Il devait revenir de l'école, mais il n'arrivait pas

Il devait revenir de l'école, mais il n'arrivait pas
C’était un mardi. Je m’en souviens comme si c’était hier. Les enfants du voisinage rentraient à tour de rôle chez eux, sauf mon gars.

15 h 08. Du lundi au vendredi, l’autobus numéro 81 arrête au coin de ma rue, à quelques mètres de la maison, pour faire descendre les enfants du primaire. Mon garçon de maternelle en fait partie.

Souvent, je travaille à domicile; mon bureau est au sous-sol. Donc juste avant qu’il n’arrive, je monte et m’installe sur le balcon pour l’accueillir.

Il n’était pas là

C’était un mardi. Je m’en souviens comme si c’était hier. J’étais au téléphone et j’ai quitté le bureau 2 ou 3 minutes plus tard qu’à la normale. Par la fenêtre, j’ai vu l’autobus jaune au bout de la rue qui s’éloignait comme il le fait chaque jour.

Les enfants du voisinage rentraient à tour de rôle chez eux, sauf mon gars. J’étais convaincu que j’ouvrirais la porte et que je le verrais pelleter les marches ou le chemin entre la cour et la galerie avant.

Ce n’était pas le cas.

Pas de sac d’école ni de boîte à lunch par terre. Pas plus de réponse lorsque je criais son nom. Je me suis donc dirigé vers l’arrière de la maison, persuadé qu’il avait simplement préféré jouer sur le terrain ce jour-là avant de venir me rejoindre à l’intérieur.

Aucun signe de son passage.

Et là, j’ai commencé à paniquer.

Par où commencer?

Appeler ma conjointe, qui était probablement au volant quelque part entre son travail et la maison, et la faire paniquer sans qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit? Téléphoner au service de garde de l’école au cas où mon garçon y serait par erreur? Faire le tour du quartier en voiture pour voir s’il ne serait pas parti avec un autre enfant?

J’ai choisi de garder le stress et l’inquiétude pour moi puis de lâcher un coup de fil à l’école. La dame, légèrement paniquée puisqu’elle savait très bien que ce n’était pas dans les habitudes de mon fils, m’a alors confirmé qu’il n’y était pas.

J’ai donc commencé à me faire tous les scénarios qu’un parent se fait dans une situation similaire.

Ça roulait vite dans ma tête, tout se bousculait. Je sentais une grosse boule m’embourber la gorge, me causant un profond sentiment de mal-être.

Sans perdre davantage de temps, j’ai enfilé mes bottes, mon manteau, et je me suis précipité vers ma voiture afin de faire une tournée des environs.

Un mélange de sentiments

Une dernière fois, j’ai crié son nom. Encore plus fort que précédemment.

Contre toute attente, j’ai vu sa petite tête pointer au-dessus du banc de neige.

« Voyons! Qu’est-ce que t’as à crier comme ça, papa? » m’a-t-il demandé avec l’air profondément intrigué et totalement inoffensif d’un enfant de 6 ans qui trouve que son père capote solidement.

Et là, je l’ai regardé, ne sachant trop si j’avais plus envie de l’embrasser ou de lui plonger la tête dans la neige. Envie de rire, de pleurer, de l’envoyer dans sa chambre, de le serrer dans mes bras comme si je ne l’avais pas vu depuis 2 ans…

Apparemment, le banc de neige était si haut qu’il ne m’avait pas entendu avant. Et de mon côté, impossible de voir qu’il s’amusait à y creuser des trous aux abords de la rue.

Nous avons eu une bonne discussion, mais je crois qu’il n’a jamais tout à fait saisi à quel point je m’étais inquiété, ce jour-là. Depuis ce temps, lorsqu’il revient de l’école, la première chose qu’il doit faire est de venir porter son sac dans la maison.

Et moi, je programme toujours une alarme à 15 h 06.

 

27 février 2017

Naître et grandir

Photos : GettyImages/SHSPhotography

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