoiselle qui a la certitude d’être la plus belle? D’une petite qui passe avant les autres parce qu’elle considère qu’elle est numéro un ou qu’elle a des droits acquis?

C’est à ce moment que m’est revenu un essai basé sur les travaux de collègues psychologues qui traitaient d’une « épidémie de narcissisme ». Le narcissisme c’est un ensemble d’attitudes et de comportements qui se développe chez certains individus. Ces personnes sont centrées sur leurs propres besoins, ils n’ont pas d’empathie envers les autres, ils ont un fort sentiment que tout leur est dû et auront habituellement beaucoup de difficultés à fonctionner dans notre société moderne. Or, les enfants-rois sont une forme de narcissisme juvénile créée par l’attitude des parents.

Ces messages imprimés sur les vêtements laissent entendre que notre enfant est « spécial », qu’il mérite mieux que les autres. En fait, on sème ici les graines d’une attitude qui pourrait faire des ravages chez notre enfant.

Les ingrédients d’une recette gagnante

On sait maintenant quelle est la meilleure recette pour faire un enfant-roi, qui deviendra éventuellement un narcissique, voire un hypernarcissique. Aussi, pour votre bénéfice, je vais la partager avec vous. Bien sûr, je vous expose cette recette avec un regard ironique. À la manière d’un caricaturiste, j’ai grossi les traits, mais ce qui importe c’est que ces principes nous restent en tête lors de nos interventions. Je sais que dans mon cas, je les ai toujours en tête (ce qui ne signifie pas que mes interventions sont toujours un succès!).

1 - Donnez à votre enfant autant de pouvoir qu’à un adulte. Demandez-lui de choisir le nouveau divan, de vous conseiller sur le lieu des prochaines vacances estivales ou de choisir lui-même ses vêtements dans les magasins. De cette façon, vous le privez d’un apprentissage important que même des superstars comme les Rolling Stones ont dû faire à un certain moment : dans la vie, on ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut!

2 - Ne dites jamais « non » à votre enfant. Exposez-le le moins souvent possible à la contrariété afin qu’il ne puisse pas développer de tolérance à la frustration. Ainsi, son intolérance se traduira invariablement par des crises de bacon ou de grandes colères à l’âge adulte.

3 - Dites en tout temps à votre enfant à quel point il est extraordinaire. Gardez le même discours, même si certaines de ses performances laissent à désirer, même s’il n’a pas vraiment fait d’efforts ou accompli quoi que ce soit pour se faire féliciter. Faîtes-le simplement parce qu’il est lui et non pas parce qu’il le mérite.

4 - Entraîner votre enfant à être performant et à gagner. Expliquez-lui que dans la vie, il mérite de gagner car il est un être extraordinaire… Être meilleur que son prochain, c’est ça qui compte.


La recette de l’enfant-roi est relativement simple. Il suffit d’oublier la règle la plus fondamentale lorsqu’on élève un enfant. Une règle que notre génération de parents a souvent tendance à oublier. Cette règle est simple, mais elle a beaucoup d’implications : le rôle d’un parent c’est d’élever et d’aimer son enfant, pas de se faire aimer par lui.

 

7 mai 2013

Naître et grandir

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