La grossesse vue par... une historienne

La grossesse vue par... une historienne
La façon de voir la grossesse a beaucoup changé au Québec depuis le début du siècle dernier. Andrée Rivard, historienne et mère de 4 enfants, raconte.

Découvrez le récit de différents témoins de cette extraordinaire métamorphose qu’est la grossesse.

Cette semaine, la grossesse vue par une historienne.

Andrée Rivard est historienne. Elle est aussi mère de 4 enfants.

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La façon de voir la grossesse a beaucoup changé au Québec. Au début du 20e siècle, il était extrêmement valorisé d’avoir des enfants. C’était même un devoir religieux et patriotique. Les femmes cachaient pourtant leur grossesse, entre autres à cause de superstitions.

Elles dissimulaient aussi leur état par pudeur puisque la grossesse révélait l’acte qui précède, c’est-à-dire le rapport sexuel. Le devoir conjugal était quelque chose d’important, mais qui devait rester privé. C’est pourquoi on n’en parlait pas, c’était honteux. Pour cette raison, l’arrivée d’un nouveau-né était expliquée aux autres enfants de la famille par une histoire, par exemple celle du corbeau qui avait apporté le bébé.

Puis, il y a eu un grand moment de transition vers le milieu du 20e siècle. Les mentalités se sont alors mises à changer par rapport au couple et à la famille. Autrefois, le mariage avait un but utilitaire, mais à partir des années 50, les jeunes couples ont commencé à se soucier davantage de l’amour.

L’Église catholique a aussi voulu sauver les familles du divorce. Tout à coup, la société s’est donc mise à promouvoir un couple et une famille très unie. L’expression de la sexualité dans le couple est aussi devenue importante. Elle était même considérée comme essentielle à la bonne entente et à la stabilité.

Il y a eu aussi une réduction de la taille de la famille. C’était la grande époque de la famille nucléaire, centrée sur le couple et ses enfants. Chaque enfant qui arrivait prenait beaucoup d’importance. On valorisait ainsi davantage l’enfance. On voulait que l’enfant soit heureux et qu’il ait de bons souvenirs.

Cette façon de voir l’enfance va se répercuter sur la manière dont les couples vont vivre l’expérience de la grossesse et de l’accouchement. Attendre un enfant devenait quelque chose d’important. On voulait également vivre l’accouchement dans la joie et accueillir l’enfant dans l’amour et la tendresse.

Les années 1950-1960, c’est aussi l’époque où les femmes ont commencé à accoucher à l’hôpital plutôt qu’à la maison et où la présence du père lors de l’accouchement a été remise en question. On considérait alors leur présence non seulement déplacée, mais même nuisible, les pères étant vu comme pouvant perturber le bon déroulement de l’accouchement. Les couples ont dû travailler fort pour que les hommes aient leur place au moment de l’accouchement, ce qui arrivera graduellement durant les années 1970.

Aujourd’hui, même si accoucher n’a jamais été aussi sécuritaire, les femmes continuent d’avoir aussi peur de l’accouchement qu’il y a 100 ans. C’est sans doute ce qui fait que les mères continuent spontanément de se tourner vers l’hôpital pour accoucher. Pourtant, ce qui a vraiment permis de faire chuter les taux de mortalité pour les grossesses à faible risque, c’est essentiellement l’amélioration des conditions socio-économiques.

Les femmes sont-elles conditionnées par une mémoire collective marquée par le haut taux de mortalité maternelle et infantile qui a prévalu une bonne partie du 20e siècle? Conscientes du niveau élevé des interventions obstétricales, notamment des césariennes, les femmes auraient-elles acquis la certitude qu’un accouchement qui se déroule sans anicroche, en suivant son processus naturel, est presque impossible, sinon exceptionnel?

S’il y a quelque chose à reconquérir pour les femmes, c’est bien la confiance en leur corps et dans un environnement humain, fait de chaleur, de présence et de soutien, qui fait une importante différence quand il s’agit d’accoucher sans peur.

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Propos recueillis par Kathleen Couillard

 

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