Commencer un bac à l’université et tomber enceinte au même moment : les défis d’une maman étudiante.par Claire Briffault, étudiante au baccalauréat en communication à l’UQÀM
Il y a presque trois ans, quelques semaines après le début de mon bac en communication, une intuition m’a poussée à faire un test de grossesse. Difficile d’expliquer à quel point deux petites barres rosées sur un bâton de plastique peuvent chambouler une vie d’étudiante.
Mon amoureux et moi allions de toute évidence devenir parents! Il faut dire que l’agenda était parfait. À l’aube de la trentaine, mon désir d’avoir un enfant était de plus en plus présent. Pour sa part, mon conjoint, déjà sur le marché du travail, était aussi prêt à être papa.
De plus, l’accouchement était prévu deux semaines après la fin des cours et je pouvais retourner en classe dès le septembre suivant. Toutefois, assumer ma bedaine dans une université où la moyenne d’âge devait être de 22 ans n’a pas toujours été facile à gérer.
L’université, pas toujours adaptée à la maternité
Si je ne souhaitais aucun traitement de faveur de la part des professeurs, il a fallu, malgré tout, que je ralentisse mon rythme. J’ai allégé mes sessions et ma vie sociale est devenue presque inexistante.
Je n’ai aussi pas eu le choix d’écouter mon corps à certains moments. Par exemple, au dernier trimestre de ma grossesse, il me fallait trois heures de sieste pour trois heures de cours.
Parfois, je ne l’ai toutefois pas assez écouté… Je me souviens avoir eu, un jour, des étirements ligamentaires très douloureux alors que j’étais seule dans une salle de montage vidéo à l’université. La panique ! J’ai cru accoucher sur place ! J’avais passé la journée à transporter une grosse caméra et j’aurais dû m’y attendre.
D’ailleurs mon chum n’a pas manqué de me chicaner après être venu me chercher en urgence. C’est l’orgueil de ne pas passer pour une « handicapée » qui m’a poussée à en faire un peu trop parfois, mené par l’objectif de ne pas tarder à obtenir mon bac.
Involontairement, j’avais intégré que l’université n’était pas le lieu pour avoir un enfant. J’ai réalisé à mes dépens que la direction de mon programme n’avait pas l’habitude de devoir aménager le parcours scolaire d’une femme enceinte. Il a fallu plusieurs courriels et rendez-vous pour obtenir certaines dérogations.
Je redoutais aussi beaucoup le regard de mes jeunes camarades. Ils avaient quand même dix ans de moins que moi, comment pouvaient-ils comprendre mon désir d’enfant?
Mais à mon grand étonnement, le regard des autres n’a pas changé et je sentais même une bienveillance candide m’entourer à mesure que mon ventre s’arrondissait.
Mère étudiante, mais mère cool!
Après la naissance de ma fille Isaure, les deux années suivantes de mon bac m’auront fait passer constamment d’un univers à l’autre : de maman à étudiante, de co-cheffe de famille à élève docile.
Par chance, les études, quand on est une jeune maman, ne représentent pas que des défis! Et ce fut un réel plaisir de m’évader quelques heures par semaine, en confiant fillette à son papa ou à ses mamies, pour retrouver une stimulation intellectuelle et des discussions de plus de deux syllabes.
Mais c’est surtout la flexibilité de mon emploi du temps qui m’apparut l’avantage majeur de l’université. J’ai souvent pu suivre des cours de soir pour pouvoir passer la journée avec ma fille.
Aujourd’hui, plus rien ne me différencie, en apparence, de l’étudiant normal, même pas les cernes de lendemain de veille, l’odeur d’alcool en moins.
Les défis d’une maman étudiante
Toutefois, je dois quand même faire face à des défis que la majorité des étudiants ne connaissent pas comme les virus infantiles! En raison de cette « menace » qui plane toujours, il n’est plus question pour moi d’être à la dernière minute dans la remise de mes travaux!
Plus question non plus d’étudier tard dans la nuit, mon sommeil est devenu sacré! Et les fins de semaine se passent loin des livres, en famille. Séparer mes deux « vies » m’a aidé à conserver un certain équilibre. La clé c’est l’organisation!
J’aime penser que la maternité m’a aidée à prendre du recul et à choisir mes batailles. Je reste souvent admirative devant l’enthousiasme de mes camarades pour leurs engagements militants ou pour leurs convictions idéalistes. Mais pour moi, le combat de la journée aura été, par exemple, de tenter de convaincre ma fille de ne pas mettre des bottes de pluie quand le soleil brille dehors.
Folle ou courageuse, aujourd’hui je m’estime surtout chanceuse d’être bien entourée et d’avoir du temps et de la flexibilité pour profiter de ma fille malgré les sacrifices financiers. Je redoute davantage d’avoir à travailler 40 heures par semaine et de voir son enfance filer comme un claquement de doigts.
26 juin 2017
Photo : Claire Briffault