Joséphine à la garderie: témoignage d’une maman

Joséphine à la garderie: témoignage d’une maman
Par Geneviève Doray, Directrice, Naître et grandir

En cette Semaine des services de garde, je laisse la plume à la maman de Joséphine, une petite fille handicapée. Elle livre un touchant hommage aux éducatrices d’un centre de la petite enfance (CPE) qui ont ouvert « leur porte et leur coeur » à Joséphine.

Lorsque notre jolie Joséphine s’est pointée le bout du nez voilà 5 ans et que le néonatalogiste de garde nous apprenait qu’elle serait fort probablement « génétiquement modifiée » (entendre : handicapée), nous ne pensions pas que la vie nous réserverait encore de belles surprises. Jamais nous n’aurions pu imaginer, à cet instant précis, qu’un petit oasis de bonheur nous attendait à quelques pâtés de maisons, prêt à recevoir et aimer notre jolie Joséphine, mais surtout, prêt à nous aider à relever la tête et nous permettre de recommencer à respirer, à souffler et à avancer. Le CPE Le Petit Monde du Collège Ahuntsic porte bien mal son nom... Rien n’est petit dans ce lieu. Rien. Que de grandes Dames, de grandes Femmes.

Elles ont croisé notre route alors qu’on n’y croyait plus. Les 3 années de galère précédentes avaient presque eu raison de notre foi en un avenir meilleur : hospitalisations répétées, suivis médicaux étroits avec plus de 16 spécialités, exercices de réadaptation quotidiens, etc. La vie semblait vouloir s’enraciner dans une litanie de mauvaises nouvelles : déficience intellectuelle, alimentation par gavage, faible système immunitaire... Avec un portrait pareil,  la recherche de milieux de garde devenait un véritable parcours du combattant.

Chaque fois, les garderies qui osaient la différence finissaient par nous rappeler, dépassées par les particularités de notre jolie Joséphine : « Votre fille vomit encore madame », « Votre fille ne veut pas manger madame », « Madame, venez chercher votre fille, elle n’a pas toléré son gavage, elle semble moche ». Rebelotte. Mais comment leur en vouloir? Le quotidien avec une petite fille unique, à la santé précaire,  n’était pas un mince défi. Heureusement, Joséphine restait la plus jolie, la plus coquine et la plus câline d’entre tous.

Un nouveau départ

Et voilà qu’un jour, entre une organisation « travail-famille » impossible et une gestion complexe des millions de rendez-vous médicaux, le téléphone a sonné : « On aimerait vous rencontrer avec Joséphine. Nous souhaitons intégrer un enfant avec des besoins particuliers et l’organisme J’me fais une place en garderie nous a parlé de votre fille en des mots bien positifs. »  Pour la toute première fois, plutôt que de quémander une place, on nous ouvrait tout grand les bras. Comme ça, sans a priori, sans négociation. Se pouvait-il que ce soit si simple? Eh bien oui. Je me souviendrai toujours de notre première rencontre. Enrhumée comme mille, j’avais peine à rassembler mes esprits et à «vendre ma salade» de mère d’enfant handicapée. Ce ne fut pas nécessaire. Pour la toute première fois, on nous posa peu de questions.

Je me rappelle même avoir été accueillie par des sourires, des éloges : « Non mais, voyez-vous ça, elle est capable de faire ça, qu’elle est bonne Joséphine! » Le temps d’une rencontre, ces femmes nous ont ouvert leur porte et leur coeur... pour ne plus jamais les refermer. Elles nous ont accueillies. Comme ça. Sans jugement. Sans condition. Telles que nous étions. Différentes certes, mais aussi humaines, emplies de richesses et de capacités. Je me rappelle avoir vu des larmes couler, de part et d’autre... Mais les miennes, pour une fois en sortant d’une garderie, avaient un goût de joie. Enfin.

À cette époque, je ne savais pas encore quel grand bonheur croisait notre route. On ne m’avait pas encore dit, un petit matin de semaine : « Merci de nous confier ta fille, elle nous apporte tant. On l’aime tellement. » Je n’avais pas non plus encore connu ces semaines de travail où le téléphone ne sonne pas, où la garderie compose avec confiance avec les particularités de ma fille, ses hauts comme ses bas.

Une petite fille « comme les autres »

Je ne savais pas encore non plus quels énormes progrès ma fille ferait avec ses éducatrices Denise et Véronique, et son éducatrice spécialisée, son Isabelle adorée. Je ne savais pas qu’elle ferait ses premiers pas en sa compagnie, qu’elle commencerait à manger la main dans la sienne, qu’elle apprendrait à s’habiller, à dessiner et à jouer avec elle. Mais surtout, je ne savais pas encore que ma fille deviendrait une petite fille « comme les autres » dans son groupe d’amis. Que le handicap s’estomperait doucement sous le regard aimant de ses amis et même, souvent, celui des autres parents. Que ma jolie serait si entièrement et pleinement intégrée.

Mon seul regret, aujourd’hui, au moment où ma jolie Joséphine grandit et se rapproche de ses 6 ans? Quitter ce CPE plus grand que nature. Laisser derrière nous cet oasis qui nous a permis de reprendre pieds et de se poser pour mieux avancer. Jamais je n’oublierai le regard aimant de ces éducatrices, celui-là même qui m’aura permis de comprendre la chance que j’ai d’avoir une si jolie Joséphine dans ma vie. Merci.

Anne-Sophie Van Nieuwenhuyse
Maman de Joséphine, 5 ans, et Léonard, 3 ans

 

26 mai 2014

Naître et grandir

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