La naissance d’un père

La naissance d’un père
En triant de vieilles photos, j’ai retrouvé celle-ci, qui m’a fait sourire jusqu’aux oreilles. C’était leur premier biberon. En levant la tête, je les ai vus en chair et en os allongés sur le sol, côte à côte en train de jouer à un jeu de société. Leur passe-temps favori. Entre père et fils.

Je me suis alors demandé à quel moment les hommes devenaient vraiment des pères. Je veux dire pas techniquement, mais émotionnellement.

Je me trompe peut-être, mais leur chemin me semble si différent du nôtre… Pas mieux, ni moins bien. Juste différent.

Ça commence par une phrase dont ils ne sont pas toujours le sujet, mais qui les concerne pourtant directement : « Je suis enceinte, j’attends un bébé, etc. », qu’ils doivent souvent traduire eux-mêmes par : « Je vais être papa. » Ils ne sentent rien bouger dans le creux de leur ventre. Pas de nausées, de peau qui craque, de mouvements intérieurs, de sensations d’être habité. De flux d’hormones qui les déstabilisent. De mots qui leur manquent ou qui débordent pour un oui ou pour un non. Pas de cordon qui les relie à leur petit. Pas de lien continu qui leur rappelle qu’ils ne seront plus jamais seuls. Personne pour les soutenir ou leur expliquer en mille et un détails le pourquoi et le comment de leurs sensations, de leurs peurs ou de leurs doutes. Pas de surinformation.

Surtout au début, comment font-ils pour tisser le lien quand, pour eux, tout part de nous? De l’extérieur. Un test de grossesse, une phrase, une bedaine qui s’arrondit... Certains y arrivent naturellement parce qu’ils y pensent depuis longtemps. D’autres non et je les comprends. Ça doit être tellement abstrait! Ils essaient. S’absentent. Reviennent. Observateurs en quête de sensations, la main posée sur nos rondeurs. Chercheurs de preuves. Certains tracent leur chemin en fonction de nous ou malgré nous. Au fil des jours, souvent impuissants devant nos débordements physiques et psychologiques. Nos attentes. Nos questions existentielles. Notre sens du détail ou du drame : « Argh! Il n’a pas de mitaines, il va mourrrrrrrir! » « La bavette : jaune ou bleu? Avec ou sans nounours? T’as pensé à lui mettre sa crème? Comment ça, tu n’as pas demandé ce qu’il a fait à la garderie aujourd’hui? »

Pas facile de s’y retrouver dans ce brouhaha maternel.

Alors, à quel moment l’évidence viscérale d’être un père se fait-elle vraiment ? Quand le test est positif? Quand le ciseau coupe le cordon? Au premier regard? Au premier biberon? Au premier rire? La première fois que l’enfant dit le mot « papa »? Est-ce que ça arrive d’un coup ou ça grandit doucement?

Mystère et boule de gomme!

 

20 janvier 2010

Naître et grandir

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