Depuis le jour de son test de grossesse positif, Mireille Lévesque affronte une tempête professionnelle sans fin. Son récit.En 2018, nous avons publié un dossier sur le congé parental. Geneviève Doray, notre directrice, a rédigé un éditorial qui n’a laissé personne indifférent. Plusieurs parents nous ont écrit pour raconter leur situation. C’est le cas de Mireille Lévesque, la maman d’un garçon de 2 ans et demi du nom de Léo. Elle livre ici son vécu en espérant que vous ne vous sentiez pas seuls dans ces moments difficiles.
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Mon garçon restera à tout jamais ma plus grande fierté! Je vois, à travers son rayonnement, la somme de mes efforts. Pourtant, depuis le jour où un petit « + » s’est dessiné sur mon test de grossesse, j’affronte une tempête professionnelle sans fin.
L’emploi
Il y a trois ans et demi, je me suis retrouvée simultanément enceinte et au chômage.
En entrevue, on me disait textuellement que je n’étais pas retenue à cause de ma condition. Les agents de l’État me menaçaient aussi de couper mes prestations si j’abandonnais.
À l’hôpital, on me bombardait de questions concernant mon occupation et mes moyens. J’accouchais et je pensais uniquement au fait que j’allais mettre un bébé au monde sans garantie financière.
L’euphorie
Mon bonheur nommé « Léo » me comblait, mais je me transformais paradoxalement en boule d’anxiété.
À la fin de mon congé de maternité, j’ai trouvé un emploi stable à deux pas de chez moi. J’avais déjà atteint l’impossible : mettre la main sur une place convenable dans un milieu de garde qui fermait à 18 h et un poste, dans mon domaine, allant de pair avec cet horaire. Que pouvait-il maintenant m’arriver?
La course
Toutefois, les demandes pour effectuer des extras ne cessaient de se succéder.
Par-dessus le marché, fiston était toujours malade : une prime accompagnant la première année de garderie. Je ne revendiquais pas les congés pour autant. On ne les tolérait pas.
Jusqu’au jour où on m’a enlevé mes fonctions pour les donner à un homme sans enfant. On m’offrait, en échange, un poste qui ne m’intéressait pas. Il venait accompagné d’une description de tâche irréaliste et d’un horaire incompatible avec ma vie familiale.
La dégringolade
On me dénigrait, de plus en plus, auprès de mon nouveau collègue.
Un jour, mon patron a même lancé devant tout le monde : « Elle va dans les événements, mais c’est plus difficile parce qu’elle a un enfant. Même lorsqu’ils ont lieu le jour, elle doit partir à une heure précise pour se rendre à la garderie. »
Un jour, je me suis sentie si mal que j’ai eu l’impression que mon cœur allait lâcher. Je me suis surprise à me dire : « Au moins, s’il s’arrête, je n’aurai pas à rentrer au travail demain. »
Je craquais.
La remontée
Quelques mois plus tard, j’ai constaté que le monde ne tourne pas si facilement pour les femmes sur le marché du travail dans les années 2000.
J’ai repris ma vie en main en misant sur les bases. J’ai retrouvé une « instabilité financière », mais je m’en sors.
Je vis de contrats à la pige. Je m’inquiète toujours un peu pour mon avenir, c’est vrai. Par contre, je réalise que je me suis rendue malade à craindre pour le matériel. Pourtant, je me suis toujours débrouillée.
Le constat
Cette course effrénée m’a par contre enlevé un élément important : le temps. L’amour, au fond, demeure l’unique chose qui reste.
J’ai raté ma carrière en réussissant mon enfant. Je vis de contrats comme à mes débuts. Mais, en plus de gagner ma vie, je prends le temps de la savourer avec Léo.
Je ne regrette rien!
Mireille Lévesque
25 janvier 2019
Photo : GettyImages/annebaek