Accompagner son enfant dans le développement de son langage n’est pas synonyme de lui montrer à « bien parler ». Marie-Ève Bergeron-Gaudin, orthophoniste explique.Tout le monde se fait une idée plus ou moins précise de ce qu’est « bien parler ». Les expressions de l’un et les régionalismes de l’autre font parfois sourciller ou d’autres fois sourire.
Pourquoi est-ce que je parle de cela? Parce qu’accompagner son enfant dans le développement de sa communication et de son langage n’est pas synonyme de lui montrer à « bien parler ». L’apprentissage du langage suit des étapes bien documentées dans la littérature scientifique. Le « bien parler » relève d’une perception propre à chacun.
À l’époque où j’assurais le suivi d’enfants à titre d’orthophoniste, plusieurs parents qui utilisaient une expression plus populaire dans une conversation me disaient à la blague : « Je vais faire attention, je suis quand même avec une orthophoniste! » Ce à quoi je répondais : « Si tout le monde le dit, ça se dit! »
Au fond, parler, c’est simplement utiliser la façon de s’exprimer dans laquelle on baigne. Affirmer qu’ « icitte » ou « en dessour » sont des exemples de « mal parler » relève du jugement et n’est pas objectif. Le meilleur exemple pour mettre en évidence ce fait est qu’à l’époque de Louis XIV, il fallait dire « moé » et non « moi » pour bien s’exprimer. Comme quoi, tout est relatif!
Au-delà des impressions
L’important pour le tout-petit est d’être exposé souvent à la langue qu’il apprend dans des interactions significatives pour lui. Celui-ci gagne à entendre plusieurs mots de vocabulaire pour les apprendre. Il a aussi avantage à entendre des phrases bien structurées pour pouvoir en venir à comprendre et à exprimer le même type de phrases.
Rendu là, s’il formule des phrases comme « A mange un biscuit » ou « J’peux tu aller dehors? », il ne s’agit absolument pas de difficultés de langage. C’est plutôt le reflet de la façon la plus courante de s’exprimer autour de lui. Rien ne sert donc de s’attarder à reformuler ce type de phrases pour l’enfant. Il est beaucoup plus efficace de reformuler les vraies erreurs, comme lorsque l’enfant dit « J’ai pris le camion de le garçon » au lieu « du garçon ». (Cette erreur est souvent produite longtemps!)
Les enfants qui ont des difficultés de langage peuvent être dépistés sur la base de certaines observations. En aucun cas leur façon de parler le français ou leur accent régional ne sont considérés dans l’équation. D’ailleurs, les variations dans la façon de parler le français sont observables à l’échelle planétaire, chez tous les francophones! Il n’y a pas d’expressions ou de mots plus beaux objectivement. Mieux vaut donc se concentrer sur le plaisir de se parler et de se comprendre!
13 janvier 2020
Photo : GettyImages/sturti