Vroum, Vroum!

Vroum, Vroum!

Tout a commencé un jeudi matin avec une miette de pain plus grosse que les autres. Je buvais mon café tranquillement en jetant un oeil distrait sur mon petit bonhomme âgé alors d’environ 8 ou 9 mois. Il mangeait sa tartine avec appétit quand, soudain, entre deux bouchées, une grosse miette s’est échappée sur la table. Une miette bionique.

Je ne me souviens plus si c’est sa taille ou sa forme qui a provoqué cet état. Toujours est-il que mon fils s’est emparé d’elle pour la faire rouler sur la table en faisant brrrrrrrrrr et puis vrrrrrrrr et pour finir c’est la tartine au complet qui s’est mise à faire vouuuuuum. Dix secondes plus tard, il bavait de plaisir, comme si l’effet combiné des sons qui sortaient de sa bouche et la nouvelle fonction de ce pain qui n’en était plus un faisait naître en lui une pulsion sortie de je ne sais où. Il vivait au milieu des poupées de sa soeur, il n’y avait alors aucune auto dans la maison et on n’écoutait jamais la télé. Pourtant, du jour au lendemain, tous les êtres vivants ou non de la maison sont devenus des « voum voum » : ses doigts, ses souliers, ses balles, ses bas, ses crottes de nez, ma brosse à cheveux, etc. J’ai donc acheté une petite auto. Son bonheur a décuplé!

La compétition est devenue terrible! Au fil des jours, les miettes se sont énervées, tenant mordicus à finir premières sur la ligne d’arrivée. Il y a eu des combats terribles. Les croûtes ont fini dévorées, écrabouillées ou éjectées hors de la table. Ça me changeait de ma fille qui embrassait ses tartines en les couvrant avec un mouchoir en papier avant de les avaler!

En grandissant, le besoin de gagner a pris des proportions énormes chez mon petit garçon. Maintenant, dès qu’il termine son assiette, il lève les bras en l’air en criant « j’ai gagné! » Le problème c’est qu’il est tout seul à jouer. C’est comme ça dans tout! J’ai rien dit jusqu’à maintenant, car je trouvais ça drôlement pratique d’avoir un premier dans la maison : premier au dodo, premier au lavage de dents, premier à ranger les jouets. Mais quand il a commencé à pleurer de rage parce que sa soeur le battait à la course ou à lancer son jeu de société préféré à travers la pièce sous prétexte que j’avais gagné, j’ai décidé d’intervenir.

Hier soir, au coucher, je me suis assise près de lui pour lui parler :
- « Tu sais, c’est bien de vouloir gagner, mais si tu perds ce n’est pas grave. Papa est grand et ça lui arrive quand même de perdre. Moi aussi. Tes soeurs aussi. Ce n’est pas gagner qui est important. C’est de participer. »
- « T’aime pas gagner toi? »
- « Si, mais si je perds ce n’est pas grave. Je ne mords personne. En fait, je m’en fiche un peu. Je me dis que je ferai mieux la prochaine fois. »
- « Ah bon. »
- « Tu vas arrêter de t’énerver quand tu perds alors? »
- « D’accord maman, z’ai compris. C’est pas grave si je perds. »
- « Tu sais mon amour, il va falloir que tu t’habitues, il y aura toujours quelqu’un sur la Terre qui sera plus fort que toi. »

Même dans la pénombre, j’ai vu l’étincelle naître dans ses yeux. Il s’est redressé, a tourné sa tête vers moi en me lançant d’un ton plein de défi :
- « C’EST QUI?!!! »

 

7 octobre 2009

Naître et grandir

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